Étant donné qu'entre le moment
où s'est tenu ce colloque et celui de sa publication,
le 11 septembre a fait irruption dans le champ des conflits
sanglants du monde et de nos représentations, il me
semble nécessaire de situer de nouveau la thématique
de cet exposé qui tentait de montrer les liens existant
éventuellement entre un acte " terroriste "
et un certain type d'écriture qui le serait à
sa façon. Il évoque en effet le caractère
transgressif, pour ne pas dire " terroriste " d'une
écriture qui vise à inscrire dans l'Histoire
du monde ceux qui ont été effacés de
leur propre histoire et remet, dans le circuit psychisant,
symboligène, libidinalisant des mots, l'impact sur
les individus d'une violence collective explosive, transmise
dans leur filiation.
Au cas où l'on ne pourrait plus,
face aux menaces actuelles des intégrismes incontrolables,
penser la métabolisation par l'écriture comme,
entre autres, une forme d'évacuation et sublimation
de la violence, au cas où cette issue serait désormais
devenue caduque, les fondements mêmes de notre civilisation
s'en trouveraient alors anéantis. Dans l'incapacité
de témoigner, pour ma part, d'une démarche
plus adaptée à ce que nous réserverait
l'avenir, je soumets donc la présente réflexion à
la question de savoir si l'humanité peut encore exister
quand la violence n'est précisément plus sublimable?
Le travail d'élaboration et d'écriture
que doit effectuer un descendant de survivants s'il cherche
à inscrire le trauma de ses ascendants, montre en
quoi psychiser et historiciser celui-ci, le transmuer en événement advenant,
dans l'après-coup, à lui-même et donc
aux autres, constitue une démarche violente et doublement
transgressive. Pour appréhender le caractère
transgressif de ce cas de figure on peut le rapprocher -
avec quelque inconvenance il est vrai! - d'autres situations
traumatiques portées fréquemment aux cabinets
des psychanalystes: Si, pour un enfant, il y a honte et transgression à avouer
le secret de pratiques incestueuses dont il est victime au
sein de sa famille, il en va pour lui tout autant à porter
au grand jour la réduction à l'impuissance
de ses figures paternelles; comme si, pour l'enfant témoin
et ses auditeurs, il était finalement tout aussi insoutenable
de dévoiler l'obscénité du sexe violeur
des proches censés le protéger, que celle de
leur sexe désaffecté, châtré.
Cette hypothèse m'a été
suggérée par la nécessité d'une
double transgression dans mon propre parcours qui, par la
suite et à la faveur d'un " déplacement "
salutaire, m'a amenée à investir par l'écriture
la réception et la transmission d'autres héritages
scandaleux de l'Histoire. Envisageant mon cas personnel comme
un simple exemple clinique qui permet de considérer
le trajet menant des violences et transgressions politiques à
la douleur de leurs inscripti ons psychiques et textuelles,
je n'hésiterai pas à l'exposer ici (1):
C'est en effet la violence d'un acte terroriste
dans le champ politique parisien (la prise d'otages au consulat
de Turquie en sept. 1981) qui inaugura pour moi, par ses
effets d'après coup, l'investissement d'une configuration
particulière d'" écriture de soi " où le " soi "
d'un survivant, interdit à jamais de séjour,
ne peut toutefois advenir, s'écrire et témoigner
de l'avortement de son destin singulier que sous le couvert
et par le truchement d'une écriture transférée
à son descendant. Cette écriture à rebours
des générations constitue exactement la réciproque
de celle que l'écrivain Imre Kertesz, survivant à
Auschwitz, assigne, pour les mêmes raisons, à la
sienne. Son roman, Être sans destin, cherche en effet
à restituer non pas un " soi ",
mais au contraire l'impossibilité du " soi ": " Je...
me suis... interressé... à l'absence de destin (2) de
mon "héros"... Comment est-ce quand on est
déterminé
de l'extérieur, quand on se voit assigné un
destin? J'ai donc essayé d'écrire une histoire
négative du développement, montrant non comment
on devient ce qu'on est, mais comment on devient ce qu'on
n'est pas. Et dans ce projet, la question n'a pas été pour
moi celle d'un destin individuel, mais celle de l'absence
de destin comme condition de masse (3)".
La préfiguration d'une telle condition pouvait déjà se
lire sous la plume de l'écrivain Hagop Ochagan évoquant
les cohortes de déportés arméniens dans
les déserts, lors du génocide de 1915: " Une
masse qui remue devant nous, sans corps, sans nom... déchiquetée,
vieillie, chassée de son centre, de son pays, de sa
religion ",
" La catastrophe est infinie, mais étrangement
uniforme (4)".
Ceux qui finissent par survivre à de
tels événements dépouillant les êtres
de toute identité singulière en sont évidemment
réduits à se protéger plus ou moins
dans ce contenant que leur offre le silence de leurs morts.
