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Guerres civiles et politiques d'extermination au Soudan 1
1820-2003

Chronologie élaborée pour le colloque des 31 mai et 1er juin 2002 : Dictature et racisme d'Etat au Soudan et en Mauritanie. (colloque disponible en ligne, voir la rubrique "Ressources en ligne".)

 

Quelques repères géopolitiques : 32 millions d'habitants. Plus de 500 ethnies. Une centaine de langues. Pays le plus grand d'Afrique, crée par le colonisateur égyptien.

Nord (3/4 du Soudan) : musulmans pour leur immense majorité ; Arabes (40%), Nubiens, Béja, Nouba, Four, Zaghawa, etc. devenus largement arabophones. (En plus des millions de personnes déplacées venues du Sud)

Sud : animistes et chrétiens pour leur immense majorité, Africains. Multiplicité d'ethnies. 2 groupes ethnolinguistiques : le nilotique, majoritaire (Dinka, Nuer, Shilluk, Bari, Toposa, etc); le soudanais (Azandé, Berta, Séré, Modu, Madi, etc). Un arabe oral très simplifié sert de lingua franca.

Le pays est en guerre depuis 1955, avec une trêve entre 1972 et 1983. Depuis 1983, de 2 à 3 millions de morts, plus de 5 millions de déplacés et réfugiés.

Et historiques : L'histoire du Soudan plonge ses racines dans un passé vieux de 5000 ans. Une partie du Nord s'appelait Koush et devint colonie égyptienne : les pharaons de la 25ème dynastie égyptienne sont des Koushites, des Soudanais (Vlllème siècle av.J.C). Puis royaume indépendant de Méroé qui tombe en 350 ap.JC. La région s'appelle désormais Nubie. Dès 545, elle est partagée entre trois royaumes chrétiens En 652, un traité de paix avec l'Egypte oblige la Nubie à fournir des esclaves. Le dernier royaume chrétien tombe en 1505. Islamisation : à l'Est un Sultanat Funj (1505-1821), à l'ouest, un Sultanat Four (XVll ème-XlXème siècle).

 

1820

Conquête du Soudan par l'Egypte, théoriquement vassale de la Turquie, qui ouvre l'époque de la Turkyia.

1841

Le franchissement des marécages fait découvrir le Sud pour la première fois. Trafic d'ivoire puis desclaves. Missionnaires catholiques à Khartoum, dans les Monts Nouba et le Sud.

1863

Découverte des sources du Nil.

1881

Mohammed Ahmed annonce qu'il est le Mahdi, le bien guidé, venu chasser les Turcs impies.

1885

Le Mahdi et ses disciples prennent Khartoum, C'est l'époque de la Mahdiya.

1899

Conquête du Soudan par les Anglo-Egyptiens. Etablissement du condominium anglo-égyptien . Dans la pratique ce sont les Anglais dirigent le pays. Ils autorisent les missionnaires chrétiens à travailler dans le Sud et les Monts Nouba qui ne sont pas musulmans (et leur laisseront les frais des écoles).

1955

Les postes tenus par les Anglais sont presque tous attribués aux seuls Soudanais du Nord. Début de la première guerre civile.

1 jan 56

Proclamation de l'indépendance du Soudan. Régime parlementaire

17 nov 1958

Le général Abboud prend le pouvoir par un coup dEtat et débute sa campagne d'arabisation et islamisation forcées du Sud. ("Un pays, une langue, une religion ")

21 oct 1964

Chute du régime et établissement d'un régime parlementaire. Mai 1969 Coup d'Etat du général Nimeiri soutenu par le Parti Communiste avec lequel il se brouille en 1971, se réconciliant avec les Américains.

Février 1972

Signature de l'accord d'Addis-Abeba, qui octroie l'autonomie au Sud, garantit les libertés religieuse et culturelle. Khartoum devait participer à la reconstruction et au développement du Sud à hauteur de $ 225 millions. Seuls 20% seront versés. La guerre a fait plus de 800.000 morts, presque tous Sudistes et a été accompagnée de la liquidation des chefs de la rébellion et des milieux cultivés. Nimeiri s'appuie désormais sur le Sud.

Mai 1973

La Constitution proclame que les Soudanais "forment une seule nation", qu'ils sont unis par des valeurs communes, mais "diversifiés par la multiplicité des appartenances religieuses et culturelles".

1977

Nimeiri se réconcilie avec les anciens partis politiques du Nord et se désintéresse du Sud.

1979

Cette réconciliation échoue et Nimeiri essaie de s'appuyer sur les Frères Musulmans. Il nomme leur dirigeant Hassan el-Tourabi, ministre de la justice . Celui-ci sera l'inspirateur de l'introduction de la loi islamique au Soudan. Le mouvement des Frères musulmans reçoit une aide clandestine des USA. et de l'Arabie Saoudite. Les USA aident aussi Nimeiri.

1980-1981

Découverte de pétrole dans le Sud et à cheval sur la frontière avec le Nord.

1983

Les Sudistes pensent qu'on va leur voler leurs richesses naturelles quand Nimeiri supprime l'autonomie du Sud puis promulgue un code islamique, qui constitue la charia comme source de droit . Soulèvement du Sud , y compris de troupes de l'armée nationale du Sud qui forment l'Armée de Libération du Peuple Soudanais (ALPS ), dirigée par le chrétien Dinka John Garang. La guérilla dans le Sud provoque un déplacement de population vers le Nord.

Juillet 1984

Le Parlement rejette une Constitution basée sur la charia. Mais cette dernière continue d'être appliquée.

Avril 1985

Le Président Nimeiri est chassé par un soulèvement populaire qui ouvre la voie à des élections démocratiques.

Avril 1986

Les élections portent au pouvoir le chef du parti Umma, Sadiq El-Mahdi, descendant de Mohammed Ahmed el Mahdi. Ce gouvernement exploite les divisions ethniques, et lève des milices - notamment Baggara - pour persécuter la tribu rebelle des Dinka. Début de la persécution des Noubas (confiscation des biens, expulsions, assassinats, viols, tortures, liquidation des intellectuels).

1988

Une famine , due à une sécheresse, tue 250.000 Sud-Soudanais. Nouvel afflux de déplacés et de réfugiés au nord du Soudan et en Ethiopie. Le parti du Nord DUP, qui fait également partie du gouvernement, signe un accord avec l'ALPS qui prévoit la suppression de la charia, de l'état d'urgence et un cessez-le-feu. Il s'agit de convaincre Sadiq El Mahdi.

1989

Le gouvernement de Sadiq El Mahdi décide d'appliquer cette politique, ce qui est approuvé par le Parlement par 128 voix contre 23. Rendez-vous est pris pour le 4 juillet. Hassan el Tourabi déclare qu'il n'est pas temps de faire la paix, mais la guerre sainte.

30 juin 1989

Coup d'Etat du général Omar el-Béchir et de sa junte militaire au Soudan. Il déclare que son but est la paix et emprisonne Tourabi. Il évite ainsi une révolution générale. Sorti de prison, Tourabi devient le penseur du régime et inspire un régime islamiste fondamentaliste qui veut convertir les musulmans à son genre d'islam, épure l'administration et l'armée, supprime les partis politiques, la liberté de presse, les syndicats. Les opposants ou supposés tels sont torturés dans des maisons fantômes. Particulièrement dans les Monts Nouba, ce régime se réclame du "jihad" pour mener une politique d'extermination et de purification ethnique ; l'armée, assistée de milices tribales, procède à la déportation massive et au massacre de populations civiles.

Octobre 1989

Constitution de l'AND (Alliance nationale démocratique) qui regroupe tous les opposants au régime du Nord et du Sud ( anciens partis et le ALPS - et syndicats à l'exception du Front National Islamique, nouveau nom des Frères Musulmans, qui a refusé de signer la charte et qui est de fait au pouvoir).

1989

La chute du mur de Berlin, l'évacuation russe de l'Afghanistan, la montée du FIS en Algérie, puis le rôle des ONG et des journalistes auprès de l'opinion américaine, modifient la politique des USA, qui ne soutiennent pas le gouvernement soudanais depuis le coup d'Etat. Constitution d'un consortium humanitaire intitulé Opération Lifeline Sudan (OLS), qui va envoyer de l'aide alimentaire d'urgence aux régions touchées par la guerre, sauf les Monts Nouba dont l'accès est interdit par Khartoum. L'OLS regroupe l'Unicef, 42 ONG et l'Opération Survie organisée par l'ONU, qui parachute de la nourriture aux populations du Sud par des avions venus du Kenya. Cette aide humanitaire sera souvent détournée par les forces militaires en présence.

