En Côte d'Ivoire, dans un contexte d'instrumentalisation
de la xénophobie ("l'ivoirité"),
sur fond de crise économique provoquée
par un pillage multiforme (interne et externe), une rébellion
armée a préci-pité
la radicalisation des stratégies politiques. Cette
radicalisation mise sur des clivages Nord-Sud et/ou Islam-Christianisme,
qu'elle provoque puis avive. Les Ivoiriens sont sommés
de s'enrôler dans un camp ethnique ou religieux.
Les "tièdes" sont soupçonnés
de trahison. À Abidjan, les faucons du régime,
appa-remment en position dominante, fourbissent une arme
aux effets incalculables, "expérimentée"
à grande échelle en 1994 au Rwanda : cultiver
l'hystérie par les médias de la haine,
enrôler la jeunesse dans des mouvements susceptibles
de se muer en milices d'"autodéfense",
avec l'appoint d'"escadrons de la mort". Dans
le Nord, des informations crédibles ont fait état
d'exécutions extrajudiciaires de fonctionnaires "loyalistes".
Les extrémistes de chaque faction rêvent
d'imposer militairement leur suprématie, rompant
une trêve fragile dès lors que faiblirait
la volonté d'interposition de la communauté internationale &endash;
représentée principalement, de facto, par
les pays ouest-africains et la France.
Le monde se souvient, ou devrait davantage se souvenir,
de l'horreur de 1994 au Rwanda, quand un mélange
de haine, de peur et de contrainte a enrôlé plus
d'un million de personnes dans le massacre d'environ
800 000 autres, leurs voisins. Il n'est pas possible
que l'humanité accepte ce risque pour la Côte
d'Ivoire, même à une
échelle moindre. Un embrasement de la guerre civile
ferait courir le risque d'in-nombrables pogromes, et
d'un engrenage mimétique des atrocités.
Les organisations et les personnalités soussignées
décident de coaliser leurs volontés pour
tenter d'épargner le pire. Elles demandent que
le Conseil de sécurité
des Nations unies soit saisi au plus tôt, par les
Etats qui en ont le pouvoir, pour :
- condamner avec la plus grande fermeté toute
tentative de relance des hostilités, la crise
actuelle n'ayant d'issue possible que politique, en
particulier sur les questions de citoyenneté,
de démocratie et de justice ;
- décréter un embargo sur les
livraisons d'armes, interdire l'emploi de mercenaires,
condamner le recrutement d'enfants-soldats, lancer
une enquête sur le financement et l'armement
des rébellions ;
- exiger la fermeture immédiate des médias
de la haine ;
- menacer de déférer les propagandistes
de l'ethnisme, les recruteurs de milices, les commanditaires
d'escadrons de la mort et les autorités qui
les tolèrent devant la Cour pénale internationale.
La France, par l'étroitesse de ses relations
avec la Côte d'Ivoire, a une responsabilité toute
particulière. Elle dispose de nombreux moyens,
y compris la saisine du Conseil de sécurité,
pour enrayer l'engrenage mortifère. C'est une
question de volonté et de priorité politiques.
Se trouvant de fait au coeur du processus d'interposition,
elle ne peut le déserter tant que n'est pas mis
en place un dispositif suffisant pour empêcher
un drame qui peut encore
être évité. Elle ne peut rééditer
le départ précipité des troupes
de son opération Amaryllis, en avril 1994 au Rwanda &endash;
contribuant alors à abandonner toute une population
au déferlement génocidaire.
Les organisations et personnalités soussignées
s'engagent et invitent à soutenir toutes les expressions
d'un langage de paix, de citoyenneté et de dialogue
en Côte d'Ivoire. Elles encouragent les Ivoiriens à
propager un message de résistance à la
logique du clivage ethnique et religieux, à l'enrôlement
des civils dans une guerre fratricide (certains le font
déjà, avec beaucoup de courage, sans recevoir
un écho suffi-sant). Elles invitent à la
diffusion d'un slogan du genre :
" La haine ne passera pas par moi ". Chaque
Ivoirien, personnellement et dans ses multiples formes
de relations sociales, peut contribuer
à désamorcer cette arme, à l'exemple
des responsables des différentes communautés
de Bouaké
qui ont brisé le cycle de représailles
en instaurant des groupes de vigilance conjointe.