Leurs descendants par contre se voient nécessairement
contraints au destin de devoir être leur porte-parole,
le traducteur en somme de ces " vibrations " ancestrales
que sait nous rappeler Michelet: " Les âmes
de nos pères vibrent encore en nous pour des douleurs
oubliées, à
peu près comme le blessé souffre à la
main qu'il n'a plus (5) ".
Avant d'examiner le statut d'un tel type d'écriture
par délégation où il s'agit d'offir,
aux " âmes " du passé, de
quoi abriter leurs " douleurs " à
ne pas " oublier ", je partirai d'une " écriture
de soi ", simple messagère d'une autre,
où, afin de présenter un manuscrit paternel
je rapporte les effets de cet acte terroriste qui a marqué le
départ de mon intérêt pour l'écriture,
différée d'une génération, d'un "soi" précisément
en défaut:
J'avais dû prendre, seule et dans
une
épouvantable angoisse, la décision d'une double
transgression en publiant le Journal de déportation
de mon père, d'abord en 1982 dans les Temps modernes,
puis en 1990 dans un recueil (6) qui,
en tant que linceul inhumant ce corps hétérogène
en souffrance, le désignait ainsi comme noyau et référence
de son environnement textuel. Pour une fille, élevée
de surcroît sous le poids des traditions orientales,
cet acte représentait une transgression du respect
filial dû aux corps des ancêtres assassinés
dans le silence du monde, mais une transgression aussi vis à
vis de l'ordre public, puisque j'affichais par là mon
entière approbation à un acte terroriste qui,
me semblait-il, aurait secrètement réjoui mon
père s'il avait été encore en vie. L'inversion,
que j'opérais dans le titre à donner à
cette publication: " Terrorisme d'un génocide ",
reliait la violence de mon acte à celle qui l'avait
induite et j'écrivais:
" Le Journal que mon père
rédigea probablement peu après son arrivée
en France en 1921, relate des événements qu'il
a vécus de sa quatorzième à sa vingtième
année. De son vivant je connaissais l'existence de
ce document sans avoir jamais voulu le voir. Il était
irrecevable, je n'osais l'approcher, comme si cette bombe
avait pu exploser entre mes mains. C'est seulement huit ans
après sa mort, en 1978, que je me sentis en mesure
de l'affronter et le fis traduire [...] Je retrouve dans
ces pages une partie des récits qui ont peuplé mon
enfance et celle de tous les Arméniens de mon âge [...]
Je n'ai pu affronter la honte de devoir assumer cette publication
[...] qu'après l'effraction violente, par le premier
acte "terroriste"... spectaculaire, du silence
de l'opinion publique sur le génocide des Arméniens
[...] Sans la détermination désespérée
que des Arméniens vivants osaient scandaleusement
proclamer, j'aurais ressenti ma démarche comme une
profanation des morts. Qu'en est-il d'une parole qui ne peut
s'inaugurer que d'une violence? Si un champ symbolique ne
s'ouvre que par un
"terrorisme", c'est donc que les "terroristes" qui
se sacrifient afin que les autres pensent, ressentent dans
leur propre corps la terreur qui a précisément
englouti la pensée des autres en même temps
que la dignité de leurs pères (7)".
C'est peu à peu que je pris alors
conscience de ce qui, sans doute, déterminait mes
propres tentatives d'écriture: Comme ce Journal traumatique
et néanmoins fondateur constituait un corpus intouchable
exposant le corps traqué d'un père-adolescent,
il me fallait nécessairement en déplacer et
médiatiser la lecture. Il s'instituait,
à mon insu, en paradigme d'une réception d'autres
figures parentales non advenues à leur propre parole,
telles que les convoquent certains textes, entre autres,
de Michael Arlen, Martin Melkonian, Eva Thomas, Annie Ernaux,
Albert Camus, Pierre Pachet, Peter Handke (8).
L'arrière-fond historique de mon cas personnel n'étant
bien sûr à prendre qu'à titre d'exemple
pour les situations semblables relevant d'autres histoires
catastrophiques, le témoignage de différents
descendants-scripteurs induisait en moi la même injonction à mettre
en mots leur réception douloureuse, afin d'abolir
l'acuité
d'une lecture trop à vif, afin de réduire par
la répétition l'emprise du texte primordial
interdit, lui, de tout commentaire.
En écho à l'événement
moteur doublement transgressif de ma démarche - la
violence d'un acte terroriste induisant celle d'une écriture
- j'aimerais interroger cette violence, à l'oeuvre
dans le champ transférentiel de la lecture/écriture,
qui donne à lire, dans le texte de l'autre, ce qui
en
était forclos ou encore qui tente de symboliser par
le travail d'inscription de l'écrivain-héritier
le
" non advenu à soi " de ses parents
ou de sa famille d'appartenance. Il faut bien sûr préciser
ici qu'il n'est nul besoin, de nos jours, d'invoquer une
quelconque
" appartenance " à une extermination
donnée pour se sentir impliqué dans tel ou
tel héritage des détresses anonymes de notre
vingtième siècle. La psychanalyse nous apprend,
comme le rappelle Kaës, que
" rien ne peut être aboli qui n'apparaisse,
quelques générations après [...] comme
signe même de ce qui n'a pu être transmis dans
l'ordre symbolique [...] La lettre parvient toujours à son
destinataire même s'il n'a pas été constitué comme
tel par le destinateur: la trace suit son chemin à travers
les autres jusqu'à ce qu'un destinataire se reconnaisse
comme tel (9). " De plus,
tout contemporain, qui ne cherche pas à fuir dans
le déni, professera avec Dionys Mascolo retrouvant
son ami Antelme au retour des camps : " Il nous était
impossible, après ce qui s'était dit, ce qui
s'était su là, de recommencer à vivre
de la vie d'avant [...] sauf à
recourir à la dénégation. Le seul désaveu
[...] d'une humanité capable de donner lieu à
CELA eût été le suicide (10)".
