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La justice rwandaise et les juridictions Gacaca :
le pari du difficile équilibre entre châtiment et pardon.

Par François-Xavier NSANZUWERA, ancien Procureur de la République.

Introduction :

Les organisateurs m'ont demandé de parler de la justice rwandaise et de la Gacaca, précisément des juridictions gacaca. Le sujet est passionnant dans tous les sens du terme. Car les juridictions gacaca sont un pari sur l'avenir du Rwanda, au sens où ces juridictions entreprennent d'épuiser le contentieux du génocide, alors que les chambres spécialisées créées pour juger les auteurs présumés du génocide ont du mal à faire diminuer le nombre de prisonniers toujours vertigineux. Ces juridictions constituent un pari car elles visent également la réconciliation entre les Rwandais.

Le sujet est aussi délicat, car les juridictions gacaca n'ont pas provoqué un consensus autour d'elles dans le public, qu'il soit rwandais ou étranger. Je constate qu'une partie de la diaspora rwandaise a du mal à accepter que Gacaca constitue l'alternative à la justice classique, incapable de juger les auteurs du génocide dans un délai raisonnable.
Pour certains, les juridictions gacaca constituent une sorte d'amnistie déguisée. Ils estiment que les Hutu, toujours majoritaires sur les collines, ne vont pas favoriser l'émergence de la vérité. Pour d'autres, ce sont des juridictions populaires que va contrôler le pouvoir, et qui seront utilisées pour culpabiliser tous les Hutu.
J'interviens quant à moi ici à titre personnel sans engager l'ONG dans laquelle je travaille ou les associations dont je suis membre (1).

Les juridictions gacaca créées par la loi organique du 26 janvier 2001 sont le fruit d'un long cheminement, d'une longue réflexion, de longs débats. Des Rwandais de différentes sensibilités politiques parlent de gacaca depuis 1996 ou même avant. Personnellement, dans un article très critique sur le fonctionnement de la justice intitulé "Justice au Rwanda. Mission Impossible " publié dans le Magazine d'action pour le développement Défis-Sud d'avril 1997, j'écrivais : " Le grand nombre de prévenus du génocide détenus dans les prisons rwandaises devrait inciter à penser une autre alternative " Certains mécanismes de la justice traditionnelle devraient être repensés et appliqués aux personnes n'ayant pas commis de crimes de sang". Quatre ans après, je suis heureux de la création de ces juridictions.

Quels sont, pour le législateur rwandais, les objectifs des juridictions gacaca? Quelles sont les catégories de prévenus justiciables de ces juridictions, et enfin comment les Rwandais voient-ils ces juridictions? Il est clair que les réponses aux deux premières questions se trouvent dans la loi même.

Les objectifs des juridictions gacaca

Le premier objectif de toute loi pénale est la répression des infractions. Comme toute loi pénale, les juridictions gacaca visent le jugement des auteurs du génocide et vont dans le sens de la lutte contre l'impunité, devenue une culture politique au Rwanda.

Mais les juridictions gacaca ont une originalité que nous ne trouvons pas dans les législations pénales ordinaires. Les objectifs spécifiques des juridictions gacaca sont bien précisés dans l'avant-dernier paragraphe du préambule de la loi organique du 26 janvier 2001 créant les juridictions gacaca, et dans les différents articles de cette loi organique. Cet alinéa mérite d'être lu :

"Considérant la nécessité, pour parvenir à la réconciliation nationale et à la justice au Rwanda, d'éradiquer à jamais la culture de l'impunité et d'adopter les dispositions permettant d'assurer les poursuites et le jugement des auteurs et des complices sans viser seulement la simple répression, mais aussi la réhabilitation de la société rwandaise mise en décomposition par les mauvais dirigeants qui ont incité la population à exterminer une partie de cette société".

Il se dégage de ce paragraphe et de l'analyse des différentes dispositions de cette loi organique, que les objectifs des juridictions gacaca peuvent se résumer en trois principales missions ; à savoir : - la recherche de la vérité ; - la récolte d'informations sur chaque accusé et la catégorisation des accusés en termes de responsabilité ; - le jugement des accusés.

A. La recherche de la vérité

La première mission des juridictions gacaca est de faire émerger la vérité de ce qui s'est passé au Rwanda entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994. En effet, la loi stipule que l'Assemblée générale de la juridiction gacaca de "cellule" recueille des informations sur des :
- personnes décédées dans la cellule ;
- des parties civiles de chaque ménage qui résidait dans la cellule et qui a subi un dommage ;
- des personnes ayant participé au génocide dans la cellule.
La deuxième mission des juridictions gacaca est de rassembler le plus grand nombre d'informations sur cette période tragique de l'Histoire du Rwanda et de mettre chaque auteur dans la catégorie qui lui revient.