Premiers signataires :
Organisations : Afrique Verte, Agir Ensemble
pour les Droits de l'Homme, Agir ici, Aircrige, Antenne
Foi et Justice Afrique-Europe de Paris, ATTAC, CADTM-France,
CCFD, Cedetim, Cimade, Centre de Recherche et d'Information
pour le Développement (CRID), Coordination Sud,
Fédération Artisans du Monde, FIDH, Frères
des Hommes, Ligue des Droits de l'Homme, MRAP, Oxfam-Solidarité (Belgique),
Prévention Génocides, Ritimo, Scouts de
France, Survie, Terre des Hommes France.
Personnalités : Meredyth
Ailloud (Initiatives de Développement Stratégique),
Frédéric Ampe (chercheur), Jean-Yves Barrère
(membre du Cedetim), Pierre Bigras (OBSAC), Odile Biyidi,
Jean-Marc Ben (maire-adjoint de Calais), Alain Brossat
(Université de Paris VIII), Pascal Boubat (maître
de conférences, Université
de Provence), Véronique Brigaud, Pierre Cantrelle
(directeur de recherche H-IRD), Arnaud Caron (conseiller
régional Vert de Picardie), Emmanuel Charles (président
de Ritimo), Blandine Cheyroux (INA Paris-Grignon), Hubert
Cochet (INA Paris-Grignon), Catherine Coquio (Paris I-Sorbonne),
Sharon Courtoux (déléguée du président
de Survie), Jean-Pierre Chrétien (Université de
Paris I), Jean-Pierre Deschamps (professeur Université H
Poincaré, Nancy I), Jacqueline Dérens,
Adama Diomande (Association pour la défense de
la démocratie et de la liberté), Boubacar
Boris Diop (écrivain), Georges Dloussky (Université Aix-Marseille
I), Henri Dubois (médecin inspecteur de Santé Publique),
Bernard Dréano (président du Cedetim),
Eugène Ebodé (écrivain), Serge Fabre
(professeur Honoraire des Universités), Dominique
Franche (géographe), Louisette Gicquel, Sylvère
Gobille (ancien coopérant en Côte d'Ivoire),
Julien Goualo (musicien), Boris Gobille (Paris I), Jean-Paul
Hébert (EHESS), Philippe Hugon (Paris X-Nanterre),
Philippe Jacquemin, Marie-France Jarret (maître
de conférence en sciences économiques),
Marcel Kabanda (historien), Christiane Kayser (Pole Institut),
Jean Kergrist (comédien), Mustapha Khadhraoui
(Université
de Provence), Etienne Landais (directeur de l'ENS de
Montpellier), Anne Larue (Paris XIII), François
Lille (président de BPEM), François Régis
Mahieu (Professeur de sciences économiques), Noël
Mamère, Gustave Massiah (président du CRID),
Georges Molinié (président de Paris IV-Sorbonne),
Véronique Nahoum-Grappe (chercheur en sciences
sociales), Abderrahmane N'Gaide (historien-chercheur),
Didier Ouedraogo (président du MBDHP-SF), Denys
Piningre (cinéaste), Hubert Prévot (président
de l'association Primo Levi), Daniel Riou (enseignant-chercheur),
Henri Rouillé d'Orfeuil (président de Coordination
Sud), Françoise Ruellan, Jean-Loup Schaal (président
de l'ARDHD), Benoît Scheuer (Prévention
Génocides), Thomas Shucker (Université de
Provence), Gérard Sireau (président d'Antenne
Foi et Justice Afrique-Europe de Paris), Ardiouma Sirima
(président du Cofanzo), Marie-Thérèse
Taupin (Rennes II), Daniel Tollet (secrétaire
général du Centre d'Etudes Juives de Paris
IV), Sayouba Traoré
(journaliste), Alessandro Triulzi (professeur, Institut
Oriental de Naples), Françoise Vanni (directrice
d'Agir ici), François-Xavier Verschave (président
de Survie), Claude Veuille (journaliste), Anne-Marie
Vignès (conseiller technique, Niamey Niger), Jacques
Vigoureux (scénariste-réalisateur), Annie
Vinokur (Paris X-Nanterre), Robert Vion (Université
de Provence), Pierre Vuarin (co-fondateur du réseau
APM mondial Terre citoyenne), Adhourahman a. Waberi (écrivain),
Andras Zampléni (directeur de recherche au CNRS)...