1989-1996

Dans le Sud, les milices gouvernementales mènent une politique de la terre brûlée. L'une d'entre elles réduit femmes et enfants en esclavage. L'arme de la faim, celle de la maladie sont utilisées. Dans les monts Nouba, au sud du Kordofan, villages rasés, hommes assassinés ou déportés, femmes violées, enfants enlevés et vendus ou parqués dans des camps pour recevoir un enseignement islamique et un entraînement militaire. Organisation de camps de la Paix, sortes de camps de concentration. Le djihad est déclaré aux Nouba, même au tiers musulman de la population. Installation de tribus arabes sur les terres "nettoyées". Mutilations, assassinats et conversions forcées. Les bidonvilles de Khartoum sont rasés, et les déplacés du Sud et de l'Ouest (sécheresse) qui s'y entassaient sont pour partie parqués dans le désert au sud de Khartoum (500.000 personnes). Au début, l'accès de ces camps de regroupement est réservée aux ONG musulmanes et l'aide alimentaire est conditionnée à la conversion à l'Islam. Une partie de l'ALPS entre en dissidence (1991) pour des raisons de lutte de pouvoir, de diversité ethnique et de buts de guerre, largement manoeuvrée par Khartoum. Au Soudan uni, démocratique et laïc proposés par l'ALPS de John Garang, s'oppose le Sud indépendant préféré par les dissidents, dont Riak Machar. L'ALPS perd son soutien éthiopien après la chute de Mengistu (mai 91), et perd le contrôle d'une partie du Sud. Massacres de civils avec mutilations, lors des offensives gouvernementales par blindés. Le régime de Khartoum remet le terroriste Carlos à la France qui resserre ses liens avec lui et lui apporte un certain soutien diplomatique et militaire. S'agit-il de rivalité avec les Etats-Unis qui soutiennent l'ALPS ou de problèmes en relation avec les réseaux islamistes internationaux ?

1990

En protestation contre l'absence de respect des droits de l'homme, de démocratie, et contre la guerre, l'Union Européenne suspend l'aide au développement du Soudan qu'elle donnait dans le cadre des accords de Lomé/Cotonou.

1991

Le régime soudanais gagne de nouveaux appuis africains. Le régime communiste éthiopien cède sous les coups de la guérilla du Front populaire de Libération du Tigré (FPLT), et le nouveau régime devient l'allié de Khartoum. Victoire militaire d'un autre allié voisin, le Front Populaire de Libération Erythréen (FPLE).

1992

Le Soudan est condamné par l'AG de l'ONU, le Parlement européen, le Congrès des USA, le Bureau international du travail, Amnesty international, pour pratique de l'esclavage, violation des droits de l'homme et des conventions (qu'il a signées) sur les droits de l'enfant. La politique de privatisation des entreprises publiques et de libéralisation économique enrichit la clientèle du pouvoir, et la pratique ancienne de l'évergétisme (dons et mécénats) devient un mode de consolidation du régime soudanais, Oussama ben Laden, chef de réseau du terrorisme islamiste, s'installe au Soudan. Les Béja sont dépossédés en sa faveur de la région du delta fertile de la rivière temporaire Gash, aux pieds des collines de la Mer Rouge. Khartoum instrumentalise les mouvements extrémistes musulmans en Ethiopie. Le régime soudanais tente de rassembler les Ethiopiens hostiles à la politique de "fédéralisme ethnique" du régime éthiopien (qui n'autorise les partis politiques que s'ils sont des partis ethniques), mais il ne parvient pas à s'allier les chrétiens, et joue sur les minorités musulmanes (Somalis) en instrumentalisant leur Union islamique (al-Ittihad al-Islami) pour commettre meurtres et attentats au nom du "Jihad".

Février 1993

Visite du pape au Soudan. Le gouvernement soudanais s'inquiète de la médiatisation, accepte des pourparlers avec Garang au Nigeria sans volonté aucune d'aboutir.

Avril 1993

Indépendance de l'Erythrée. Très vite, Khartoum endoctrine, organise et soutient le djihad érythréen. Les renseignements égyptiens ont identifié 10 camps d'entraînement de terroristes au Soudan.

Mars 1993

La commission des Nations-Unies pour les Droits de l'Homme condamne le Soudan et à la requête de Vigilance Soudan, décide de nommer un Rapporteur spécial.

1993

LIGAD, Autorité Intergouvernementale pour le Développement, groupant Ethiopie Erythrée Kenya et Ouganda, cherche à servir de médiateur dans la guerre soudanaise. Elle émettra une déclaration de principes dont les points principaux sont un Soudan uni, laïc et démocratique avec partage des richesses et un droit à l'autodétermination pouvant conduire à l'indépendance.

1994

Le régime soudanais riposte au soutien logistique et autre apporté par l'Ouganda à John Garang (ALPS) par des fournitures d'armes à l'Armée de Résistance du Seigneur (LRA), mouvement millénariste hostile au gouvernement ougandais de Yoweri Museveni. Fondé en 1987 par Alice Lakwena (réfugiée au Kenya) qui prône le respect des 10 Commandements bibliques, il est dirigé par Koseph Kony, illuminé qui prétend protéger ses hommes des balles par une substance magique, et prône et appelle au meurtre des cyclistes, des vieillards, des instituteurs, etc. Plus tard il enlèvera des enfants dont il fera des tueurs. Le Soudan est mis par les Etats-Unis sur sa liste des Etats terroristes. Les Américains ne sont pas autorisés à faire des affaires avec le Soudan - dans la pratique, la gomme arabique dont Coca-Cola ne saurait se passer, est exceptée de cette règle

Janvier 1994

En riposte contre le soutien soudanais au djihad érythréen, Asmara protège l'opposition soudanaise, l'Alliance Nationale Démocratique à laquelle elle donne les locaux de l'ambassade du Soudan.

Février 1994

Rapport accablant de Gaspar Biro, juriste hongrois chargé d'enquêter sur la situation au Soudan par la Commission des droits de l'homme de l'ONU : Tous les droits de l'homme sont violés à grande échelle dans tout le Soudan. Le président el-Béchir juge ce rapport "blasphématoire". Le Parlement européen condamne le Soudan pour sa poursuite de violations des droits de l'homme. La France est le principal opposant, auprès du FMI, aux sanctions contre Khartoum. Le Conseil de l'Europe décide un embargo sur les armes à destination du Soudan.

Avril-juin 1994

Génocide des Tutsis du Rwanda, organisé par le pouvoir Hutu. Les génocidaires, se réfugient au Zaïre. Un nouveau régime rwandais à dominante tutsie appuie les forces rebelles de Laurent Kabila au Zaïre, alors que le Président Mobutu est soutenu par le Soudan. Kabila, lorsqu'il parviendra au pouvoir (le Zaïre deviendra le Congo-Kinshasa), renversera ses alliances et se retournera contre les régimes rwandais et ougandais, pour faire alliance avec les Hutus extrémistes et le régime soudanais. Cette alliance brigue le soutien de la France.

Octobre 1994

À Khartoum colloque sur le dialogue inter-religieux au Soudan où sont invités musulmans et chrétiens. A l'issue de celle-ci, le président Omar el Béchir déclare ouvertement à des participants musulmans que le gouvernement de Khartoum suit un plan à long terme pour convertir le Soudan en un Etat Islamique par tous les moyens.

1995

Tentative d'assassinat du président égyptien Moubarak à Addis-Abeba, applaudie par Tourabi. Le Conseil de Sécurité émet des sanctions à l'encontre du régime soudanais, accusé d'avoir entraîné et de protéger les coupables. Un cessez-le-feu est négocié par l'ancien président américain Carter, mais la région Nouba est exclue de la zone concernée. Amnesty International lance une campagne mondiale sur les violations généralisées des Droits de l'Homme au Soudan. African Rights publie Facing Genocide : The Nuba of Sudan . L'ONG Christian Solidarity International se lance dans une politique de rachat d'esclaves (un esclave s'achète environ 35 dollars). Les Four, Massaleit, agriculteurs africains du Darfour à l'ouest du pays, se plaignent d'être l'objet d'un nettoyage ethnique par le gouvernement au profit des tribus arabes de la région. Aucun organisme n'enquêtera jamais à ce propos. Nouvelle condamnation du Soudan par la Commission des Droits de l'Homme des Nations-Unies, et par la Commission africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.