B. La récolte des informations sur chaque accusé et la catégorisation des accusés

Quid des catégories ? La loi organique créant les juridictions gacaca reprend les catégories de la loi organique du 30 août 1996 sur l'organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l'humanité. Ces catégories sont au nombre de quatre (article 51) :

1ère catégorie :

- les personnes que les actes criminels ou de participation criminelle rangent parmi les planificateurs, les organisateurs, les incitateurs, les superviseurs et les encadreurs du crime de génocide ou de crimes contre l'humanité ;
- les personnes qui, agissant en position d'autorité au niveau national, provincial ou du district, au sein des partis politiques, de l'armée, des confessions religieuses ou des milices, ont commis ces infractions ou encouragé les autres à les commettre ;
- le meurtrier de grand renom qui s'est distingué dans le milieu où il résidait ou partout où il passait, à cause du zèle qui l'a caractérisé dans les tueries ou la méchanceté excessive avec laquelle elles ont été exécutées ;
- la personne qui a commis l'infraction de viol ou les actes de tortures sexuelles.

2ème catégorie :

- la personne que les actes criminels ou de participation criminelle rangent parmi les auteurs, coauteurs ou complices d'homicides volontaires ou d'atteintes graves contre les personnes ayant entraîné la mort.
- La personne qui, dans l'intention de donner la mort, a causé des blessures ou commis d'autres violences graves mais auxquelles les victimes n'ont pas succombé.

3ème catégorie :

- la personne ayant commis des actes criminels ou de participation criminelle la rendant coupable d'autres atteintes graves à la personne sans l'intention de donner la mort.

4ème catégorie :

- la personne ayant commis des infractions contre les biens.

Les juridictions gacaca doivent récolter toutes les informations utiles et nécessaires pour le jugement des accusés. Cette récolte d'informations se fait au niveau de la cellule. Avec ces informations le siège de la juridiction gacaca de cellule classe les accusés dans les quatre catégories citées. La dernière mission des juridictions gacaca est le jugement des auteurs présumés.

C. Le jugement des accusés

Le jugement des auteurs présumés du génocide se passera comme suit devant les juridictions gacaca :

- les juridictions gacaca de cellule connaîtront des prévenus appartenant à la quatrième catégorie, c'est-à-dire les personnes ayant commis des infractions portant sur les biens. Et la loi précise que si l'auteur de ces infractions, à la date d'entrée en vigueur de la loi organique a convenu soit avec la victime soit devant l'autorité publique ou en arbitrage, d'un règlement à l'amiable, il ne peut plus être poursuivi pour les mêmes faits.
- Les juridictions gacaca de secteur connaîtront des jugements des personnes classées dans la troisième catégorie (actes criminels sans intention de donner la mort) ;
- Les juridictions gacaca de district connaîtront des jugements des prévenus classés dans la deuxième catégorie (homicides volontaires, actes criminels visant la mort de la victime même si cette dernière n'est pas morte).

Les auteurs présumés du génocide appartenant à la première catégorie continueront à être justiciables devant les tribunaux de première instance, donc par la justice dite classique.
Je disais au début que les défis des juridictions gacaca sont nombreux. La recherche de la vérité est le plus important. La loi organique créant les juridictions gacaca prévoit une procédure qu'elle estime capable de favoriser la recherche de la vérité et la réconciliation nationale. Il s'agit de l'aveu.
La sagesse des peuples dit que celui qui avoue est à moitié pardonné. La loi organique sur les juridictions gacaca privilégie cette procédure en donnant aux auteurs qui y recourent une réduction sensible de la peine. Mais pour bénéficier de la réduction de la peine, l'aveu doit être fait dans les deux ans après la publication au Journal officiel de la République de la loi sur les juridictions gacaca, c'est-à-dire avant le 15 mars 2003 puisque la loi a été publiée le 15 mars 2001 ! Personnellement je regrette cette limite car l'aveu est aussi un processus psychologique. Il faut donner le temps au bourreau de faire son "entrée intérieure". L'intention du législateur est claire. L'aveu favorise la réconciliation mais l'intérêt premier de l'aveu reste l'accélération des procès (2). Cet aveu est un exercice important car il libère la parole. En effet, lors des jugements gacaca les aveux seront lus publiquement et toutes les personnes présentes, y compris l'accusé lui-même, seront appelées à réagir.
La procédure d'aveu va marquer les jugements devant les Gacaca. En effet, les prévenus de la 4ème catégorie qui auront avoué ne seront pas sanctionnés, alors que le code pénal rwandais est sévère pour cette infraction (3).
Les accusés de la 3ème catégorie qui auront avoué avant de figurer sur la liste des accusés pourront être condamnés d'une année à trois ans de prison. Si l'aveu est fait après que le nom de l'accusé ait figuré sur la liste des accusés, la peine sera de 3 ans à 5 ans. S'il n'y a pas d'aveu la peine est de 5 à 7 ans.