L'intervention de Jean Hatzfeld (11),
qui va suivre, prouve du reste la dérision des appartenances
pour qui reconnaît à cet héritage meurtrier
de notre Occident une suprématie accablante.
Peut-il y avoir aujourd'hui une " écriture
de soi " qui n'inclut pas le risque (12) de
témoigner pour ceux, dont le "soi" a été
englouti avant de se constituer et qui, écrasés
par l'inconcevable de ce qu'ils ont néanmoins traversé,
peuvent certes raconter ce qui est arrivé,
mais non exprimer ce qui leur est arrivé à eux?
Moyennant quoi, il faut également s'accommoder de
la paradoxalité d'un tel héritage qui veut
que tout témoignage de survivant ou descendant de
survivant ne peut qu'utiliser précisément la
langue d'une culture qui a laissé s'accomplir, délibérément
ou dans l'impuissance, la destruction dont il veut, en un
retour scandaleux, témoigner; culture dont le témoin
lui-même partage évidemment les privilèges
dès lors qu'il accède aux moyens d'une pensée
qui peut se dire et s'écrire. Toute accession à
la parole se manifeste essentiellement par la capacité
à énoncer le désastre d'en avoir été
privé. Cet acte d'énonciation répète
paradoxalement la douleur de cette privation, alors même
qu'il cherche à inscrire - au sein du langage acquis
en dépit et au delà du désastre - l'effondrement
qui présida à la naissance du scripteur. Entre
la terreur du meurtre et l'affranchissement hors de son emprise
il faut donc que se creuse, la plupart du temps dans les
générations suivantes, l'interstice d'une fonction
symbolisante: la capacité
à nommer CELA, à dé-porter l'effraction
traumatique de l'histoire dans le champ de la représentation,
dans le registre des mots. Performance linguistique, compétence
psychique, effets historico/politiques relèvent d'une
même émergence.
Cette priorité s'est exprimée
dès les dévastations de la Grande Guerre. Elle
s'imposa à Albert Camus, orphelin d'un père " mort
pour la patrie " et unique soutien d'une mère
profondément indigente et analphabète. Né d'une " famille,
qui ne savait même pas lire (13)",
il se proposait, par son roman autobiographique, d'" arracher
cette famille pauvre, au destin des pauvres qui est de disparaître
de l'histoire sans laisser de traces. Les muets. (14) ".
Lors de la réception du prix Nobel il assigna aux
écrivains cette tâche impérieuse: " Nous
autres écrivains du vingtième siècle
[...] devons savoir [...] que notre seule justification [...]
est de parler, dans la mesure de nos moyens, pour ceux qui
ne peuvent le faire (15)".
Celui qui écrit en héritier
d'un
" soi " effondré dans la continuité
générationnelle de sa famille ou de son univers
historico-politique par exterminations, persécutions
politiques, oppressions économique ou coloniale, est
donc mis en demeure, afin de se situer et se constituer lui-même,
de symboliser par son écriture et d'inscrire dans
son corps social cette rupture violente qu'agit répétitivement
la lacune d'un " soi " en dette, trouant
l'histoire de son patrimoine culturel. Dans un des passages
- pourtant relativement supportable - de Si c'est un homme,
Primo Lévi écrit: " Il est indéniable
qu'un homme épuisé, nu ou sans chaussures,
pense et sent différemment (16)".
C'est cet homme, rendu irréversiblement " différent
" de nous qui en sommes pourtant les héritiers,
que, s'il a survécu, l'écrivain-légataire
porte encrypté en lui, faute de pouvoir s'identifier à
lui. Aussi est-il condamné, non pas à le réparer
- cela est désormais impossible - mais à le
remettre dans la circulation mémorielle du monde,
tel quel, c'est
à dire en tant que défiant notre impuissance
même
à comprendre son mode de " penser et de
sentir ". Ce passeur d'un " non-soi " incorporé mais
inassimilable a pour seul mérite de transmettre quelque
peu la violence d'une mutation dans l'héritage psychique
des êtres, celle qui leur fait porter, enclavés
en eux, des ascendants aux expériences, non pas " indicibles ",
mais inhabitables.