Et un afflux de signatures d'organisations
et de personnes :
Organisations : AEFJN Strasbourg,
Association pour la Défense de la Démocratie
et de la Liberté
(ADDL), Afric'art-Rythm, Association pour le respect
des droits de l'Homme à Djibouti (ARDHD), Biens
Publics à
l' échelle mondiale (BPEM), CEFODE (Coopération
et Formation au Développement), CETIM (Centre
Europe-Tiers Monde), C.F.D.T. du Ministère des
Affaires Étrangères, Centre Rennais d'Information
pour le Développement et la Solidarité entre
les Peuples (CRIDEV), Chimères (revue), COFANZO
(Collectif de France Affaire Norbert Zongo), Collectif
des Ivoiriens de France pour la Démocratie (CIFD),
Collectif pour une économie solidaire-Alsace,
Djembé, Eau Vive, Fonds Mondial de Solidarité
contre la Faim, Homéopathes sans frontières-France,
Ingénieurs sans Frontières, MAN (Mouvement
pour une alternative non-violente), MBDHP-SF (Mouvement
Burkinabé
des Droits de l'Homme et des Peuples-Section France),
Mission de France, Pain et Liberté, Peuples Solidaires
(groupe de Quimper), Primo Levi, Réseau Assemblée
Européenne de Citoyens de Saint-Étienne,
Service de Coopération au Développement
(SCD), SGEN-C.F.D.T. de l'Étranger, Sherpa, SOS-Esclaves
Mauritanie, SOS-Faim-Action pour le développement,
Tourisme et Développement Solidaires, Les Verts...
Personnes : Rafik Abbassi, Lucy
Adams, Anita Ablavi Adjeoda Ivon, Layla Affdal, Sonia
Amberg, Cécil Ameil, Olivier Bailly-Bechet, Dominique
Ballarin, Harold Ballarin, Eléonore Bassop, Jacques
Bergot, Françoise Berthoumieux, Xavier Boucher,
Jean-Prosper Boulada, Joseph Bordeau, Jean-François
et Marie-Françoise Bourblanc, Marie-Christine
Bousquet, Jean-Christophe Bove, Myriam Brand, Fabienne
Brigaud, Stéphane Brossard, Pascal Brouillet,
Nathalie Buisson Lamaute, Jacques Caplat, Emmanuel Cattier,
Bakhta Cherrati, Véronique Cohen, Eole Colin,
Laurence Comparat, Stéphane Contini, Albano Cordeiro,
Yvon Cuzon, Yves Delage, Valérie Delaunay, Jeanne
et Gérard Delplanque, Bernard Demange, Yves Dermenjian,
Jean-Claude Djeni, Geneviève Deschamps, Pierre
Desplanques, Kodzo Doh, Antoine Dubois, Benjamin Dubois,
Bamba Falick, Nadine Forestier, Marie Lorraine Friederich,
Robert Friederich, Louis Fromy, Thomas Garcia, Patricia
Geiger, Nasser Ghiatou, Emilie Gillier, Safiatou Gnanou,
Sylvie Guibert, Annick et Roland Haag, François-Xavier
Guisnet, Abdellali Hajjat, Marie-Reine Haug, Françoise
Hoffet, Abdallah Hormatallah, Marianne Huck, Reynald
Jumel, Marie Keller, Valérie Lacroix, Emmanuel
Lafont, Marie Valérie Lagarrigue, Clo Lamouré,
Nicolas Laurent, Hugues Le Bars, Carole Ledda, Renée
Léger, Sandrine Léger, Jean Lempérière,
Clotilde Lenhardt, Cyril Leroy, Dan Lert, Sonia Lévêque,
Pierre Levert, Barbara Liaras, Audrey Lienhard, Danièle
Lorut, Céline Louzé, David Maillard, Sandrine
Marbach, Paolo Marchesini, Isabelle Marilier, Dwaikat
Marouf, Françoise et Michel Marquis, Jean Merckaert,
Antoine Meylan, Alain Mobele, Annelise Mogultay, Frédérique
Montini-Rosenblieh, Sidi Mouatadiri, Marie-Juliette Mouton
Massot, Josué N'Doninga, Yves Fabrice Ngassom,
Philippe Palazuelo, Fabien Passilly, Bertrand Peguy,
Serge Pey, Bernard et Elisabeth Philippe, Madie Pierret,
Jeff Point, Nicolas Popovic, Roger Poupard, Gaëlle
Pujo, Maxime Quint, Yvonne Quinzii, Jeannine et Michel
Rachet, Clo Ramouré, Fred Rerolle, Dr. Jean Loup
Rey, Alain J. Roisin, Sandrine Roubert, Virginie Roussel,
Raymond Schirmer, Brigitte et Jean-François Schrive,
André Shwartz, Philippe Solano, André Stengel,
Grégoire Tellier, Madeleine Thivend-Piegay, Pierre
Thivend, Fernand Trau, Anne Vonesch, Yannick Vons, Mathurin
Yao...