Les réflexions qui vont suivre se situeront
dans le cadre restreint d’une triple délimitation:
1- Étant donné la modification que ces deux passions, la vengeance
et le pardon, opèrent, selon l’argument du présent numéro,
« dans le tracé des frontières [...] entre le mouvement psychique
individuel et l’acte collectif », l’exposé se référera
à la dimension collective des meurtres de masse mais en s’attachent
principalement aux effets de ces événements sur la personne
individuelle et sa relation envers ceux qui eurent pouvoir
de vie ou de mort sur les siens;
2- Ces effets seront envisagés plus particulièrement sur l’héritier
des survivants à ces violences en tant qu’il se voit contraint
d’effectuer un travail psychique pour se dégager de leur emprise,
tout en gardant fidèlement en mémoire la valeur subjectivante
et politique de son histoire;
3- Enfin l’énonciation étant ici celle d’une analysante, ce
qui est proposé sera dicté par l’expérience de mon propre
travail analytique [1] : ce
sera l’hypothèse d’une troisième voie entre la « vengeance »
qui aliène et stérilise et le « pardon » qui évite
la prise en charge du travail de mémoire et de justice dû aux
ascendants impunément assassinés. Cette proposition ne devra
toutefois être considérée que comme un pari à soutenir face
à l’évolution inquiétante des conditions politico-culturelles
dont dépend, bien sûr, la recherche de cette troisième voie.
S’agissant de « la ligne de démarcation entre l’amnistie
et l’amnésie », elle répondra en somme à l’invitation
que Paul Ricœur adresse « au niveau le plus intime de
chaque citoyen, en son for intérieur »:
« Un problème philosophique demeure :la pratique
de l’amnistie n’est–elle pas nuisible à la vérité et à la justice ?
où passe la ligne de démarcation entre l’amnistie et l’amnésie ?
La réponse à ces questions ne se trouve pas au niveau politique,
mais au niveau le plus intime de chaque citoyen, en son for
intérieur. Grâce au travail de mémoire, complété par celui
de deuil, chacun de nous a le devoir de ne pas oublier mais
de dire le passé, si douloureux soit-il, sur un mode apaisé,
sans colère » [2]
En guise d’introduction à l’approche subjective de mon propos,
j’avouerais la vive irritation que je ressens chaque fois qu’est
soulevée la question du « pardon » ou de ce qui en
serait pour ainsi dire le contraire : la « vengeance »
car, concernant les crimes contre l’humanité perpétrés envers
les siens, il n’y a évidemment, à mes yeux du moins, aucun
pardon à prodiguer, ni aux bourreaux, ni à ceux qui les ont
laissé faire. Mais il n’y a pas davantage à poursuivre une
vengeance sur eux, car toute vengeance témoigne d’une dépendance,
voire d’un lien passionnel aux criminels ou à leurs descendants,
alors même qu’il s’agit avant tout de se soustraire à l’emprise
que ces attentats à l’humain peuvent encore exercer sur les
héritiers de ceux qui en ont été victimes. Être en mesure psychiquement,
culturellement, politiquement de faire entendre ce que Hermann
Broch nomme « le mutisme du meurtre » [3] exige
que l’on se soit dégagé de son emprise. Quelle position tierce
permettrait l’indépendance d’un travail de subjectivation où,
cessant de se sentir victime de son histoire, on en deviendrait
le sujet ? Quelle posture libérerait de la portée
aliénante des crimes dont il faut nécessairement, pour parvenir
à y survivre, invalider avant tout leur pouvoir de destruction
dans l’après-coup de leur transmission traumatique, faute d’avoir
pu le faire au temps de leur perpétration ?
Je commencerai par citer deux témoignages sur la terreur
qui s’est exercée sur les persécutés vivant sous menace de mort. Cette expérience
de la terreur qui ne peut se penser mais se transmet, les héritiers des survivants
ont notamment à la métaboliser pour tenter de ne sombrer, ni dans l’agir autodestructeur
de la vengeance, ni dans la paresse du pardon profanateur des morts sans sépulture.
Elle génère une profonde angoisse chez celui qui, insensible aux tentations
paranoïaques, préfère ne pas la projeter sur son entourage ou le monde entier
afin d’obéir en cela à la double injonction émanant de ses ascendants :
« assurer sa propre vie pour qu’ils n’aient pas survécu pour rien »,
« révéler leur histoire aux non exterminables », donc acquérir les
moyens de le faire.
J’apporterai d’abord le témoignage d’un écrivain: Aharon Appelfeld
puis celui d’un journaliste: Jean Kéhayan. Tous deux, le premier,
survivant de la Shoah, le second, fils de survivant du génocide
arménien de 1915, évoquent en effet un lien paradoxal douloureux
qui noue parents et enfants sous terreur et qui marque d’une
empreinte indélébile ce qui s’est transmis à eux. La vie affective
de ceux qui partagent cet héritage se constitue pour ainsi
dire de l’inconfortable alliage d’un tendre attachement aux
parents ou à la famille d’appartenance et d’un savoir partagé
mortifère sur ce qu’est vivre ses jours sous menace de mort.