Au départ de l'histoire générationnelle
de l'écrivain ou de celle de son affiliation historique
il y a ce " drame catastrophique, [qui] reste...
en défaut d'énoncé et d'abord de représentation,
parce que les lieux et les fonctions psychiques et transsubjectives
où il pourrait se constituer et se signifier ont été
abolis; leur disparition est en soi un surplus traumatique (17)".
La métabolisation du matériau psychique en
souffrance que l'écriture dépositaire va alors
opérer peut se concevoir selon deux axes:
Le premier axe se déploie dans la
dimension temporelle de la vie psychique transgénérationelle.
J'en relèverai ici rapidement quelques aspects pour
les avoir déjà étudiés ailleurs (18):
* Pour l'écrivant-témoignant,
l'écriture de soi passe par l'inscription de l'autre
resté muet, dont il se déclare assumer l'héritage:
" La parole de mon père mort demandait à
parler par moi, écrit Pierre Pachet, comme elle n'avait
jamais parlé, au-delà de nos deux forces réunies.
Elle me niait, me demandait mon aide pour se consacrer à
elle-même [...] (19)".
* Cette inscription après-coup de
la rupture historique et culturelle dans son ascendance,
lui permet de s'inscrire, doté d'une place spécifique,
dans la continuité des générations et
de son héritage. L'expertise du sinistre fait de cet écrivain-greffier,
père des mots, un héritier bénéficiaire
des choses: " J'avais cette voix en tête.
J'ai cru et voulu l'avoir. Je me suis accroché à cette
illusion pour la transformer en projet... J'ai voulu être
l'héritier (20)" .
* Ce procès verbal des vécus
traumatiques parentaux en attente de psychisation extrait
l'héritier-transcripteur d'une collusion mélancolique
avec une origine non advenue
à l'existence et à la parole. Il l'en dissocie,
le différencie d'elle et en dégage pour lui,
hors de la proximité incestuelle, une histoire désormais
à " soi ": " J'ai voulu
[...], déclare Pachet, non seulement donner mythologiquement
naissance à
mon père en le faisant sortir de mon cerveau et de
ma voix mentale, mais me donner une voix d'écrivain à
ses dépens [...] Ce faisant je m'engendrais au moins
virtuellement comme écrivain [...] (21)".
Dans le cas emblématique de cette Autobiographie de
mon père, la mise en oeuvre de la fusion-défusion
du lien filial recourt à la fiction d'une délégation
grâce à laquelle l'auteur du récit Pierre
Pachet, prête son pouvoir d'énonciation à
l'auteur de ses jours, Simkha Apatchevsky.
* Les procédures de cette dissociation
qui réinsère l'héritier dans une généalogie
symboliquement restaurée créent, de ce fait,
trois types d'innovation: elles instaurent un autre espace
temps pour le trauma, une médiation entre l'objet
traumatisant et les générations persécutées,
une relation triangulaire entre soi, les ascendants et le
monde: Devenant le scribe des mutiques qu'il porte en lui
l'héritier
écrivain raconte leur histoire et, ce faisant, l'Histoire
du monde qui les a rendus muets: " Il y avait un
mystère chez cet homme [...] Mais finalement il n'y
avait que le mystère de la pauvreté qui fait
les êtres sans nom et sans passé, qui les fait
rentrer dans l'immense cohue des morts sans nom [...] sur
la terre de l'oubli (22)". Il introduit
une instance tierce, manquante au départ de sa propre
naissance, non seulement entre lui et son parent, mais aussi
entre le scandale de sa vie et le monde.
Le second axe selon lequel l'écriture
dépositaire effectue une métabolisation du
matériau traumatique parental se déploie en
quelque sorte dans la dimension spatiale interpsychique.
Le " non advenu à
soi " des survivants qui pourtant ont enfanté induit,
pour reprendre les termes de René Kaës, " la
nécessité de transférer-transmettre
dans un autre appareil psychique ce qui ne peut être
maintenu et hébergé chez le sujet lui-même (23)". Mis
au service de cet hébergement, l'écrivain postulant
à l'héritage se propose de combler la lacune
d'une parole absente dans les relations de parenté.
Il s'institue ainsi parent de ses ascendants ou encore il
leur propose, à
rebours des générations, ces éléments alpha de
la fonction maternelle de transformation selon Bion (24),
afin de convertir les éléments persécutifs béta,
jamais recueillis dans le lieu et le temps de leur survie
sourdement menacée. N'ayant pas eu de parents répondants
pour lui - puisqu'eux-mêmes n'en ont pas eus, tout
comme ils n'ont pas eu d'enfance - il leur fait don, par
son écriture, et ce pour sa propre subjectivation
en retour, d'une parentalité psychique susceptible
de recréer les illusions protectrices d'une enfance
manquante, chez eux tout comme chez lui.
En analogie au rôle contre-transférentiel
de l'analyste (25), décrit par
Claude Janin pour les " cures anti-traumatiques ",
l'écrivain témoin des " non advenus à eux-mêmes
" met à leur disposition un espace transitionnel
de médiation en leur prêtant la prothèse,
pour ainsi dire, de son propre appareil psychique qui, lui,
aura pu se fortifier d'identifications nourricières
dans le camp et le temps historiques des nantis du langage.
