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Agir pour réclamer des commissions d'enquête internationale

Analyse du Collectif des Ivoiriens de France pour la Démocratie. Paris, le 28 novembre 2002.

Depuis le 19 septembre, la Côte d'Ivoire est en proie à une insurrection armée préoccupante qui a fait de nombreuses victimes tant civiles que militaires. Des faits avérés d'exactions, de meurtres, d'assassinats et d'exécutions extra judiciaires, ont été mis à nu par diverses associations ayant eu à enquêter notamment dans la zone d'Abidjan.

D'autres cas d'atteintes aux droits de la personne humaine, ont été perpétrées dans la région de Daloa entre le 18 octobre et le 22 octobre. Des témoins interrogés par la presse occidentale parlent d'un nombre important de victimes. Concernant ces faits, le gouvernement ivoirien et les rebelles du MPCI s'accusent mutuellement d'en être les responsables. Depuis, de nombreuses de plaintes ont été portées à l'attention de la communauté internationale par les pays limitrophes de la Côte d'Ivoire tels que le Burkina Faso, le Niger, le Mali, la Guinée.

Par ailleurs, dans ce contexte de confusion et de peur (entretenu par des bandes armées) au coeur de la capitale sous contrôle des forces loyalistes, on note une série incroyable d'enlèvements et d'assassinats de responsables politiques ou de membres de leurs familles. Que font concrètement les forces de police et la Justice dans ces dossiers ? Existe t-il une volonté affirmée de retrouver les coupables ?

Malgré les récentes initiatives de l'Etat ivoirien visant à rechercher les éventuels responsables de ces crimes contre l'humanité, il nous apparaît nécessaire d'émettre de sérieuses réserves. En effet, quelle peut être la volonté réelle de ce gouvernement de punir les véritables coupables ? Ces derniers, selon des témoignages concordants seraient encore une fois (une fois de trop ?!) des militaires. Quand on sait depuis le procès du " charnier de Yopougon ", que ce régime, conforté par la RealPolitik, a toujours refusé de sanctionner les hommes des corps habillés, il est évident et nécessaire que tous, militants des droits humains, nous demeurions sur le qui-vive.

Inutile alors d'évoquer les tacites connivences et coupables collusions qu'entretient ce régime avec les médias de la haine et de l'ethnisme pro-gouvernementaux, voire avec les " escadrons de la mort " Tous ces meurtres, ces exactions et autres violations des droits humains ne sont-ils pas la conséquence manifeste d'appels aux meurtres et à la délation, initiés par une presse nationaliste aux accents xénophobes, dont la responsabilité dans les actes suscités est une lapalissade ? Pourtant que fait concrètement la communauté internationale pour les victimes ?

Les victimes et ayants droits des victimes ne méritent pas ce traitement qu'on leur inflige au nom de la RealPolitik ! Cette façon d'agir heurte notre humanité, notre moralité et notre intellect. Comment dans ces conditions envisager une réconciliation entre les peuples de la sous région, si les victimes ne peuvent faire leur deuil parce que de prétendus politiciens et pseudo démocrates en ont ainsi décidé?

Un sociologue disait un jour : "il ne peut y avoir de réconciliation véritable sans justice ! Ce n'est pas seulement une question de morale, c'est également par souci d'efficacité. Parce que tous ces gens qui commettent ces crimes ou qui incitent à les commettre, le font parce qu'ils sont certains de ne pas être poursuivis. Et c'est cela qui doit changer ".

La culture de l'impunité sur tous les continents contient les germes d'une révolte latente. Et l'image que donne la Côte d'Ivoire aujourd'hui, est le reflet d'années d'injustice supportée par des populations qui ne demandent rien d'autre que de vivre paisiblement et en bonne intelligence. En Côte d'Ivoire comme au Rwanda, l'impunité alimente la spirale des violences...

Il est clair que la responsabilité des mutins dans la crise actuelle est immense. En cherchant à renverser le pouvoir par les armes, ils ont battu en brèche le fragile processus démocratique et les ténus efforts de réconciliation mis en place conformément aux recommandations du Forum pour la réconciliation nationale d'automne 2001. Ils ont pris le risque du déclenchement d'une guerre civile et d'une crise régionale majeure.

Cette responsabilité évidente, ne peut cependant légitimer les dérives xénophobes et les exactions actuelles perpétrées par l'armée régulière et de prétendus patriotes, pour lesquels passion rime avec déraison. Alors pourquoi le gouvernement ivoirien qui crie à hue et à dia qu'il respecte les droits de l'homme propose-t-il aux rebelles de les amnistier, sinon pour éviter de réaliser une véritable autocritique et ainsi promulguer une loi d'auto-amnistie pour couvrir ses propres crimes dès que possible?