Or ce savoir intime, imprégnant d’une inquiétude diffuse les
jours de leur enfance, est au plus haut point handicapant pour
eux car, si l’effroi traumatique, peut-être non éprouvé par
le sujet expulsé lors de l’effraction [4] ,
traverse souvent les générations, il creuse chez ses héritiers
un écart, une inhibition du contact spontané avec ceux qui
semblent ignorer cet envers du monde : ce savoir suffocant
que n’ont pas ceux qui vivent dans la sécurité et ses vaines
certitudes tend à enfermer dans un repli ghettoïsant les parents
survivants et leur enfant, à les séparer du reste du monde
demeuré indifférent voire complice ou impuissant face au pouvoir
exterminateur.
Aharon Appelfeld:
« À cause de cette terreur prolongée pendant tant d’années,
chacun de nos sentiments, chacune de nos pensées passa par
la fournaise raffinée de la souffrance […] Une telle souffrance
ne fut pas le lot des enfants, bien qu’ils l’aient absorbée
aveuglément par toutes leurs cellules, comme seuls les enfants
peuvent absorber les choses. Dans cette confusion, il n’y avait
pas de place pour les mots et les questions. Ils apprirent
donc très vite à ne pas demander. Les expressions silencieuses
leur apprirent comment emprisonner la peur.[…] Comment sauver
les enfants ? […] Nous étions le sens de leur vie. Déjà
à cette époque, à la hâte, dans la fuite, alors que nous voyions
comment ils se sacrifiaient pour chercher un refuge où nous
mettre en sécurité, nous sûmes que, dans leur autosacrifice,
au bord de l’abîme, ils nous léguaient non seulement la vie
mais la signification ultime de leur propre existence » [5] .
Jean Kéhayan :
« Nos parents, pénétrés par la mort, inspiraient naturellement
le silence. Surtout pas de questions [...] nos jours et nos
nuits se teintaient toujours de noir. Des récits de terreur
à n’en plus finir. L’impossible à transmettre que ces litanies
de peur et de souffrances devant lesquelles nous n’avions pas
le droit de nous révolter. Les morts vivants peuvent-ils penser
au destin des enfants? Je n’ai pas encore la réponse tellement
la culture de la mémoire - par tous les moyens - me semble
vitale [...] Il suffit de remonter la rue [de ma little Armenia
marseillaise]. Chaque porte, chaque père, chaque mère colporte
son histoire. Par cette obstination orale, ils ont réussi à
garder la mémoire des suppliciés de Kars, des enterrés vivants
d’Erzeroum. Ils ont perpétué l’histoire de la solution finale
dans le désert de Der-Zor en Syrie où l’on violait les mères
et les sœurs, où l’on étripait les nourrissons [...] Nous ne
nous sentions pas étrangers mais plutôt d’étranges inconnus.
Porteurs d’un secret intransmissible » [6] .
Mon troisième témoignage, celui du cinéaste Emmanuel
Finkiel, suggère avec une particulière discrétion cet affect
en double lien dans un épisode secrètement émouvant du film Voyages (1999) :
Nous assistons à une fête de retrouvailles entre hommes et
femmes rescapés de la Shoah qui, dans une ambiance commémorative,
se réjouissent probablement d’être restés en vie, d’être réunis
et de se revoir. Ils semblent être ensemble pour se parler,
manger et boire, danser même, comme s’ils appartenaient à une
association locale « d’anciens combattants » qui
se seraient rencontrés pour s’adonner aux souvenirs rajeunissants
de leur passé. Pourquoi sommes nous si bouleversés par un tel
moment, tout compte fait, le seul joyeux de ce film éprouvant ?
Sans doute parce que la tonalité festive de ces comportements
implicitement codés qui cherche à étouffer les traces des terreurs
inoubliées, réveille brusquement en nous les perceptions enfouies
de semblables commémorations que nous avons bien connues, enfants,
lorsque, blottis dans la chaleur particulière de notre abri
familial nous en ressentions pourtant l’insondable angoisse.
Cette séquence constitue comme une métaphore de la douloureuse
joie de vivre, transmise aux descendants des victimes,
que ceux-ci se doivent, avant tout et durant toute leur vie,
déchiffrer, dénouer, libérer de sa gangue émotionnelle explosive
pour pouvoir, en y puisant, en extraire leur rapport singulier
à leur propre destin.