Juin 1995

Réunion de l'A.N.D. (opposition unifiée du Nord et du Sud) à Asmara (Erythrée) qui adopte le droit à l'autodétermination pour le Sud-Soudan et les régions marginalisées (Nouba) à l'issue d'une période transitoire de 4 ans après l'accord de paix.

1996

Khartoum continue d'armer les rébellions ougandaises contre le régime du Président ougandais Museveni, en particulier l'Armée de Résistance du Seigneur (3000 hommes) qui recrute de plus en plus de jeunes chômeurs des campagnes grâce à l'aide militaire de Khartoum, terrorise la population ougandaise : assassinats, viols et mutilations de fillettes, cars remplis incendiés. L'Alliance des Forces Démocratiques (AFD), hostile aussi au Président ougandais Museveni, fait alliance avec le Soudan à son tour, et organise une rébellion à partir du Zaïre. Elle est composée des Hutus rwandais partisans de l'ex-gouvernement génocidaire réfugiés au Zaïre, des combattants musulmans du groupe islamiste Tabligh (d'origine pakistanaise), de combattants bajonkos (qui luttent depuis 1/2 siècle contre les gouvernements de Kampala), et de chômeurs d'origines ethniques diverses (baganda, banyoro, batoro). Khartoum trouve encore un autre relais anti-ougandais, le Front de Libération de la Rive Occidentale du Nil (FLRON), qui opère à partir du Zaïre, est composé de membres d'ethnies locales majoritairement musulmanes (nubi, kakwa, arinta) dirigées par les anciens militaires d'Idi Amin Dada. Pour améliorer son image, le gouvernement soudanais prie Ben Laden de quitter le Soudan . En novembre, organisation en France d'une table ronde à l'Assemblée Nationale, suivie d'une conférence de presse avec la participation du Rapporteur spécial des Droits de l'Homme des N.U., Gaspar Biro. Quatre-vingt dix parlementaires poseront des Questions Ecrites au Ministre sur la situation au Soudan.

1997

Le régime éthiopien, en réponse à l'organisation par Khartoum de terrorisme sur son territoire, coopère avec l'opposition soudanaise en exil. Le soutien érythréen à l'opposition soudanaise nordiste devient militaire, et celle-ci accepte le chef de l'ALPS John Garang comme chef militaire suprême. Le régime soudanais, impliqué dans une guerre régionale non déclarée, doit affronter une opposition unifiée s'appuyant sur des gouvernements africains voisins, en colère contre les tentatives de déstabilisation venues de Khartoum. Accord de paix entre le gouvernement et les factions sudistes pro-gouvernementales dont celle de Riek Machar. Le gouvernement s'engage notamment à un référendum d'autodétermination du Sud. Mais un alinéa l'autorise à repousser ce référendum ad infinitum. Aucune des promesses de cet accord ne sera tenue par le gouvernement. Les USA annoncent un soutien logistique militaire à l'Ouganda, l'Ethiopie et l'Erythrée. Le régime soudanais, fragilisé et isolé, haï de sa population, se tourne de plus en plus vers la France.

Février 1998

Famine artificielle provoquée par une exportation massive de sorgho vers le Nord et l'Erythrée. Le régime soudanais aggrave la famine en bloquant tout ravitaillement pendant 2 mois. Mai 1998 Arrestation quelques heures de l'archevêque de Khartoum au moment où il se préparait à se rendre aux Négociations de l'IGAD à l'invitation du Chef de l'Etat.

30 Juin 1998

Promulgation d'une constitution adoptée par le Parlement qui base les droits sur la citoyenneté et non sur la religion. La constitution sera continuellement bafouée ; les lois qui lui sont opposées ne seront jamais modifiées; la cour constitutionnelle chargée de la faire respecter statuera que si le Président de la République viole la constitution, c'est qu'elle ne lui donne pas assez de pouvoirs, donc qu'elle a tort, et lui raison de la violer. L'établissement continuel de l'état d'urgence permettra la création de tribunaux d'exception , où le prévenu ne peut avoir d'avocat et qui pourront condamner à mort; ces tribunaux peuvent avoir une juridiction quasi universelle ; les forces de sécurité pourront garder des prisonniers plusieurs mois au secret sans intervention du judiciaire. Début de l'affaire Hilary Boma (Lire Abel Alier et El Sheikh Mohamed Ahmed el Sheikh, Soudan, l'Affaire Hilary Boma , ed. Karthala, 2002).

Août 1998

Les USA bombardent une usine à Khartoum soupçonnée de fabriquer un composant de gaz mortel, appartenant à un richissime homme d'affaires Soudanais, ayant fait fortune en Arabie Séoudite, Salah Idriss. Aucune preuve indéniable ne sera apportée par les Etats-Unis. Le ministre français de la Coopération Charles Josselin se rend à Khartoum et prêche la paix, la coopération, l'insertion du Soudan uni dans la communauté internationale. Le Président Chirac, gêné par les attentats de Nairobi et Dar-es-Salam, lui demande de mettre la sourdine. Pasqua intente un procès en diffamation à F.X. Vershave pour ses propos sur son réseau françafricain (La Françafrique. Le plus long scandale de la République , Stock, 1998). Lors du procès, le préfet Parant, qui avait oeuvré aux négociations dans l'affaire Carlos, se félicite du déroulement de l'opération et affirme que dans certains cas, "on met le génocide entre parenthèses". Signature d'accords temporaires entre l'ALPS de J. Garang et le régime de Khartoum pour l'ouverture de couloirs d'acheminement d'aide humanitaire.

Janvier 1999

Le régime de Khartoum cherche toujours à améliorer son image à l'étranger par des manoeuvres en trompe l'oeil; il veut aussi élargir la base du parti au pouvoir. Il adopte une loi autorisant les associations politiques mais elles doivent être d'accord sur le système de gouvernement, ne pas avoir de liens avec la rébellion et être individuellement autorisées (Associations politiques est la traduction de l'officiel arabe tawali , en continuant). Dans le même esprit, préparation du retour au Soudan de l'ex-président Nimeiri après 14 ans d'exil. Un nouveau parti, l'Alliance des Forces de Travail, se constitue autour de lui, qui en appelle à "l'instauration d'un régime démocratique au Soudan". Nimeiri est traité de "boucher" par l'opposition formée par le parti Umma, les communistes et l'Alliance Nationale pour la Restauration de la Démocratie, qui demande qu'il soit jugé pour ses "crimes" (plainte jugée irrecevable par le régime).

Mars 1999

L'UNICEF demande instamment au gouvernement d'aider à éradiquer l'esclavage. Human Right Watch accuse toutes les parties impliquées dans la guerre civile d'être responsables de la famine qui a coûté la vie à des milliers de gens en 1998. Selon John Garang, chef de l'APLS, le meilleur moyen de mettre fin à la guerre civile serait de créer deux Etats confédérés, (l'un étant islamiste et l'autre laïc).

Avril 1999

Le rapporteur spécial de l'ONU, Leonardo Franco , déclare lors de la session de la commission des N.U. pour les D.H, avoir constaté "de nombreux cas de torture" au Soudan, ainsi que la continuation de l'incendie des villages noubas. La France et l'Italie présentent une résolution de soutien au régime soudanais, pour son évolution démocratique. Hassan Tourabi annonce que le gouvernement soudanais construit plusieurs usines d'armement et compte produire des tanks et des missiles "pour se défendre contre les conspirateurs", avec les revenus du pétrole (Le Soudan confirme avoir une réserve de pétrole de 2 milliards de barils). Soutien probable de la France. El-Béchir accuse l'Egypte d'aider des groupes d'opposition soudanais. Refus de Khartoum de reprendre les négociations de l'IGAD, l'un des préalables de tout accord étant la laïcité (Déclaration de principes de l'IGAD, 1994)

Mai 1999

Tentatives de médiations de la Libye pour réconcilier le Soudan et l'Erythrée, puis l'Ouganda et le Congo de Kabyla. El Béchir et le président Afeworki d'Erythrée signent un décret rétablissant les relations diplomatiques. Visite du chef de la diplomatie au Caire, pour normaliser les relations avec l'Egypte (détériorées depuis 1989, en voie d'amélioration depuis 1997) Retour de Nimayri au Soudan. Il forme l'Alliance des Forces de Travail populaire. Grande épidémie de méningite, victimes nombreuses dans les Monts Nouba

Juin 1999

Josselin reçoit le Ministre des Affaires Etrangères soudanais, et déclare son intention d'obtenir la réouverture des crédits européens gelés depuis le coup d'Etat de juin 1989.