Sa voix devient celle d'un récitant (26) dont
la présence rétablit une continuité
historique nonobstant l'inacceptable. Si les survivants restent,
en effet, souvent rivés au retrait autistique ou à
l'hyper-réalité du ressassement et de la pensée
opératoire c'est que la violence d'une réalité
hors sens a rompu chez eux la continuité transitionnelle
entre la réalité factuelle et la réalité
psychique.
Seul cet autre-familier qu'est leur héritier,
peut alors apporter, avec l'enveloppe de son écrit,
un contenant psychique aux faits qu'ils ont vécus.
De même que la pensée d'un " objet à sauver (27)"
soutient les opprimés dans l'abjection, de même
c'est ici le "holding (28)" de
l'écriture, substitut d'un holding absent en son temps,
qui interpose après-coup un biface remettant en tension
la réalité matérielle et la réalité psychique.
Il " retransitionnalise "
la parole d'" un soi " dénué d'assignataire,
l'historicise par cet avènement dans l'ordre métaphorique
du discours.
L'écriture du descendant représente
ainsi un processus de liaison et de conversion des faits,
naguère inassimilables pour les siens, en événements
historiques advenant à quelqu'un, c'est à dire
à lui et aux autres. La partition réalité
matérielle/réalité psychique et le déni
de l'un des deux pans du clivage, théorisé par
Ferenczi (29) en tant qu'" autotomie ",
se voient ainsi annulés. Alors que les récits
des survivants, incapables d'assumer la réalité
psychique de ce qu'ils racontent, restituent la seule réalité
matérielle des faits, le traducteur du "non soi",
défiant une conception "positiviste" de
l'Histoire, opère la secrète violence de les
insérer dans un "soi", sa subjectivité et,
partant, celle de ses lecteurs. Pour retrouver notre point
initial, on pourrait dire qu'il se livre
à la tâche non seulement restitutrice mais avant
tout créatrice, que Michelet assignait à l'historien:
"entendre les mots qui ne furent dits jamais, qui restèrent
au fond des coeurs (fouillez le vôtre, ils y sont);
[...] faire parler les silences de l'histoire, ces terribles
points d'orgue, où elle ne dit plus rien et qui sont
justement ses accents les plus tragiques (30)".
Discussion
Anne Roche: Pour amorcer la discussion,
je voudrais lancer une ou deux remarques. Vous avez dit que
le descendant, le survivant, se faisait en somme, le scribe
des mutiques qu'il porte en lui. Ce qui me frappe, c'est
que les exemples que vous avez donnés, en partant
d'Antelme et de Mascolo, en continuant par une allusion au
génocide rwandais et ensuite à Pachet ou Camus
dans le désordre, me font penser à des analyses
que vous avez consacrées
à Annie Ernaux où, justement, on voit qu'un
désastre
économique, un désastre social, l'enfoncement
dans un destin de pauvre peut constituer le même type
de trauma et, chez la survivante, le même sentiment
de trahison à avoir survécu et à avoir
réussi
à dire quelque chose.
Janine Altounian: Oui, et d'ailleurs
quand on me fait cette remarque, je dis toujours que, précisément,
il n'y a absolument pas trahison mais fidélité.
Et fidélité subversive, parce qu'il s'agit
de mettre dans le langage des nantis du langage un désastre
qui n'a pu se dire.
Par rapport à cela, je pense qu'il
y a une similitude entre les cas dits d'histoire collective
ou catastrophique et ceux de pauvreté où il
n'y a jamais pu y avoir de subjectivation. Par exemple, pour
prendre le cas de Camus, son père est mort à la
guerre, mais sa mère - et le passage que Carine Trévisan
nous a cité était particulièrement émouvant
- était une personne totalement analphabète,
ne connaissant rien du monde.
Public: Vouz employez, au début
de votre exposé, le mot de " transgression "
dans votre décision de publier le manuscrit de votre
père. Pourriez-vous creuser cette notion de transgression
parce que n'y a-t-il pas aussi, au contraire, une autre face
qui consiste en un devoir, une obligation de faire exister
des gens qui n'ont pas pu exister? Par ailleurs, il a été
souvent question d'écriture, mais parle-t-on d'écriture
ou de publication? Je suis très content de constater
que la tranche chronologique dont vous parliez - c'est un
manuscrit rédigé dans les années 1920,
avez-vous dit -, n'a été publié - c'est
très important - qu'en 1978, donc avec cinquante huit
ans d'écart...
Janine Altounian: En 1982, à
la faveur d'un acte politique.
Public: C'est ce qui a été
l'élément déclencheur, comme vous l'avez
expliqué. Ma question est double: pourriez-vous préciser
d'une part cette idée de transgression que j'avoue
mal comprendre parce qu'à l'inverse il était
question, ce matin, du devoir des descendants par rapport à leurs
ascendants? Où est donc le devoir, où est la
transgression? Et, d'autre part, pourriez-vous préciser
cette grande différence qu'il y a entre écriture
et publication? On sait très bien que l'écrit, à travers
la machine éditoriale, passe par beaucoup de filtres,
de comités de lecture, etc., et que beaucoup d'écrits
peuvent rester privés et ne jamais être publiés.