En effet j’aurais envie de dire que le travail de la cure,
chez un enfant de survivant englué dans le lien fusionnel de
cet alliage, consiste à en extraire, comme seul viatique pour
ses jours à venir, l’affirmation et le plaisir à vivre de ses
parents, le sens générateur de vie qui les habitaient avant
la catastrophe. Aussi la construction et la mise en récit qu’élabore
l’analysant pour se constituer ce trésor identifiant n’est-il
en réalité rien d’autre que l’acquittement d’une dette à « honorer »
envers cette vie qui lui a coûteusement été donnée.
« Dans le récit, écrit Jean François Lyotard, il faut
[...]reconnaître [la dette], l’honorer, la différer. Dans la
délibération, la questionner, donc la différer aussi. (Et c’est
ainsi que le différend se fait jour dans la délibération et
même dans le récit, ou autour de lui) [7] .
Autrement dit, ce que réclame l’amour des parents, réapproprié
après coup grâce au travail de deuil soutenu dans l’analyse,
ce n’est guère de les « venger » en supprimant ceux
qui attentèrent à leurs proches, leurs biens, leurs liens,
mais de réduire ceux-ci à l’impuissance en acquérant une place
de sujet là où celle des ascendants avait été éliminée, une
place en leur nom et parmi les autres. On se rappellera ici
l’analyse du philosophe pour qui cette destruction ne relève
pas d’un « dommage » réparable mais d’un « tort »,
soit d’un « différend » non réductible à un
« litige »:
« Un tort serait ceci: un dommage accompagné de la perte
des moyens de faire la preuve du dommage. C’est le cas si [...]
la phrase du témoignage est elle-même privée d’autorité [...]
À la privation qu’est le dommage s’ajoute l’impossibilité de
le porter à la connaissance d’autrui, et notamment à la connaissance
d’un tribunal » [8] .
Bien sûr, face aux pressions actuelles des intégrismes, on
peut douter de la portée politique de cet affranchissement
psychique qui, au sein d’un débat démocratique, conférerait
à la parole de l’héritier une quelconque « autorité »
susceptible de porter à la connaissance du monde le « tort »
encouru. Mais au cas où l’on ne croirait plus que la métabolisation
et la sublimation de la violence peuvent engendrer un dialogue
où l’altérité des partenaires se négocie, malgré les exigences
de la Realpolitik, dans un certain discours de vérité, au cas
où cette issue serait désormais caduque, les fondements mêmes
de notre civilisation et la visée des perlaborations freudiennes
s’en trouveraient anéantis. Mon hypothèse optimiste, acculée
ainsi à l’espoir malgré la perte en crédibilité des institutions
démocratiques, avancera donc que ce qui provoque l’implosion
de l’emprise de la violence c’est le désinvestissement de toute
adresse à un pseudo-autre - que ce soit dans le « pardon »
ou la « vengeance» -, grâce à l’élaboration de situations
imprévues d’interlocution avec des tiers à trouver ou à créer.
L’expérience politique présente ici un point de jonction
avec l’expérience analytique de tel individu qui cherche à
se dégager de l’emprise exercée sur lui par le déni de son
existence, de son autonomie ou de son histoire: de même
que sur la scène du transfert ce dégagement hors de la portée
d’un éventuel meurtre psychique donne place, chez l’analysant,
à une instance d’énonciation jusqu’alors inexistante en lui,
de même on voit, à la lumière des travaux de Jacques Rancière,
comment sur la scène de la « mésentente » démocratique,
c’est la « situation même d’interlocution » qu’il
s’agit de modifier:
« le litige politique se différencie
de tout conflit d’intérêts entre parties constituées [...]
puisqu’il n’est pas une discussion entre partenaires mais une
interlocution qui met en jeu la situation même d’interlocution » [9]
Or la temporalité requise pour circonvenir celle-ci en
créant une situation inédite dont l’émergence démantèlerait,
dans le champ de l’Histoire du monde, les relations duelles
bourreau/victime, témoins/négateurs correspond à celle que
réclame, des héritiers de survivants, le travail de subjectivation
des événements vécus par ces derniers et, par conséquent, l’acquisition
corrélative d’une langue adéquate pour ce faire. La déprivation
quant à la langue, occultée le plus souvent par les tenants
d’une conception positiviste de l’histoire, est un moteur puissant
du désir de « vengeance » ou une raison de l’abdication
qu’est le « pardon ». Elle est rarement dénoncée
comme le fait Shoshana Felman:
« Une victime, par définition, ce n’est pas seulement
quelqu’un qui est opprimé, mais aussi quelqu’un qui n’a pas
de langage propre, quelqu’un qui s’est fait voler le langage
dans lequel il aurait pu articuler sa victimisation .» [10]
Parler la langue du pays d’accueil de la survie
parentale, qui va paradoxalement contenir, par déplacement
dans ses représentations de mot, les affects néantisants et
néanmoins nourriciers, essentiels, transmis par l’angoisse familiale,
s’identifier aux formes institutionnelles et politiques de
sa culture, cet apprentissage nécessite, il va sans dire, plusieurs
générations. La douleur des pertes et la révolte changent en
effet psychiquement de place et de nature, soit par le passage
d’une génération à l’autre et de leurs déterminations politiques
respectives, soit par le parcours d’un travail analytique ou
celui de toute autre forme d’élaboration créatrice. Ni pardon, ni vengeance
n’amènent chez un individu un réel désinvestissement de l’instance
meurtrière. Seule l’appropriation des données de son histoire
en position de citoyen sujet, par le détour d’un déplacement
et le recours à des appartenances plurielles, rend caduque
cette alternative.