1999

Une mission de l'ONU qui se rend dans les Mont Nouba, est d'abord accueillie par l'artillerie gouvernementale, puis continue après un ordre d'arrêt venu de Khartoum. Début des exportations de pétrole. Le FMI lève une partie des sanctions imposées au Soudan. La diplomatie française envisage d'installer RFI au Soudan. Le gouvernement français nomme Dominique Renaux, ancien détaché à la communication d'Elf, à l'ambassade de France au Soudan (après Michel Raimbaud). L'Allemagne, qui a construit le pipe-line qui amène le pétrole sud-soudanais jusqu'à la mer Rouge, n'est pas non plus favorable aux sanctions. La guérilla fait sauter l'oléoduc. Continuation de la guerre froide France-USA dans toute l'Afrique. L'opinion internationale devient consciente du problème de l'esclavage au Soudan. Création du Comité contre les "enlèvements" des femmes et des enfants (en anglais CEAWC), organe du gouvernement destiné à témoigner de la bonne volonté de Khartoum dans la lutte contre ce qu'il se refuse à appeler l'esclavage. Le PAM craint une détérioration de la situation humanitaire au Sud Soudan. Nouvelle loi aux USA qui permet l'aide alimentaire à l'AMPLS. Le gouvernement demande aux USA de reconnaître leur erreur dans l'attaque d'une usine à Khartoum en 1998. Un cessez-le-feu est proclamé, d'août à octobre, puis jusqu'en décembre. Avant 1999 les champs pétrolifères étaient protégés par des milices pro-gouvernementales rivales chargées, chacune, de l'ensemble du territoire. Elles se sont beaucoup battues entre elles et ont commis nombre d'exactions. En 1999, le pétrole commence à couler et devient un enjeu majeur : avec l'argent du pétrole, Khartoum achète des armes. Offensives ALPS. Il y a beaucoup de déplacés, les gens fuyant les zones de combat avec leurs troupeaux, donc sans avoir été pillés. Rapidement le gouvernement met en place une politique de terre brûlée avec utilisation d'avions et d'hélicoptères. Il semble s'agir d'une stratégie de défense ou de vengeance.

Novembre 1999

L'Union européenne retient cinq critères positifs pour la reprise officielle du dialogue avec le régime de Khartoum : l'évolution du processus de paix avec l'opposition politique ou armée, les droits de l'homme, les avancées démocratiques, l'amélioration des relations de voisinage, le changement d'attitude vis à vis du terrorisme. Les deux derniers points ont progressé et continueront à le faire, mais l'Union Européenne déclare régulièrement que tous les critères sont en progrès bien que ses porte-paroles n'aient jamais pu expliquer aux observateurs en quoi ces progrès consistaient.

Décembre 1999

Al-Béchir proclame l'état d'urgence, dissout le Parlement et annonce de nouvelles élections. Le but est de limoger Tourabi, président du Parlement, qui dénonce ce qu'il appelle un coup d'Etat. Tourabi est toujours le leader du parti unique. Lutte pour le pouvoir, certes. Le Président Béchir veut en finir, peut-être jusqu'à ce qu'il ait la paix, avec la période de terrorisme à l'étranger, conscient probablement qu'il ne peut gagner la guerre du Sud en étant mal avec tous ses voisins qui rétorquent en soutenant son opposition. L'Union Européenne lui a, de son côté, demandé d'arrêter le terrorisme, de se réconcilier avec les Etats voisins, d'instaurer les droits de l'homme et la démocratie, et de faire la paix. Tourabi fait un bouc émissaire parfait. L'opinion internationale le croira ou fera semblant d'y croire. Plainte est portée auprès de la Cour constitutionnelle pour la dissolution du parlement et létablissement de létat d'urgence. Changements importants dans les alliances régionales car le Soudan se réconcilie avec ses voisins : l'aide de l'Ethiopie et de l'Erythrée à l'AND cesse, et même l'Ouganda, qui soutient encore le Sud-Soudan, se rapproche de Khartoum. Ainsi, 3 des 4 pays du comité de paix de l'IGAD poursuivent leurs propres intérêts nationaux avec Khartoum. Une initiative de paix égypto-lybienne tend à diviser l'AND en poussant les partis du Nord (Oumma et Union Démocratique) à se réconcilier avec le FNI à Khartoum. Le but de l'Egypte est d'éviter que ne s'applique la Déclaration de Principes de l'IGAD de peur d'avoir à discuter le partage des eaux du Nil avec un nouvel Etat, un Sud indépendant. Béchir reconnaît pour la première fois qu'il a toujours été un islamiste engagé, et qu'il a pris le pouvoir [cf.30 juin 1989] sur ordre du parti islamiste

2000

Le Soudan est l'allié des Hutus extrémistes (génocidaires au Rwanda en 94) et du régime de Kinshasa dans la guerre civile qui enflamme le Congo, où sont engagés tous les Etats voisins par un jeu d'alliances en chaîne, et dont les troupes, assistant le régime ou les rébellions, pillent les richesses du pays.

Janvier 2000

Riek Machar, Président adjoint de la République, Président du Conseil de Coordination du Sud, Président du Front Démocratique Uni pour le Salut (FDUS), qui avait signé l'accord de paix dit paix de l'Intérieur, et engagé d'autres chefs rebelles à faire de même, démissionne de toutes ses fonctions, disant qu'aucune promesse de l'accord n'a été tenue. Il entraîne derrière lui la mouvance de l'ethnie Nouer. Le Soudan et l'Erythrée rétablissent leurs relations diplomatiques. A Nairobi, Nouveaux pourparlers de paix entre le gouvernement et l'ALPS. Le gouvernement étend pour 3 mois le cessez-le-feu avec les rebelles qu'il ne respectera pas. Exactions ALPS contre les Didinga qui dureront.

Février 2000

Khartoum décide de fermer le siège de la Conférence islamique et populaire , organisation intégriste internationale, créée en 1991 par le Front National Islamique de Tourabi. L'organisation était prête à accepter l'adhésion du milliardaire intégriste Oussama Ben Laden, en raison de ses importants investissements au Soudan. Cette conférence s'était réunie deux fois à Khartoum en décembre 1993 et avril 1995. Raid d'esclaves d'une importance inhabituelle (300 femmes et enfants) dans la province d'Aweil-Est par les Forces Populaires de Défense (PDF) du gouvernement soudanais. Selon Christian Solidarity International, il y aurait 100.000 femmes et enfants vivant en esclavage ; selon l'UNICEF, les personnes enlevées seraient 16000. Les attaques aériennes des forces gouvernementales dans le sud et les Monts Nouba continuent ainsi que l'enquête de Leonardo Franco pour la Commission des Droits de l'Homme. Négociations difficiles dans le cadre de l'IGAD : Garang tient au principe d'un référendum d'autodétermination élargi à d'autres régions que celles proposées par Khartoum (notamment les Monts Nouba, le Haut-Nil Sud et la région dAbyei), ainsi qu'au système de confédération (et non seulement de la fédération plus ou moins fictive prônée par Khartoum) pour la période intérimaire précédant le référendum. Rencontre tripartite Egypte-Soudan-Libye sur la réconciliation au Soudan. Effort de l'Egypte pour intégrer le MPLS aux négociations

Mars 2000

Les USA renouvellent leur appel au Soudan pour qu'il cesse de bombarder des cibles civiles dans le Sud. La Cour constitutionnelle statue en faveur des décisions d'ElBéchir prises le 12 décembre (dissolution du Parlement, proclamation de l'état d'urgence et gel de certains articles de la Constitution) motivé par le fait que le Président a besoin de ces pouvoirs pour faire face à ses responsabilités même s'ils sont contraires à la constitution. Selon le HCR, des milliers de réfugiés fuient du Sud-Soudan vers les pays voisins par crainte des bombardements gouvernementaux et des combats. Parution du rapport canadien sur l'impact humain de l'exploitation pétrolière , détaillant notamment les offensives contre les populations Nuer et Dinka, et les massacres de populations dans les Etats fédérés du Haut-Nil Ouest (alias Unité), (politique de repeuplement par des populations du Nord). Le parti Oumma se retire de l'AND . Le Soudan aurait eu plus que des contacts avec le FIS. Visite d'el-Bechir à Alger : rapprochement en perspective

Avril 2000

Rencontre au Caire des présidents Kadhafi, Moubarak et el-Béchir pour l'initiative de paix Egypte-Libye.