Le fait qu'ils soient publiés ou non publiés
est représentatif des représentations mentales
du monde éditorial.
Janine Altounian: Je vous remercie
pour vos deux questions parce que, précisément,
elles se rejoignent. D'abord, j'avais, dans un premier temps,
fait traduire ce texte et je ne savais pas que je le publierai.
J'avais peur de le publier. Évidemment, c'est une
transgression de porter au monde, sur le champ public, la
souffrance et l'humiliation des parents. Ça l'est
peut-être d'une autre façon pour une fille que
pour un garçon. Mais il y a effectivement transgression,
parce que, comme on l'a souvent dit, les survivants ne parlent
pas beaucoup de ce qu'ils ont vécu, précisément
pour ne pas s'exposer à un redoublement du déni.
L'enfant a toujours compris cela. Il a compris qu'il fallait
respecter le silence des parents.
Donc, la transgression se situe à ce
niveau et, justement, ce qui a transformé la transgression
en devoir - ou je dirais que le problème de la transgression
ne devenait qu'un problème personnel, mais le devoir
était là -, c'est quand il y a eu l'ouverture,
l'effraction, la déchirure dans le champ politique
d'un acte de terrorisme. C'était le premier attentat
spectaculaire
à Paris en 1981. À ce moment-là, je
n'ai pas hésité deux secondes à transgresser
et je me suis dit qu'il fallait le publier.
J'ai demandé conseil à Krikor
Beledian, qui est dans la salle et qui l'avait traduit. Je
lui ai demandé de l'annoter et je l'ai porté aux Temps
Modernes. Il n'a été publié, rendu
public, que parce que cet événement était
un événement d'actualité. À ce
moment-là, je m'étayais sur l'histoire du monde
où je vivais, Paris, pour trouver là une justification à apporter
mon histoire personnelle. De même que, à la
limite, aujourd'hui, je m'étaye sur le sujet que j'ai
choisi de traiter pour oser l'introduire par un fait personnel.
Mais
évidemment, écrire et publier sont deux démarches
différentes. Oui, il y a un hiatus. Il faut que l'inscription
dans le monde existe déjà, me semble-t-il.
Public: Et quel est le rapport de
tout cela avec la créativité, avec la possibilité
même d'écrire, l'advenue à l'écriture,
comme si la mort elle-même, transmise, permettait justement
la créativité? Que pensez-vous de cela? Il
faudrait que je développe moi-même d'avantage...
Janine Altounian: Je poserais les
différents
éléments de votre question dans un autre ordre
hiérarchique parce que je n'y ai pas fait allusion
mais
évidemment, cette écriture a été,
chez moi, accompagnée d'un travail analytique. C'est
à dire qu'il y a au départ, habitation par
un héritage mortifère dont on ne peut s'extraire
- pour mon cas personnel en tout cas - que par le travail
analytique et, à ce moment-là, l'écriture
devient une contrainte, c'est à dire qu'elle devient
une démarche accompagnatrice du travail analytique
pour pouvoir se dissocier de cette affaire. Donc, ce n'est
pas la mort qui rendrait possible l'écriture; mais
un certain type d'habitation par la mort, qui, accompagné d'un
travail psychique, s'il peut se faire, oblige à écrire.
Je pense que chaque cas est singulier.
Régine Waintreter: Janine
Altounian a souligné, comme d'habitude avec beaucoup
de pertinence, quelque chose qui me paraît très
important, qui est la violence qui préside à la
prise de parole ou à l'écriture de soi et le
besoin d'étayage sur ce que Lejeune appelle " l'horizon
d'attente ". Il dit: " Il a fallu quelque
chose ", de cette façon violente et terroriste
de l'acte qui a présidé
à cette transgression. Je crois qu'on n'insiste pas
assez sur l'aspect transgressif des recueils de témoignages,
sur l'aspect transgressif de la prise de parole, de la transmission,
et sur l'aspect violent qui préside à cela,
ne serait-ce parce que cela vient témoigner d'une
violence, de la violence qu'on va se faire à soi,
qu'on va faire aux autres, justement autour de ce devoir
de mémoire.
Ce que j'entends de très fort de
ce qu'a développé Janine Altounian, c'est cette
idée que pour pouvoir transmettre cette violence,
il va falloir se faire violence à soi, peut-être
aux témoins aussi. Dans les recueils de témoignages
audiovisuels il y a cet aspect de violence nécessaire
qu'on voit très bien dans le film Shoah. Et
chez vous aussi quand vous parlez de cet événement
personnel inaugural, mais qui inscrit aussi quelque chose
de l'horizon d'attente collectif, qui a permis peut-être
que vous passiez à cette publication filiale et que
vous passiez outre la piété
filiale pour vous inscrire dans une piété filiale
violente.