L’autre s’étant effondré pour lui aussi bien dans l’Histoire
du monde - il fut assassin ou spectateur impuissant - que dans
les relations précoces de son histoire infantile - il fut indisponible
ou absent car psychiquement tué –, cette absence d’autre doit
en quelque sorte être relayée par un métissage de ses identifications
qui viserait à ménager, après coup, un enracinement à l’entreprise
de la survie parentale. La recherche de ces identifications
nouvelles doit emprunter l’espace transitionnel de médiation
des institutions de la culture d’accueil. Chez les héritiers
de deuxième, troisième génération, elle ne peut que s’étayer
sur une alliance exogamique avec ceux qui, nantis du langage,
vivent dans un monde – peut-être provisoirement – non menacé.
La blessure infligée demeure intacte dans l’intimité du sujet,
mais cette nouvelle configuration opère chez lui un clivage
salvateur qui, ménageant une séparation d’avec l’histoire de
ses ascendants, libère l’espace d’un dialogue avec de nouveaux
partenaires.
Avant d’esquisser les conditions socio-politiques qui permettent
de réaliser cet écart spatio-temporel par le double déplacement
d’une génération à l’autre et du lieu exterminant à celui de
la terre d’accueil, il faut rappeler néanmoins l’impasse
du cas où aucun déplacement n’est praticable alors qu’il s’agit
de la génération du survivant lui-même et d’une situation où
il se voit condamné à côtoyer ses bourreaux. Il suffit de comparer
le traitement esthétique, par l’héritier cinéaste, du regroupement
amical de survivants dans la scène précédemment évoquéeou la
mise en récit, par un héritier analysant, d’un souvenir analogue
porté à la scène du transfert, avec un type de socialité impossible
où les survivants doivent partager le pays des criminels. Dans
les « Sentiments de rescapés » une survivante rwandaise
nous décrit, par exemple, un autre type de regroupement de
« semblables » qui plonge la victime « dans
la douleur parce qu’on ne vit qu’avec elle, dans elle, à coté
d’elle [en étant] heureux dedans » :
« Une vraie victime est un mort vivant, un mort errant,
un mort travaillant, il est pris dans la société comme les
autres, alors qu’il a perdu tout ce qui lui était cher [...]
Il est inguérissable parce qu’il se plonge dans ses semblables
qui le plongent encore dans la douleur parce qu’on ne vit qu’avec
elle, dans elle, à coté d’elle. Nous sommes heureux dedans,
tellement que nous pouvons passer des jours entiers ensemble
avec d’autres rescapés sans se lasser de parler du passé »
[11]
Les tribunaux semi-traditionnels, les 'gacaca', ont bien mis
en place en 2002 au Rwanda une alternative rapide pour juger
des milliers de génocidaires présumés et instaurer une sorte
de « justice réconciliatrice », mais la question
« vengeance ou pardon » semble ici tout simplement
indécente et abandonnée à la sagacité cynique des politiques!
On voit ici comment l’impossibilité du déplacement au sein
de la société monstrueuse de la survivante rwandaise rend en
fait le deuil impossible. Il en alla de même dans une situation
analogue de côtoiement assassins/victimes qui se vécut sur
notre propre territoire, dans la France de Vichy où:
« La société, les pouvoirs qui régnaient sur la vie, l’État,
qui a pour obligation de protéger la vie des enfants, étaient
déterminés à détruire les enfants juifs ; [...] Impossible
de pleurer un parent quand on sait qu’on est soi-même appelé
à mourir [...] quand on va mourir rien ne sert de porter le
deuil des autres. » [12]
* *
*
Bien que cet exposé ne relève pas des sciences historiques
notons que, dans chaque configuration contemporaine de rescapés
transplantés des lieux de leur vie et de leur culture, l’histoire
montre comment les accords diplomatiques présidant à leur histoire
accusèrent l’absence de tout tiers médiateur susceptible d’interdire
le pouvoir absolu des criminels auxquels ils furent abandonnés.