Mai 2000

John Garang rencontre le président Moubarak au Caire . Les réfugiés érythréens affluent au Soudan à cause de la guerre avec l'Ethiopie. Amnesty International publie son rapport : Soudan, le prix humain du pétrole dénonçant les massacres en zone pétrolière. El-Béchir accuse Hassan El-Tourabi de comploter pour renverser son gouvernement et limoge Tourabi de son poste de Secrétaire Général du Congrès National (ex-FNI). Le gouvernement annonce avoir signé un accord avec lONU et la SPLA pour envoyer des vivres dans le Sud. Résolution de la Commission des Droits de l'Homme des Nations-Unies sur le Soudan constate des progrès. Les Etats-Unis qui n'en voient pas et trouvent que cette résolution ne rend pas justice aux victimes, s'abstiennent. A Lilir, sous la houlette des églises, réconciliation entre ethnies du Sud.

Juin 2000

Les Etats-Unis et l'UNHCR décident d'établir 3500 survivants des "lost boys" (garçons perdus) aux Etats-Unis. Il s'agit d'enfants qui étaient allés se réfugier en Ethiopie dont ils furent chassés à la chute du régime communiste et qui traversèrent à pied une partie de l'Ethiopie et du Sud-Soudan pour atteindre le Kenya. Beaucoup moururent en route, de faim, de soif, de maladie, noyés dans les rivières ou dévorés par des bêtes sauvages.

Juillet 2000

Attaques aériennes intensives contre des civils et des installations d'aide dans le Sud. Des milliers de Soudanais fuient en Ouganda pour échapper aux combats.

Août 2000

Les Nations-Unies suspendent leurs opérations daide car leurs sites sont perpétuellement bombardés par Khartoum. Les opérations reprendront après que Khartoum ait pris de nouveaux engagements. La Chine dément avoir envoyé des centaines de soldats pour aider la Soudan à défendre des puits de pétrole dans lesquels la compagnie nationale a de très importants intérêts

Septembre 2000

Le gouverneur de Khartoum restreint le droit au travail des femmes (interdiction de travailler dans les stations d'essence, les chambres d'hôtels et les salles de restaurant), décision suspendue par la Cour constitutionnelle. Le Soudan renouvelle sa demande pour un siège au CS-ONU. Cessez-le feu proclamé dans le Sud mais non respecté. Suppression de l'état d'urgence. L'ALPS réitère son engagement de démobiliser tous ses enfants-soldats. Sommet de l'IGAD à Khartoum

Novembre

2000 Sadiq al-Mahdi, dernier Premier ministre élu (parti Umma), rentre au pays après 4 ans d'exil.

Décembre 2000

Combats entre les forces gouvernementales et la NDA dans l'est du pays, non loin de la Mer Rouge. Nombreuses arrestations de membres de l'opposition. Plus de 50 bombardements de l'aviation gouvernementale sur le Sud-Soudan en novembre-décembre. L'armée soudanaise affirme avoir repris à l'ALPS des parties des monts Nouba. Elections présidentielles et parlementaires ; l'opposition appelle les électeurs à s'abstenir. Les bureaux de vote sont vides. El-Béchir est réélu président du Soudan avec 86,5% des suffrages. Tout le monde parle d'élections truquées.

Janvier 2001

Le président El-Bechir prolonge d'un an l'état d'urgence. De nouveaux tribunaux d'exception sont établis.

Février 2001

A Genève, signature d'un mémorandum d'entente entre le Congrès populaire national (PNC) d'El-Tourabi et l'ALPS. L'alliance suscite une immédiate perplexité au Soudan car il paraît évident que le seul point d'entente entre PNC et ALPS ne peut être que le désir de destituer El Béchir, et non "grâce à une résistance pacifique" au gouvernement, la conclusion d'un accord équitable, la démocratisation et l'unification politique du pays" (Tourabi). El-Tourabi est arrêté à Khartoum , ainsi que des membres du PNC. On estime à 4,5 millions les personnes déplacées au Soudan à cause de la guerre civile, et l'ONU annonce une catastrophe humanitaire au Soudan. L'ALPS remet à l'UNICEF 2500 enfants soldats.

Mars 2001

Constitution de la Coalition Européenne le Pétrole alimente la guerre au Soudan (ECOS), dont le but est l'arrêt de l'exploitation pétrolière tant qu'une paix juste et durable ne sera pas intervenue. Cette coalition groupe 70 associations. Le parti Umma et le Parti national démocrate ont signé au Caire un appel à la paix au Soudan. El Tourabi est accusé de sédition et d'incitation à la violence, puis inculpé de "crimes contre l'Etat". Gerhart Baum, nouveau rapporteur des droits de l'Homme de l'ONU, entame sa mission au Soudan. L'organisation Christian Aid rapporte de nouveaux massacres en zone pétrolière et accuse les compagnies pétrolières d'être fort impliquées dans la guerre menée par le gouvernement soudanais contre les citoyens du Sud. Yousif Kuwa, chef de la lutte armée de libération du peuple Nouba, meurt à l'hôpital en GB le 31 mars. Les compagnies pétrolières étendent les régions exploitées.

Avril 2001

L'ALPS accuse le gouvernement de financer la guerre avec l'argent du pétrole, et de collaborer avec le régime irakien de Saddam Hussein pour développer l'industrie militaire soudanaise, "dont les armes chimiques". Nouvelle arrestation de 15 membres du parti d'El-Tourabi (PNC) Six opposants accusés d'espionnage et de vouloir fomenter un soulèvement pour avoir rencontré un diplomate américain sont libérés. Le Soudan connaît une grave sécheresse. Les donateurs internationaux ne peuvent fournir que moins d'un tiers des vivres d'urgence nécessaires. Les combats et les bombardements empêchent les aides humanitaires, en particulier dans la région du Haut-Nil et au Bahr-el-Ghazal. Le gouvernement multiplie les annonces d'arrêt des bombardements, tout en continuant ses raids aériens contre les rebelles du Sud et les Monts Nouba, dans le Tonj et au Bahr-el-Ghazal. Les USA promettent de plus grands efforts pour mettre fin au conflit du Sud-Soudan. El-Tourabi quitte la prison et est placé en résidence surveillée, après le rejet par le tribunal de Khartoum-Nord de la demande du ministère public d'allonger sa détention.