Janine Altounian: Pour retourner
le compliment, je dirais - puisque l'intervention vient de
Régine Waintreter -, que j'aime la notion de risque
du témoin, du risque que prends le témoin,
que vous développez dans vos écrits.
Je n'ai pas dit au monsieur qui m'a interrogée
sur la transgression et la violence: " Mais oui,
c'est très transgressif de déranger ses voisins
de palier, ses collègues de bureau, ses collègues
de traduction, ses collègues psychanalystes en disant: " Vous
savez, moi, mes parents... " " Ce n'est pas
facile, ça dérange, c'est très embêtant.
Par ailleurs, je pense que ce qui m'a aidée
à faire cette transgression - ça peut intéresser
les psychanalystes présents-, c'est que lorsque j'ai
assisté au meeting qui faisait suite à cet
acte terroriste, je me suis dit que mon père aurait été
content. Je crois que c'est quelque chose du lien libidinal
au père qui a déclenché en moi le courage
de transgresser. Mais il est incontestable que ça
a été
fait à la faveur du fait historique, du fait politique
de cette déchirure.
-
Les deux paragraphes précédents
sont extraits de "Quand l'écriture de soi passe
violemment par l'inscription de l'ascendant resté muet",
version différente de ce travail, publié dans Psychiatrie
Française, Écritures (4/01, fév.
2002).
-
KERTÉSZ (Imre), Être
sans destin (écrit dans les années
soixante, paru en allemand en 1996), traduit du hongrois,
par C. et N. Zaremba, Paris /Arles, éditions Actes
Sud, 1998.
-
" Le vingtième
siècle est une machine à liquider permanente ",
Entretien d'Imre Kertész avec Gerhard Moser (traduit
de l'allemand par Bernard Franco) dans Parler des
camps, penser les génocides, textes réunis
par Catherine Coquio, Paris, Albin Michel, 1999, p. 90.
-
OCHAGAN (Hagop), " La
littérature arménienne " in Méhian (Temple),
Revue arménienne de littérature et d'art, Constantinople, n° 3
et À
l'ombre des Cèdres, (1932), Antélias
1984, cité par Krikor Beledian dans " La
catastrophe et l'expérience des limites du langage
dans la littérature de langue arménienne ",
dans Parler des camps, penser les génocides, op.
cit., p. 363 et 367. Ochagan, romancier et critique
littéraire est né en 1882 à Seuleuze
(Empire Ottoman), après avoir échappé à la
Catastrophe a vécu
à Chypre et Jérusalem. Il est mort en 1948 à
Alep. Ses ouvrages non traduits traitent, entre autres
de la condition des survivants à la Catastrophe
et de la littérature en diaspora.
-
MICHELET (Jules), L'histoire
de France au Moyen Âge, livre VI, chapitre
III.
-
ALTOUNIAN (Janine), " Ouvrez-moi
seulement les chemins d'Arménie "/ Un
génocide aux déserts de l'inconscient (préface:
R. Kaës), Paris, Les Belles Lettres / Confluents
psychanalytiques, 1990.
-
Introduction à " Terrorisme
d'un génocide " (traduction, notes et
postface de Krikor Beledian, écrivain de langue
arménienne, maître de Conférences à l'Institut
des langues et civilisations orientales, professeur à la
faculté théologique de Lyon), première
publication en février 1982 aux Temps Modernes,
repris dans Janine Altounian, " Ouvrez-moi seulement
les chemins d'Arménie ", op. cit.,
p. 81-83.
Voici quelques extraits du Journal " Tout ce
que j'ai enduré des années 1915 à 1919 "
de Vahram Altounian qui débute ainsi: " Nous
sommes partis de Boursa sur un chariot tiré par
un boeuf et nous sommes arrivés à Alayout
[...] Nous avons mis dix jours. Là nous avons monté notre
tente [... ] Quand nous sommes arrivés à Antarin,
nous étions harcelés d'un coté par
la faim, de l'autre par les saletés. Les chiens
déchiquetaient les morts, personne ne les enterrait.
Tout alentour sentait mauvais [...] Là nous avons
constaté que les gens mangeaient des sauterelles.
Des mourants, des morts partout [...] Mon père était
très malade [...] bientôt il n'y a plus eu
de sauterelles, car tout le monde en avait mangé.
Et la déportation n'en finissait pas [...] Ma mère
a dit: " Notre malade est très gravement
atteint et partira la prochaine fois [...] " Vous
osez parler? " a dit un gendarme et il a frappé à la
tête de mon père. Ma mère suppliait...
qu'on la frappe, elle, et qu'on laisse mon père.
Sur ce, le gendarme a frappé ma mère [...]
le jour de la mort de mon père, ils ont de nouveau
déporté. Ils frappaient notre mère.
Nous deux frères, nous pleurions. Nous ne pouvions
rien faire, car ils étaient comme une meute de chiens
[...] Ma mère: "Nous partirons quand nous aurons
enterré
le mort ". Ils répliquaient: " Non vous
ferez comme les autres" Les autres [...] abandonnaient
les morts et la nuit les chacals les dévoraient
[...] J'ai pris un flacon de 75 dirhem, je l'ai rempli
d'huile de rose et je suis allé voir le chef des
gendarmes de la déportation [...] Je lui ai donné le
flacon qu'il a accepté. Nous sommes restés
encore un jour. Nous avons creusé
une fosse et nous avons payé cinq piastres au curé.