C’est cette absence, tout autant que les violences autorisées
par elle qui produit, dans un retour du réel, les
deux impasses à la symbolisation que sont la vengeance ou le
pardon. Conformément à l’opportunisme d’une Realpolitik donnée,
les pays d’accueil respectifs des rescapés furent
souvent impliqués, soit directement soit par un laisser-faire
prometteur de bénéfices politico-économiques, dans ces mêmes
événements meurtriers qui les expatrièrent et en firent des
interdits de séjour laissés à la merci de l’hospitalité de
leurs pays hôtes. Ce scénario n’est en rien particulier
à l’histoire de tel ou tel génocide (arménien, juif, cambodgien,
rwandais, massacres d’ex-Yougoslavie, d’Algérie, etc...). On
peut à chaque fois y reconnaître les processus diplomatiques
où se combinent et s’agencent sans contradiction aucune la
liquidation des uns et le bénéfice des autres. Cette scène
du meurtre est emblématique pour tous les rescapés qui
se voient miraculeusement transplantés d’une partie
du monde exterminateur à cette autre partie, laquelle, ayant
fermé les yeux sur l’élimination des leurs, leur offre un lieu
où il leur devient paradoxalement possible de rester démocratiquement vivants.
Si leurs héritiers doivent, chacun selon leurs moyens, élaborer
psychiquement et politiquement le trauma collectif de l’Histoire
qui a frappé leur famille d’appartenance, il ne leur devient
possible de rechercher une position médiane libératrice entre
vengeance ou pardon que dans certaines conditions sociopolitiques.
Dans la mesure, en effet, où ils portent les traces d’une extermination
qui s’est effectuée dans le silence d’un monde impuissant ou
complice et sous le coup d’une violence en deçà de tout conflit,
cette élaboration ne peut s’accomplir en eux qu'à l'aide de
métissages instaurateurs de tiercéité, donc grâce à l'existence
de tiers garants démocratiques susceptibles d’affronter ambivalences
et conflits. La parole de ces tiers est d’ailleurs convoquée
pour déjouer l’impact du négationnisme [13] ,
car aucun déni ne peut être combattu frontalement mais en débat
avec un troisième terme issu d’un déplacement sociopolitique
des données initiales de ce qui fait l’objet du déni. Les institutions accueillantes,
censées se prêter en démocratie à une vérification et à une
conflictualité bénéfiques pour elles aussi, autorisent à penser
que si le Tiers fut compromis, tous ses membres ne le furent
et ne le sont pas. On peut donc les interpeller afin de rencontrer
en eux des répondants eux-mêmes intéressés par la « désidentification »
d’avec les sécurités illusoires qu’induit « la cause de
l’autre » quémandeur de vérité.
« la cause de l’autre comme figure politique, c’est d’abord
[...] une désidentification par rapport à un certain soi [...]
Une subjectivation politique implique toujours un ”discours
de l’autre“[...] il y a de la politique, parce qu’il y a une
cause de l’autre, une différence de la citoyenneté à elle-même »
[14] .
Il va sans dire que le recours à cette stratégie du détour
n’est pas tributaire du seul travail intrapsychique. Il se
trouve favorisé ou entravé par les conditions sociopolitiques
que le lieu de vie des héritiers est en mesure ou non d’offrir
à ses propres citoyens. Inversement, ce travail de construction
psychique aura évidement une portée politique car c’est bien
l’obstination, imaginairement toute-puissante, à vouloir rester
sans autre qui constitue les communautarismes de tous bords
ou les intégrismes dévastateurs. Or ce sont ces conditions
favorisant la conflictualisation et non le repli paranoïaque
qui se voient menacées de nos jours. Les intérêts économico-politiques
attaquent les liens du monde social en le parcellisant au bénéfice
d’organisations globalisantes prônant l’efficacité si bien
qu’on peut se demander si l’espace de cette mondialité marchande
ménagera encore, et avec quels dispositifs d’échange, quelles
constructions fantasmatiques d’altérité, les processus d’identification/désidentification
qui permettent l’accueil psychique de cet héritage traumatique en
ceux qui ont à charge de la traduire à leurs concitoyens apparemment
protégés de tels effondrements.
Pour que cette traduction soit en mesure de désamorcer toute
prétention à la vengeance autodestructrice, il faudrait précisément
qu’elle puisse s’entendre d’un lieu hétérogène susceptible
d’être toléré dans la « mésentente » du litige politique.
Il faudrait qu’elle crée un dissensus pour que l’inadéquation
des représentations du monde des autochtones à celles
de leurs réfugiés ou assistés acquière de la visibilité. Faire
entendre une partie du monde à l’autre suppose que le débat
public accepte un discours hétérodoxe qui excède le cadre consensuel
des dénégations implicites:
« La démocratie est le nom d’une interruption singulière
de cet ordre de la distribution des corps en communauté [...]
Elle est l’introduction dans le champ de l’expérience d’un
visible qui modifie le régime du visible » [15] .