Mai 2001

Projet d'accord entre le MLPS/ALPS et le SPDF de Riek Machar. Les objectifs des deux mouvements en union organique sous le SPLM. Le gouvernement de Khartoum n'ayant tenu aucune de ses promesses, Machar est tombé d'accord avec Garang sur la paix qu'ils recherchent, un Soudan laïc, confédéral pendant une période intérimaire, l'autodétermination pour un Sud-Soudan incluant Abyei [peuplé de Dinkas], le Kordofan Sud [les Monts Nouba], le Nil Bleu Sud, et autres régions marginalisées. Garang a fait des concessions en faveur d'une plus grande institutionnalisation politique. Dans la région des Monts Nouba, les forces gouvernementales prennent tous les terrains d'atterrissage qui servent à accueillir l'aide en nourriture et médicaments, interdits par Khartoum. Preuve est faite que Khartoum possède des missiles, utilisés contre l'ALPS. La politique de terre brûlée conduite par le gouvernement depuis 1999 pour exploiter le pétrole du Sud continue . Selon diverses sources de Khartoum, les populations du Sud sont en voie dêtre remplacées par d'autres surtout en région pétrolifère : des contacts seraient pris pour installer des Egyptiens dans les régions pétrolières désormais vidées de leurs habitants ; le Président Béchir aurait déclaré qu'il regrettait de ne pouvoir aider les Palestiniens militairement, mais qu'il pouvait les aider en les invitant à s'établir dans le Haut-Nil. Dans le Bahr el Ghazal des miliciens Baggara, après avoir fait des razzias leur permettant d'avoir troupeaux et esclaves, s'établiraient avec femmes et enfants. A Juba de très nombreuses adolescentes sudistes auraient des enfants beaucoup plus clairs, issus de mariages forcés avec les membres de l'armée ou de l'administration venus du Nord. Le ministre soudanais des Affaires étrangères Moustafa Osmane Ismaïl en visite le 30 mai à Paris a déclaré à la presse que la France soutient le Soudan dans son refus des sanctions qui lui sont imposées par les Nations unies. Eviction des Etats-Unis de la Commission des Nations-Unies pour les droits de l'Homme

Juin-juillet 2001

Nouvelle initiative de paix égypto-libyenne. A ses propositions précédentes, conférence de paix, nouvelles élections, modification de la constitution, enrobées de propos lénifiants, les Egypto-Lybiens ajoutent dans un texte révisé, la création dun gouvernement provisoire de coalition, lune des demandes de l'ALPS pour une période intérimaire. Ce gouvernement devrait être mis en place après une conférence de paix organisée au Soudan par l'Egypte El-Bechir réaffirme son refus de la laïcité : "Mon gouvernement accueille la paix sans payer le prix de la laïcité ou du démantèlement du pays ". Garang chef du M/ALPS, critiqué publiquement pour avoir accepté l'initiative égypto-libyenne sans avoir exigé le droit à l'auto-détermination, déclare que l'ALPS n'accepterait aucun plan qui n'inclurait pas la laïcité de l'Etat, l'auto-détermination du Sud, une constitution et un gouvernement intérimaire, l'unification des initiatives de paix égypto-libyenne/IGAD Sadek el-Mahdi, dans l'opposition sans faire partie de l'AND, presse Egyptiens et Libyens d'accorder au Sud le droit à l'autodétermination. Khadafi affirme que les Etats africains sont opposés à cette idée qui amènerait à terme des troubles dans toute l'Afrique et un redécoupage de toutes les frontières. Le gouvernement accuse l'APLS de semer la terreur dans le Bahr-el-Ghazal, notamment par des bombardements, et fait appel à la communauté internationale pour qu'elle presse les rebelles d'accepter un cessez-le-feu, pour annoncer ensuite sa reprise des raids aériens et des offensives terrestres contre le Sud et les Monts Nouba. L'APLS déclare avoir conquis tout l'Etat du Bahr-el-Ghazal. Le gouvernement soudanais s'inquiète. Il organise des comités de soutien, appelle à la mobilisation générale des milices - ce qui pourrait inclure les étudiants qui ont suivi un léger entraînement militaire mais ne se sont jamais battus. Béchir déclare qu'il se battra jusqu'à la mort pour le pétrole. Des prières publiques se font, ni pour la victoire, ni pour la paix, mais pour que Dieu accorde au Soudan de gagner un match de foot contre le Nigeria. Le Président Béchir décide d'appliquer plus sévèrement la charia dans l'Etat du Darfour Nord pour lutter contre des "braqueurs armés". Les "criminels" risqueraient donc la double amputation, -main droite et pied gauche- ainsi que la pendaison en public. L'Etat appelle aussi criminels les paysans africains Fur et Masalit qui refusent la politique gouvernementale consistant entre autres à installer des tribus arabes sur leurs terres traditionnelles Béchir demande aux Soudanais d'avoir plusieurs épouses pour doubler la population du pays. La chambre des Représentants américaine adopte le 13 juin un projet de loi appelé "Paix au Soudan" . Il vise essentiellement à faire pression sur le gouvernement soudanais pour qu'il mette fin à la guerre, et comprend également un volet boursier : les sociétés faisant des affaires au Soudan devront expliciter leurs activités avant d'être admises sur les bourses américaines (principales sociétés visées : Lundin, Talisman, Petrochina et OMV). Mais la commission des Affaires Etrangères du Sénat retire du projet de loi les sanctions boursières. Les Etats-Unis ont nommé un coordinateur humanitaire spécial pour le Soudan, Andrew Natsios, et ont fait une donation au FAO de plus de 60 millions de dollars, pour aider à lutter contre la famine au Soudan. Conférence de Kisumu , pour une réconciliation à la base, mais aussi un forum pour chercher un consensus dans le Sud réunie à la demande des chefs traditionnels du Sud avec la participation d'ONG, des leaders des femmes et des jeunes sous la houlette des Eglises. LUE demande au gouvernement et à l'ALPS de mettre fin immédiatement aux hostilités afin de créer un climat favorable aux négociations. La Coalition contre l'exploitation d'enfants-soldats accuse tant le gouvernement que les forces rebelles d'avoir largement utilisé des enfants. L'ONU et des ONG humanitaires quittent Wau à l'approche de l'ALPS. Gerhart Baum, rapporteur spécial de lONU au Soudan rend un rapport accablant pour le gouvernement sur les droits de l'Homme dans le pays. Les enlèvements de femmes et denfants, suivis de travail forcé (euphémisme pour mise en esclavage), les arrestations arbitraires, les déplacements forcés sont une réalité quotidienne. En zone pétrolière, des villages entiers ont été rasés et les villageois chassés de force. Les jeunes gens sont arrêtés dans les rues de Khartoum pour être enrôlés. La guerre sert d'excuse au gouvernement soudanais quand on le presse de questions, ainsi l'état d'urgence, qui permet au gouvernement de légiférer par décret et aux forces de sécurité d'opérer sans restrictions. Dans les zones M/ALPS, il n'y a pas eu d'efforts pour établir une société civile. Dans les régions méridionales du pays, près de trois millions de civils sont soumis au risque de famine Rapport de l'assemblée paritaire UE/ACP dont la délégation avait été conduite par John Corrie

Septembre 2001

Le 9 septembre, L'ambassadeur français auprès des Nations Unies à New York, Jean-Bernard Lévitte, réclame la levée de toute sanction envers Khartoum, Mais les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis rappellent les anciennes affinités des dirigeants soudanais avec le mouvement terroriste Al Qaida. Le Président Béchir présente ses condoléances aux familles des victimes et au peuple américain. Son gouvernement dénonce "tout acte prenant pour cible des civils innocents" et se déclare prêt à coopérer avec le gouvernement des Etats-Unis et la communauté internationale pour traduire les responsables en justice. Un certain nombre d'éléments intérieurs et extérieurs convergent, créant un moment privilégié favorable à la solution du conflit du Soudan : le régime désire sortir de son isolement international une fois pour toutes afin de profiter de sa nouvelle richesse pétrolière et devenir la puissance régionale qu'il pense pouvoir être ; les performances efficaces des insurgés sur le champ de bataille ont dégrisé le régime de Khartoum de l'idée qu'il pouvait facilement convertir les revenus du pétrole en victoire militaire décisive; l'intérêt croissant pour le Soudan de beaucoup de pays occidentaux pour des raisons concernant le pétrole et les droits de l'homme ; et par dessus tout le changement dans le paysage international créé par les attentats du 11 septembre et leurs suites.

Octobre 2001

1er octobre le Pape Jean Paul II canonise Joséphine Bakhita, originaire du Darfour (1869-1947) elle a été, à plusieurs reprises vendue comme esclave, torturée puis rachetée par le Consul d'Italie au Soudan. Levée des sanctions du CS des Nations unies contre le Soudan, pendant que la France le préside. Visite à Khartoum du Ministre de la coopération française Charles Josselin.

Novembre 2001

Le Alien Tort Claim autorise les étrangers à poursuivre devant la justice américaine les auteurs de violations de droits de lhomme et de lois internationales. Dépôt d'une plainte auprès d'une cour fédérale à New-York contre la société pétrolière canadienne Talisman, au nom dun grand nombre d'Africains vivant dans sa concession pour avoir " délibérément et intentionnellement " soutenu " une campagne de nettoyage ethnique brutale contre la population civile ". Ils demanderont un milliard de dollars d'indemnité.