Le principal problème des diplomates et autres responsables politiques, c'est qu'au nom de la RealPolitik, ils ne s'intéressent qu'aux évolutions institutionnelles; négligeant en cela la dimension sociologique du problème ivoirien : les préjugés nés de l'ivoirité, les ressentiments, et le vécu des personnes au coeur de la société civile; par conséquent il s négligent les droits de l'Homme.

Devant les tracas, manigances, trompe-l'oeil et autres basses oeuvres de ce pouvoir pour se justifier au regard d'une prétendue mais non prouvée agression extérieure du Burkina Faso, d'une supposée implication de la France à travers ses réseaux funestes de la brumeuse Françafrique, et ainsi favoriser appels aux meurtres et autres discours haineux et xénophobes par le biais des médias et de la presse nationale, il est IMPORTANT et URGENT d'agir et de proposer des voies de résolution, malgré le contexte confus et le sentiment d'impuissance qui en découle. Voici celles émanant du bureau du Collectif des Ivoiriens de France pour la Démocratie :

1. Le refus [condamnation] de la banalisation de l'ethnisme et en particulier du concept fallacieux d'"ivoirité". Ceci inclut les appels et incitations aux meurtres et à la délation y compris les discours xénophobes. Enfin le soutien aux forces sociales et aux médias qui refusent et combattent le repli identitaire.

Aussi, convient-il de soutenir l'action de Reporters Sans Frontières, au Conseil de sécurité des Nations Unies, visant à saisir la CPI (Cour Pénale Internationale) sur la situation de la presse en Côte d'Ivoire.

2. La lutte contre l'impunité se doit d'être une priorité dans la perspective de la reconstruction d'une nation tolérante véritablement libre et démocratique. Afin d'ouvrir la porte à une réconciliation vraie dans la paix des coeurs et des esprits, une commission internationale d'enquête devra faire la lumière sur les violations des droits humains de ces dernières années. Les auteurs de ces exactions devront être jugés devant la C.P.I.

3. La manifestation violente et massive d'une partie de la population ivoirienne devant le 43e BIMA le 22 Octobre dernier, tend à prouver que la France souffre en ce moment d'un déficit de confiance en Côte d'Ivoire et plus généralement en Afrique. Afin d'éviter de nouvelles dérives verbales dans le climat actuel où passion rime avec déraison, une mission d'enquête de l'ONU doit rapidement confirmer ou infirmer l'hypothèse de "l'agression extérieure".

4. L'organisation (et non la simple supervision) par l'ONU de nouvelles élections, à l'instar de ce qu'elle a réalisé au Cambodge. Le délai imparti restant à la discrétion des Nations Unies.

5. Une analyse concertée entre les pays de la CEDEAO autour de la question cruciale de la citoyenneté et de la nationalité dans cet espace sous régional. Ce projet trouve tout son sens au vu et au su de la crise identitaire que connaît la Côte d'Ivoire. Cette analyse globale sur les critères d'attribution de la nationalité est nécessaire afin d'éviter de créer une catégorie d'apatrides, de citoyens de nulle part.

Dans l'action, l'excellence et l'urgence ; nous devons AGIR !!!

Fait à Paris le 28 Novembre 2002
Pour le Collectif des Ivoiriens de France pour la Démocratie
Le Secrétariat Général : Oumou Kouyaté, la Présidente

Côte d'Ivoirité : La Crise identitaire.
Voies de résolution

1. Le refus de la banalisation de l'ethnisme et du concept fallacieux d'"ivoirité".

>> Soutenir l'action de Reporters Sans Frontières. Appel au Conseil de sécurité des Nations Unies afin qu'il saisisse la CPI (Cour Pénale Internationale) sur la situation de la presse en Côte d'Ivoire.

2. La lutte contre l'impunité dans la perspective de la reconstruction d'une nation véritablement libre, démocratique et tolérante. Afin d'ouvrir la porte à une réconciliation Vraie dans la paix des coeurs et des esprits,

>> une commission internationale d'enquête devra faire la lumière sur les violations des droits humains de ces dernières années. Les auteurs de ces exactions doivent être jugés.

3. Les diverses implications extérieures doivent être recherchées afin d'éviter de nouvelles dérives verbales dans ce climat où passion rime avec déraison,

>> une mission d'enquête de l'ONU doit rapidement confirmer ou infirmer l'hypothèse de "l'agression extérieure".

4. L'organisation (et non la simple supervision) par l'ONU de nouvelles élections.

>> Prendre l'exemple du Cambodge (délai et durée restant à définir).

5. La problématique de la Nationalité et de la Citoyenneté dans l'espace CEDEAO.

>> Une analyse concertée entre les pays de la CEDEAO autour de la question cruciale de la citoyenneté et de la nationalité dans cet espace sous régional est une vraie nécessité, afin d'éviter de créer une catégorie d'apatrides, de citoyen de nulle part.