* *
*
Pour conclure je fournirai l’exemple d’une traduction dont
seule une institution démocratique me rendit possible une publication,
à tous les sens du terme, qui, dans son après coup, revêtit
pour mon travail une portée psychique et politique :
Ayant pris connaissance du Journal de déportation
de mon père, j’eus d’abord recours en 1978, huit ans
après sa mort, à sa traduction au sens habituel du terme. Intitulé
« 10 août 1915, mercredi, tout ce que j’ai enduré
des années 1915 à 1919 », ce manuscrit restituait
des récits qui avaient peuplé mon enfance et celle de tous
les Arméniens de mon âge. Leur déplacement dans une langue
apprise à l’école me donna le moyen de les affronter en
français [16] et
de les publier d’abord aux Temps Modernes en février
1982 [17] ,
puis dans le recueil au titre cornélien : Ouvrez-moi
seulement les chemins d’Arménie [18] .
En voici un extrait :
« Quand nous sommes arrivés à Antarin,
nous étions harcelés d’un côté par la faim, de l’autre par
les saletés. Les chiens déchiquetaient les morts, personne
ne les enterrait. Tout alentour sentait mauvais […]. À Haman,
nous avons constaté que les gens mangeaient des sauterelles.
Des mourants, des morts partout […]. Mon père était très malade
[…]. Bientôt il n’y a plus eu de sauterelles, car tout le monde
en avait mangé. Et la déportation n’en finissait pas […]. Ma
mère a dit : ”Notre
malade est très gravement atteint et partira la prochaine fois“
[…]. ”Vous osez parler ?” a dit un gendarme et il a frappé
à la tête de mon père. Ma mère suppliait […] qu’on la frappe,
elle, et qu’on laisse mon père. Sur ce, le gendarme a frappé
ma mère […]. Mais à quoi bon ? Que devient un homme gravement
malade qu’on bat ? Six jours plus tard, le jour de la
mort de mon père, ils ont de nouveau déporté […]. Ils frappaient
notre mère. Nous deux frères, nous pleurions. Nous ne pouvions
rien faire, car ils étaient comme une meute de chiens […].
Ma mère : ”Nous partirons quand nous aurons enterré le
mort“. Ils répliquaient : ”Non vous ferez comme les autres“.
Les autres […] abandonnaient les morts et la nuit les chacals
les dévoraient. J’ai vu que ça n’allait pas et qu’il fallait
faire quelque chose. J’ai pris un flacon de 75 dirhem […],
je l’ai rempli d’huile de rose et je suis allé voir le chef
des gendarmes de la déportation […]. Je lui ai donné le flacon
qu’il a accepté. Nous sommes restés encore un jour. Nous avons
creusé une fosse et nous avons payé cinq piastres au curé.
Ainsi nous avons enterré mon père […]. Quinze jours après la
déportation a recommencé […]. Ils brûlaient tout […]. Je me
suis caché là, car j’ai su que plus loin ils tuaient les gens
[…] ; on avait très faim et soif […]. On n’avait pas d’argent,
c’est pourquoi on a commencé à manger des herbes […], on a
vu qu’on allait mourir. On faisait à peine deux pas et on tombait
par terre. Ma mère a réfléchi : ”Moi pour mourir, je mourrai,
vous, il ne le faut pas !” C’est ainsi qu’elle nous a
donnés, nous deux, aux Arabes.» [19]
Si, comme l’explique René Kaës :
« le drame catastrophique reste […] en défaut d’énoncé
et d’abord de représentation, parce que les lieux et les fonctions
psychiques et transsubjectives où il pourrait se constituer
et se signifier ont été abolis » [20] ,
c’est sous l’effet d’une violence externe
qu’apparut en moi un substitut de ces « lieux et fonctions
psychiques transsubjectives »,
en l’espèce d’un acte dit terroriste dans le champ
politique parisien : la prise d’otages au consulat de
Turquie en septembre 1981. Cet acte, en réalité de résistance,amorça
ce qu’on appela le « terrorisme publicitaire » en
rompant pour la première fois un silence de près d’un demi
siècle [21] sur
le génocide arménien. Certes, sans l’effraction spectaculaire
du silence de l’opinion publique sur ce premier génocide du
xxe siècle, c’est à dire sans le paravent protecteur de ce
scandale dans la vie publique du pays qui avait accueilli mon
père, il m’aurait été impossible de surmonter la honte d’accomplir,
en mon propre nom et en toute autonomie, cette démarche de publication et
je n’aurais rencontré aucun accueil éditorial à ce Journal.
Pourtant, si le facteur proprement journalistique qui permit
la mise au monde de ce manuscrit maintenu sous scellés
n’intervint que dans un second temps, il est capital de souligner
que ce type de relais médiatique n’a pu exister pour moi, déléguée
du père, qu’au sein d’institutions démocratiques ne refusant
pas les rappels dérangeants du passé. Comme Les Temps
Modernes avaient déjà publié (de 1975 à 1978) trois de
mes articles, je leur présentai également celui-ci. Il me fut
rapporté qu’il avait été qualifié de «texte sauvage» par Simone
de Beauvoir et fait l’objet d’un certain doute de sa part.