Décembre 2001

Il est envisagé que la guerre contre le terrorisme s'étende à trois nouveaux pays après l'Afghanistan. Les cibles liées à Ben Laden en Somalie, au Soudan et au Yémen seraient prioritaires. Le sous-secrétaire d'Etat américain serait inquiet de l'intérêt croissant du Soudan pour le développement d'un programme d'armes biologiques. Les Etats-Unis cherchent, semble-t-il, à maintenir la pression sur le Soudan sans intention immédiate de l'attaquer

2001

Le pétrole a apporté 900 millions de dollars en 2001 au trésor soudanais (estimation Banque Mondiale) et constitue 40% des revenus du gouvernement (le ministre des Finances au Rapporteur Spécial des N.U.). 120 millions de dollars ont été dépensés en 2001 pour l'aide alimentaire au Soudan (PAM). L'assemblée générale des Nations Unies adopte une résolution sur l'aide d'urgence au Soudan . Elle demande : à la communauté internationale de continuer à soutenir les programmes de réhabilitation et ceux pour les réfugiés et déplacés volontairement de retour ; aux parties concernées de continuer à donner toute l'aide possible et nécessaire pour le programme Opération Lifeline Sudan [c'est à dire sous la houlette des Nations-Unies. Le Canada sest élevé contre cette phrase qui semble exclure ceux qui, comme la Croix Rouge, ne font pas partie de l'OLS] ; aux parties en guerre de respecter la loi humanitaire internationale. Le porte-parole européen critique la résolution en ce qu'elle ne reflète pas la gravité de la situation au Soudan.

Janvier 2002

De janvier à avril 2002 quarante et un villages sont détruits en zone pétrolière et une partie de leur population massacrée par les forces gouvernementales. Mustafa Ismail, Ministre des Affaires étrangères, déclare que le Soudan a "cessé d'être une nation isolée, et qu'elle a su en 2001 restaurer son statut international". Il exprime sa conviction que le Soudan n'est pas menacé dans le cadre de la "guerre contre le terrorisme" engagée par les Etats-Unis, et essaie de donner une image rassurante aux Occidentaux en matière de lutte anti-terroriste . Visite de Museveni à Khartoum (la première depuis 95), discussions avec el-Bechir sur le rapprochement Soudan-Ouganda. et négociations sur le sort du chef de l'Armée de Résistance du Seigneur (LRA), Joseph Kony, installé au Soudan. 9ème sommet de l'IGAD à Khartoum . Mise en garde adressée par le Soudan et l'Ouganda au président somalien : combattre le terrorisme afin d'éviter une attaque américaine dans le cadre de la "guerre contre le terrorisme". Rapprochement entre le Soudan et le Kenya , notamment en matière d'énergie (pétrole exporté vers le Kenya : malgré l'opposition de la société civile kenyane outrée des exactions en zone pétrolière. Rapprochement Soudan-Ethiopie . L'Ethiopie se sert de Port-Soudan pour son trafic maritime. Négociations avec une firme pétrolière russe - biélorusse. Contrat avec la firme allemande Siemens et le polonais Cegielski pour construire la plus grande centrale électrique fonctionnant au diesel du monde, près de Khartoum. Opposition, au Congrès américain, du projet de loi sur les sanctions contre les firmes américaines investissant au Soudan. Le lobby des principaux exportateurs proteste contre cette loi (craignant notamment des mesures semblables pour la Chine). Les compagnies exportatrices de pétrole (notamment le Suédois Lundin Petroleum) déclarent avoir confiance dans les négociations de paix. Riek Machar (SPDF) et John Garang (ALPS) signent un accord de collaboration et unification de leurs armées à Nairobi qui sera appliqué. Les combats dans le Sud contre les forces gouvernementales s'intensifient, Garang défend l'idée d'un Etat indépendant. Selon HRW (rapport annuel 2002), Khartoum a profité de l'état d'urgence pour affaiblir l'opposition au Congrès National, le parti au pouvoir. "À cause de la guerre au Sud, du banditisme armé au Darfour, et de la situation tendue depuis le 11 septembre" l'état d'urgence a été établi pour une troisième année, 2002. Arrestation de journalistes ayant dénoncé l'esclavage et l'utilisation des trains gouvernementaux pour le transport des personnes enlevées. Tourabi toujours en résidence surveillée. L'envoyé spécial pour la paix du président américain, John Danforth , arrive au Soudan et étudie la situation . Avant que les Etats-Unis ne s'engagent plus, il veut tester la volonté de paix des belligérants par quatre mesure: cessez-le feu de un mois dans les Monts Nouba pour permettre une assistance humanitaire, arrêt des bombardements, enquête sur l'existence de l'esclavage,[niée par le gouvernement qui parle d'enlèvements traditionnels] il renvoie à plus tard la solution des problèmes de fond (charia, système politique etc). Le ministre des Affaires étrangères soudanais a accepté la demande américaine de conduire une investigation sur l'esclavage au Soudan, tout en ajoutant " nous sommes sûrs qu'il n'y en a pas". Négociations de cessez-le-feu dans les Monts Nouba, entre ALPS et délégation gouvernementale, avec une médiation américano-suisse, les Américains s'occupant des aspects militaires et les Suisses des aspects politiques, l'accord de cessez-le feu pour les Monts Nouba est signé le 19 janvier en Suisse pour une période renouvelable de six mois. Il concerne 80 000 kilomètres carrés et prévoit la libre circulation des personnes et des biens, l'aide humanitaire comprise, l'interdiction de poser des mines, la réparation et la réouverture des routes, ainsi que l'enlèvement des mines par les deux parties. Les E-U décident d'octroyer une aide de 10 millions de dollars à l'ADN (Alliance Nationale Démocratique). Protestations de Khartoum.

Février 2002

Mobilisation internationale (à l'initiative de HRW) autour dun cas de condamnation à la lapidation pour adultère et des "tribunaux d'urgence". Initiative britannique : mission pour la paix envoyée par Tony Blair, bien accueillie par Khartoum. La Grande-Bretagne a annoncé l'envoi dun Monsieur Paix britannique. Il s'agit d'Alan Goulty, directeur du département Moyen-Orient et Afrique du Nord au Foreign and Commonwealth Office, qui fut ambassadeur au Soudan de 1995 à 1999. Il y avait déjà été en poste de 1972 à 1973. Accord de paix d'Abyei entre 14 leaders de tribus, la section Ngok des Dinka, et les sections Massyiria Ajabira et Plata des Baggara . Ils s'engagent à coexister et travailleront à restaurer les relations historiques qui existaient entre leurs ancêtres ". L'Ambassade des Pays-Bas à Khartoum, le Programme de Développement des Nations-Unies et l'Union Européenne ont aidé aux négociations, auxquelles il n'apparaît pas que le gouvernement soudanais ait été mêlé. La Russie déclare avoir signé un contrat de vente de MIG-29 avec le Soudan Une attaque par hélicoptère à Bieh au moment de la distribution de nourriture à des survivants de la politique de terre brûlée en zone pétrolière, cause 45 morts. l'opinion internationale est scandalisée, y compris la France. L'Union Européenne se déclare prête à reprendre l'aide au Soudan , interrompue depuis 1990. La France insère le Soudan dans la liste des pays de la Zone de Solidarité Prioritaire (ZSP). De tous les pays européens qui ont renforcé leurs relations avec le Soudan, l'approche française est la plus favorable aux autorités de Khartoum, très éloignée de l'attitude intransigeante des Etats-Unis : débat organisé à Paris avec des diplomates soudanais. Paris se réjouit du "dialogue politique nourri et constant" avec le Soudan et fait l'éloge du "rôle décisif de la France pour la levée des sanctions de l'ONU contre le Soudan". Paris s'enorgueillit aussi de son "rôle moteur dans le dialogue renouvelé soudano-européen" visant à normaliser les relations de Khartoum avec l'Union européenne (UE). Le forcing français pour que l'UE décide, fin janvier, de reprendre l'aide financière au Soudan aurait néanmoins été perçu comme frisant l'indécence par certains pays européens pourtant pas particulièrement hostiles au Soudan. Paris semble parfois plus proche de l'initiative de paix égyptienne, qui se veut une solution globale pour une réconciliation politique au Soudan, en n'envisageant pas la moindre pression à l'endroit du régime. Toutefois, un ambassadeur français a même imaginé une alliance diplomatique avec Khartoum dans le but de contrer la politique américaine en Somalie ; il n'a pas été suivi par le ministère. L'aile dure du régime soudanais, conduite par Ali Osman Mohamed Taha, pense que Paris peut servir d'alternative à la politique du président Omar el Béchir, qui consiste à accepter de faire des concessions aux Etats-Unis Selon l'International Crisis Group, la Chine et la Malaisie sont les investisseurs étrangers qui ont le plus d'autorité avec 60% du consortium qui développe l'activité pétrolière. Le Soudan est un marché en augmentation pour les armes et d'autres biens industriels chinois. Le Soudan a besoin du crédit international, des armes et du marché pétrolier et de la protection au Conseil de Sécurité que la Chine apporte. Il a besoin des prêts relais de la Malaisie pour les demandes du service de la dette du Fonds Monétaire International. L'influence exercée par la Chine et la Malaisie implique qu'un véritable engagement de leur part en faveur du processus de paix serait extrêmement utile aussi bien que conforme à leurs propres intérêts stratégiques à long terme.