Ainsi nous avons enterré mon père ".
-
Voir dans " Ouvrez-moi
seulement les chemins d'Arménie ", op.
cit. et la seconde partie de La Survivance / Traduire
le trauma collectif, (pré- et postfaces: P.
Fédida, R. Kaës), Paris, Dunod/Inconscient
et culture, 2000, au-delà des témoignages
d'Arméniens, Michael Arlen (Embarquement pour
l'Ararat), Martin Melkonian (Le Miniaturiste),
du poète Sarafian (Le Bois de Vincennes),
celui d'Eva Thomas (Le Viol du silence), d'Andromaque évoquant
le destin de son fils chez Racine, d'Annie Ernaux (La
Place, Une femme, La honte), Semprun (L'écriture
ou la vie), Améry (Par-delà le crime
et le châtiment), Camus (Le Premier homme),
Pachet (Autobiographie de mon père), Handke
(Le malheur indifférent).
-
Le sujet de l'héritage,
dans Transmission de la vie psychique entre générations, Dunod,
1993, p. 45.
-
MASCOLO (Dionys), Autour
d'un effort de mémoire, Paris, Maurice Nadeau, 1987,
p. 61.
-
HATZFELD (Jean), Dans
le nu de la vie, Récits des marais rwandais,
Paris, Seuil, 2000.
-
Cf. WAINTRETER (Régine),
" Ouvrir les images/ Les dangers du témoignage "
dans Le risque de l'étranger, Soin psychique
et politique, Paris, Dunod, 1999.
-
CAMUS (Albert), L'envers
et l'endroit, Paris, Gallimard, 1958, Préface
p. 15.
-
CAMUS (Albert), Le
Premier Homme, Paris, Gallimard, 1994, p.
293.
-
CAMUS (Albert), discours
de Suède de décembre 1957, lors de la réception
du prix Nobel.
-
LEVI (Primo), Si c'est
un homme, Paris, Julliard, 1987, p. 167.
-
KAËS (René),
Ruptures catastrophiques et travail de la mémoire
in Violence d'État et psychanalyse, Paris,
Dunod, 1989. p. 178
-
Cf. La Survivance,
op. cit., seconde partie, " Écrire pour
inscrire un meurtre muet " notamment: Écrire
la rupture réinstaure l'héritage chez Albert
Camus, Pierre Pachet; Être en dette d'un texte à ceux
qui furent sans " papiers " chez Peter
Handke.
-
PACHET (Pierre), Autobiographie
de mon père, Paris, Autrement, 1994, p. 7.
-
PACHET (Pierre), op.
cit., p. 7.
-
PACHET (Pierre), L'acte
d'émigrer, Les Cahiers d'Antigone à Grambois, juillet
94, p. 82.
-
CAMUS, op. cit.,
p. 178-180.
-
KAËS (René),
Le sujet de l'héritage, op. cit. p. 8.
-
BION (Wilfred R.), Aux
sources de l'expérience, trad. F. Robert,
Paris PUF, 1979.
-
Pour les concepts concernant
la cure comme anti-traumatisme, auxquels se réfère
ce développement, cf. l'ouvrage éclairant
de Claude JANIN, Figures et destins du traumatisme,
Paris, PUF, 1996, en particulier p. 19-24, 89-93.
-
Cf. id., notamment
p. 76: " André Green a, dans une communication
personnelle, suggéré que [...] ce qui fait
que dans l'analyse, l'inacceptable va devenir acceptable,
c'est qu'il y a dans le psychisme un récitant qui
va [...] rétablir une continuité, nommer
l'inacceptable [...] Il faut [...] beaucoup de temps pour
que le récitant, dans le psychisme du patient se
mette à parler: l'analyste alors, a pour fonction,
lorsque ce récitant est indisponible pour la représentation,
d'en être, [...] la doublure. C'est la continuité de
cette voix, proposée par le dispositif analytique,
qui est, constitutionnellement, anti-traumatique ".
-
Cf. AMATI-SAS (Silvia),
Récupérer la honte in Violence d'État
et psychanalyse, op. cit., p. 117.
-
Cf. WINNICOTT (Donald
W.), De la pédiatrie à la psychanalyse, Paris, Payot,
1969.
-
Cf. FERENCZI (Sandor), Journal
clinique, Paris, Payot, 1985, 10 mai, 27 et 30 juillet
1932.
-
MICHELET (Jules), Journal, 30
janvier 1842 (éd. P. Viallaneix, Paris, Flammarion,
t. I, p. 377). Je remercie vivement Carine Trévisan
pour m'avoir communiqué les références
exactes de cette citation à l'occasion d'un échange
sur son ouvrage: Les fables du deuil. La Grande Guerre:
mort et écriture, Paris, PUF/ Perspectives littéraires,
2001.