Néanmoins, elle le publia. Elle incarnait dans ma vie d’écolière
puis de femme ces institutrices de l’École de Jules Ferry,
plutôt respectueuses de ce qui les dépassait, « bienveillantes
quoique trop assurées » [22] .
Chez un citoyen héritier de survivants, la subjectivation de
son histoire peut difficilement se faire dans un environnement
socio-politique n’offrant pas un tel étayage à la distanciation
et à la médiation d’instances de délibération. La présence,
devenue actuelle, de celles-ci lui offre en quelque
sorte l’espace d’une parole qui tente de dénoncer, après coup,
leur absence d’autrefois qui laissa impunément œuvrer les bourreaux.
Cette prise de distance est impossible quand aucune traduction
culturelle, aucun repère mémoriel ne peut localiser, dans le
monde actuel des vivants, ce qui alors se vit par l’héritier
dans une contamination et un empiètement au sens winnicottien
[23] .
Le manque de délimitation entre les morts et les vivants qui
induit souvent une rupture des liens peut le pousser à des
passages à l’acte de vengeance inefficace ou au renoncement
devant une tâche inassumable individuellement.
L’expulsion dans le champ public d’une histoire paternelle
maintenue secrète me permit donc de la lire à distance, traduite
dans une langue non « maternelle », mais acquise
à « l’école maternelle » de la République, celle
de mes institutrices « laïques », mères par déplacement,
qui furent autrefois, comme je les ai nommées : « mères
adoptives des sinistrés » [24] .
C’est à leur sollicitude toute républicaine, nonobstant
leur ignorance de mon histoire personnelle, que je dois le
privilège d’avoir pu apprendre à traduire un jour en mots,
sans vengeance ni pardon, ce qui s’entendait d’inaudible
dans ce manuscrit. En éveillant ma curiosité pour un autre
univers que celui, victimaire, de la maison, elles préparèrent
ma rencontre avec la littérature de leur culture dominante
mais aussi avec celle des écrivains attestant d’autres Histoires
d’effondrement [25] ,
aux assassins et aux complices différents. Leurs « explications
de textes » me permirent de démystifier le caractère unitaire,
homogène, que j’aurais pu imaginairement attribuer à leurs
semblables.
Une nouvelle humanité, ne pourrait-elle pas se fonder sur des
liens qui subvertissent la visée de déliaison et d’effacement
séparant une catégorie de survivants de celle des autres ?
La pluriréférentialité des investissements de ceux qui héritent
des violences collectives contribue, au delà d’une innovation
psychique porteuse de vie, à une position politique féconde
au sein des autres, sans vengeance ni pardon.
Notes
[1] On peut en lire une autre forme d’expression dans: “L’avantage
d’une conversation c’est qu’on ne parle pas des mêmes choses”,
entretien avec Janine Altounian, Hélène Trivouss-Widlöcher,
Daniel Widlöcher, in Pourquoi le fanatisme? Penser/rêver,
n° 8, 2005.
[2] Paul Ricœur, « Mémoire, Histoire, Oubli », in Esprit, La
pensée Ricœur, n° 323, mars-avril 2006, p. 25/26.
[3] Hermann Broch, “Esprit et esprit du temps”, Conférence
prononcée à Vienne en avril 1934: “ Entre l’homme et l’homme,
entre le groupe humain et le groupe humain règne le mutisme
et c’est le mutisme du meurtre [...] C’est le bruit terrible
du mutisme qui accompagne le meurtre”, extrait d’un passage
cité par Catherine Coquio dans “À propos d’un nihilisme
contemporain: négation, déni, témoignage“ in L’histoire
trouée, négation et témoignage. Éd. L’atalante, 2003.
[4] Cf. S. Ferenczi, Journal clinique, Payot, 1985,
entre autres, lettre du 24 janvier et du 25 mars 1932..
[5] Aharon Appelfeld, « L’héritage nu » in Penser/rêver n°7,
2005, Retours sur la question juive, p. 221; L’héritage
nu, traduit de l’anglais par M. Gribinski, Éditions
de l’Olivier, 2006, p. 30.
[5] Jean Kéhayan, L’Arménie « sans retour possible »,
in La
Revue Autrement/ Le Livre du retour, 1997, pp. 160
à 163.
[6] J. F. Lyotard, Le Différend, Éd. de Minuit, 1983,
p. 256.
[7] J. F. Lyotard, Le Différend, op. cit, p. 19.
[8] Jacques Rancière, La Mésentente / Politique et Philosophie,
Galilée, 1995, pp. 140-141.
[9] Shoshana Felman « À l’âge du témoignage : Shoah de
Claude Lanzmann, in Au sujet de Shoah, le film de Claude
Lanzmann », Belin, 1990. p. 62
[10] Speciosa Mukayiranga, « Sentiments de rescapés »
in L’histoire
trouée. Négation et témoignage, sous la direction
de Catherine Coquio, Nantes, L’Atalante, 2003, p. 781/782.