6 Mars 2002

Déclaration des Eglises du Soudan sur le Droit à l'auto-détermination pour le Sud- Soudan et les régions marginalisées (Régions des Nuba, et du Nil Bleu), document intitulé Laisse choisir mon peuple .

Mars-avril 2002

Le déni français : alertés par la Coalition Européenne sur le Pétrole, les parlementaires français s'inquiètent de la politique de terre brûlée menée par le gouvernement soudanais en zone pétrolière et du financement de la guerre par l'argent du pétrole. Ils adressent 13 Questions Ecrites au ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine. Ce dernier fait des réponses tout à fait ambiguës, en renvoyant dos-à-dos l'ALPS et Khartoum. Il apparaît dans ses propos que les exactions et la pratique de l'esclavage seraient liées à l'offensive de l'Armée de Libération du Peuple Soudanais (ALPS). Le Ministre ne s'en tient pas là, il laisse planer un doute sur la réalité des exactions. Il explique que les diplomates de l'Union Européenne se sont rendus en zone pétrolière et qu"ils n'ont pas constaté d'exactions" ou "de politique d'éviction et de ségrégation systématique", or les diplomates étaient accompagnés par les forces de sécurité soudanaises et n'ont rien pu voir à ce propos. Il reconnaît seulement qu'"il est probable [sic] que la mise en exploitation a causé des déplacements" ou des "débordements", ignorant tous les rapports faits sur le sujet. Il affirme également qu"aucune entreprise européenne n'est présente", ignorant plus d'une demi-douzaine d'entreprises. La France reste donc très proche de Khartoum comme beaucoup de pays européens. Le Royaume-Uni, par exemple a beaucoup encouragé, avec succès, ses sociétés à s'installer en région pétrolière. L'Organisation Mondiale contre la Torture (OMTC) exprime sa profonde préoccupation sur la reprise des amputations au Soudan. Des sentences d'amputation datant de 2000 et 2001 commencent à être exécutées systématiquement. Deux groupes d'observateurs internationaux se rendent à Khartoum, outre les cinquante observateurs de l'International Monitoring Unit (IMU) ; le premier pour superviser le cessez-le-feu dans les Mont Nouba, le second pour enquêter sur l'esclavage (mission formée suite à l'accord passé en décembre 2001 par l'envoyé spécial américain John Danforth avec les autorités soudanaises). Paris intervient pour que le membre français de la mission soit favorable à Khartoum. Le gouvernement restreint le nombre d'endroits où l'opération Lifeline Sudan onusienne peut apporter son assistance : 26 régions étaient interdites avant 2002, en avril, 43. Le coordinateur des Nations-Unies précise que chaque mois environ 10% de ses demandes étaient refusées et maintenant 20%. Le manque d'accès aura des répercussions dévastatrices sur d'entières populations. Toutes les sources civiles parlent dune recrudescence des combats en zone pétrolière après le cessez-le-feu dans les Monts Nouba. Mouvement général de regroupement de l'opposition, qui inquiète Khartoum. Les Soudanais condamnent Israël et les Etats-Unis dans une des plus grandes manifestations jamais vues à Khartoum: plusieurs centaines de milliers de personnes. Certains manifestants scandent : "Frappe encore Ben Laden". Le Général Abbas, commandant des Forces de Défense Populaire a appelé tous les Soudanais capables de porter des armes à se joindre à la guerre sainte contre Israël et libérer la mosquée d'Al Aqsa. L'incident sera minimisé auprès des Américains. La plainte contre Talisman aux Etats-Unis (cf nov 2001) est amendée pour inclure le gouvernement du Soudan comme co-défendant. Les plaignants produisent un document officiel soudanais daté du 7 mai 1999, selon lequel Talisman avait demandé au gouvernement soudanais d'éloigner les villageois du voisinage de sa concession pétrolière, "Pour répondre à la demande de la société canadienne... assurer la sécurité et le bien être des employés et des biens de la société" Discussions autour du traité sur les eaux du Nil, contesté par le Kenya. Dix pays essaient de résoudre le conflit à l'amiable dont le Burundi, le Congo, l'Egypte, le Soudan et l'Erythrée. L'Egypte a toujours été hostile à l'autodétermination du Sud-Soudan, craignant avec l'émergence d'un nouvel Etat, d'avoir à renégocier le partage des eaux du Nil. Béchir l'a appelée le garant de l'unité soudanaise. La Lord Resistance Army (Armée de Résistance du Seigneur ), établie au Soudan, reprend ses raids sur l'Ouganda. Khartoum et Kampala (Ouganda) signent un accord le 10 mars qui autorise l'armée ougandaise à combattre les rebelles de Kony à l'intérieur du Soudan. Cette armée a été déclarée organisation terroriste par les Etats-Unis en février.

Mai 2002

Réponse des partis politiques du Sud-Soudan au Rapport du Sénateur John C. Danforth , l'envoyé de la présidence des Etats Unis pour la Paix au Soudan. Depuis quelques années, quasiment aucun progrès n'a été enregistré globalement: quand la pression internationale est trop forte sur un point, le régime de Khartoum lâche un peu de lest, ainsi les tribunaux d'ordre public, l'esclavage et le cessez-le feu humanitaire de six mois dans les Monts Nouba, tandis qu'il commet de nouvelles exactions, ainsi la politique de terre brûlée en zone pétrolière, et les tribunaux d'exception ailleurs. Le gouvernement soudanais refuse absolument d'arrêter les bombardements de civils. Le Sud est toujours à feu et à sang . L'opposition semble plus unie. Garang, qui arrive des Etats-Unis, a unifié son mouvement avec Riek Machar ce qui a provoqué le retour de chefs militaires importants au sein de l'ALPS, et aussi avec les forces du Nord à la frontière érythréenne. Accords politiques avec Sadiq El-Mahdi et Hassan el Tourabi. Le gouvernement soudanais a su trouver des amis au sein même de l'IGAD qui font désormais des commentaires peu favorables à l'autodétermination du Sud. C'est le cas du Kenya qui achète désormais un pétrole très bon marché au Soudan, de l'Ethiopie dont Port-Soudan est devenu le port et presque de l'Ouganda à cause de la LRA

 

Chronologie établie par Catherine Coquio et Aurélia Kalisky, AIRCRIGE et Simone Demoulin (Vigilance Soudan). Les informations qui ont nourri cette chronologie sont tirées de : Y. Ternon, L'Etat criminel , Seuil, 1995; F.X. Verschave, Noir silence , Les Arènes, 2000, d'articles de Gérard Prunier (Monde diplomatique ) et de bulletins de Vigilance-Soudan 1992-2002, ainsi que la chronologie du site de Vigilance Soudan (http://www.vigilsd.org/). Sur l'extermination des Noubas, consulter les rapports d'African Rights, Facing Genocide : the Nuba of Sudan , 1995, et les rapports de l'organisation américaine Africa Watch et US Committe for Refugees . Sur le soutien français à ce régime, voir Pax Christi France avec la collaboration de Vigilance Soudan, Génocide au Soudan? La France aide les auteurs du massacre, F.X. Vershave, La Françafrique , Stock, 1998, et Noir silence , Les Arènes, 2000.