[11] Bruno
Bettelheim, Postface à Je ne lui ai pas dit au revoir,
Des enfants de déportés parlent, Entretiens avec Claudine
Vegh, Gallimard/ collection folio, 1979, p. 207.
[12] Cf. l’article de Bernard-Henri Lévy paru dans l'édition
du 02.02.07 du Monde.
[13] Jacques Rancière, « La cause de l’autre », « L’inadmissible », in Aux
bords du politique, p. 159-160, La fabrique éditions,
1998.
[14] La
Mésentente, op. cit., p. 139.
[15] Ce
manuscrit avait été rédigé - probablement en 1921, peu
après l’arrivée de l’auteur en France - en langue turque
transcrite en caractères arméniens. Cf. la postface du
traducteur K. Beledian, écrivain de langue arménienne et
maître de Conférences à l’INALCO, qui en a également assuré
les notes in « Ouvrez-moi seulement les chemins
d’Arménie », Un génocide aux déserts de l’inconscient, Belles
Lettres, préface René Kaës, 1990, 2OO3,p. 116.
[16] Les
Temps Modernes, fév. 1982, n° 427, « Terrorisme
d’un génocide », Janine Altounian, Vahram Altounian,
Krikor Beledian.
[17] Corneille,
vers 1712-1713 de Nicomède : La reine D’Arménie Laodice
à qui Attale offre le trône de Bithynie lui répond:
« Je ne veux point régner sur votre Bithynie:
Ouvrez-moi seulement les chemins d’Arménie »
[18] Extrait de « Ouvrez-moi seulement les chemins
d’Arménie », op.
cit., p. 93 à 1OO. On peut lire le commentaire de
ce manuscrit - qui ne m’a été possible que 23 ans après
sa première publication - dans L’intraduisible,
Deuil, mémoire, transmission, Dunod/ Psychismes, 2005,
dont il constitue le point central.
[19] René Kaës, Ruptures catastrophiques et travail de la mémoire
in Violence d’État et psychanalyse, Dunod, 1989.
p. 178.
[20] Sur cette question, on peut consulter entre autres :
Yves Ternon, Les Arméniens, histoire d’un génocide,
Points Histoire, Seuil, 1996; Leslie A. Davis, La Province
de la mort, Archives américaines concernant le génocide
des Arméniens (1915), Éd. Complexe, 1994; Revue d’histoire
de la Shoah, n°177-178, 2003 (dossier coordonné
par G. Bensoussan, C. Mouradian, Y. Ternon): Ailleurs,
hier, autrement : Connaissance et reconnaissance du
génocide des Arméniens ;Raymond Kévorkian, Le
génocide des Arméniens, Odile Jacob/Histoire, 2006.
[21] Cf. ««Faute de parler ma langue/ L’arménien qui me parle,
que je ne parle pas » in « Ouvrez-moi
seulement les chemins d’Arménie », op. cit,
p. 147:« Arménienne
de France, j’avais dû en 1938, comme tant d’enfants de
déracinés de nos jours, avec mes quatre ans, mes nattes
rousses tressées par maman et mes yeux noirs aux aguets,
émissaires du père, franchir le seuil de l’école maternelle,
7 rue de la jussienne, comme on peut bien à cet âge affronter
un pays étranger, menaçant, dont on comprend seulement
qu’il est l’unique territoire des jours à venir. Les sombres
forêts où sont abandonnées les petites filles des contes
débouchent parfois sur de jolies clairières: j’y trouvai
ces fées bienveillantes quoique trop assurées, mes institutrices,
et devins peu à peu celle qui ne put traduire aux siens,
en arménien, aucun de ces affects déchirants ou radieux
qui initient au monde, aucun travail de la pensée, aucune
évasion de l‘imaginaire ».
[22] Au sens défini par Winnicott, cf. « Psychose et soins
maternels », in De la pédiatrie à la psychanalyse,
Payot, 1969.
[23] « L’école
de la République, jadis “mère adoptive” pour les sinistrés,
l’est-elle encore? », in Les Temps Modernes,
615-616/sept.- oct.-nov. 2001.
[24] Par ex.: au-delà des témoignages d’Arméniens: Michael Arlen,
Martin Melkonian, Nigoghos Sarafian, ceux d’Andromaque
chez Racine, d’Annie Ernaux, Eva Thomas, Semprun, Améry,
Camus, Pachet, Handke, Ruth Klüger, Aharon Appelfeld. (in« Ouvrez-moi
seulement les chemins d’Arménie », op. cit.; La
Survivance / Traduire le trauma collectif, Préface
de Pierre Fédida, Postface de René Kaës, Dunod / Inconscient
et Culture, 2000, 2003); L’Intraduisible, op. cit.; Actes
du colloque Cerisy 2006 sur l’exil - à paraître)
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