Les accusés de la 2ème catégorie seront punis de 7 à 12 ans d'enfermement si l'aveu a été fait avant la constitution de la liste des accusés. Seule la moitié de la peine sera passée en prison tandis que le reste sera commué en prestation de travaux d'intérêt général. Cette peine sera de 12 ans à 15 ans si l'aveu est fait après la confection de la liste des accusés. S'il n'y a pas d'aveu ou si l'aveu est rejeté, la peine sera de 25 ans d'emprisonnement à la perpétuité.
Les juridictions gacaca ne seront pas qu'un exercice judiciaire. Elles représenteront également un exercice de démocratie. En s'appropriant la justice du génocide, la population rwandaise prendra également conscience de sa responsabilité dans cette tragédie mais également de son rôle dans la reconstruction surtout morale du pays. En effet, lors des jugements devant les juridictions gacaca toute la population intéressée pourra participer, prendre la parole. Il ne s'agira pas seulement des juges élus mais de l'ensemble de la population.

Enfin, les juridictions gacaca donnent une place importante à la mémoire des victimes, car le premier devoir de l'assemblée générale de la juridiction gacaca de cellule est l'identification des personnes tuées dans la cellule pendant le génocide. Ce travail de mémoire est important car les victimes du génocide sont toujours réduites au chiffre. Les survivants souhaitent qu'il y ait une liste nominative de toutes les victimes du génocide. Ce travail sera enfin fait par les juridictions gacaca.

 

Comment les Rwandais voient-ils le processus gacaca ?

J'ai effleuré la question en disant que les juridictions gacaca n'ont pas encore suscité un consensus. Certains y voient une justice populaire aveugle ; d'autres une amnistie déguisée. Certains rescapés estiment que le nombre d'assassins en liberté est plus important que celui de ceux qui sont en prison. Rappelons que les prisons rwandaises comptent plus de 100.000 personnes. Pour ces rescapés, les assassins en liberté vont empêcher l'émergence de la vérité lors des procès gacaca (4). Une des organisations politiques de l'opposition rwandaise dit que le Front Patriotique Rwandais a instauré une justice de vainqueurs sur le vaincu en instaurant le système judiciaire gacaca qu'il est parvenu à vendre à certains pays occidentaux. Un autre mouvement intitulé "Un groupe d'associations" écrit : "Le retour à la juridiction de 'GACACA' est une prétention de défi à la modernité, une façon de priver les Rwandais des acquis de la modernité dans l'exercice de la justice donc un non-respect du droit inaliénable de la personne humaine et une preuve tangible d'absence de démocratie" (5) . Mais cette organisation politique (RDR), tout comme d'autres qui s'opposent aux juridictions gacaca, ne propose pas une autre alternative.

Il est remarquable que la majorité des prisonniers - qui sont les parties les plus concernées par ces juridictions - aient confiance dans le système. Cela se voit à travers certaines initiatives du parquet de présenter des prisonniers à la population.

Une autre inquiétude légitime ressentie au sein de la diaspora rwandaise concerne les crimes qui ne sont pas le génocide, à savoir les violations aux conventions de Genève ou plus simplement les crimes de guerre. On sait que les militaires du Front Patriotique Rwandais ont tué des populations civiles dans certains endroits du Rwanda durant la période couverte par les juridictions gacaca et même au-delà. Les militaires des ex-Forces Armées Rwandaises sont également concernés, avec la particularité que ceux qui sont prévenus de crimes de guerre le sont également pour le génocide. Les militaires appartenant aux trois catégories justiciables devant les juridictions gacaca seront-ils jugés par ces juridictions ? L'article 47 de la loi organique instituant les juridictions gacaca stipule que les dossiers instruits par les auditorats militaires sont transmis aux juridictions gacaca de la Cellule. L'article 96 de cette loi complète l'article 47 en stipulant que : "Les Chambres spécialisées des Tribunaux de Première instance et les juridictions militaires ainsi que les Parquets prévus par la loi organique n¡08/96 du 30 août 1996 sur l'organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l'humanité, commises à partir du 1er octobre 1990 sont supprimés". L'article 48 est plus explicite : "Les dossiers instruits par les parquets et les auditorats militaires et non encore transmis aux juridictions compétentes à la date d'entrée en vigueur de la présente loi organique, doivent être immédiatement transmis aux 'Juridictions Gacaca' des Cellules aux fins de la catégorisation "

Donc les militaires des deux camps au conflit entre le 1er octobre 1990 (début de la guerre civile) et le 31 décembre 1994 seront justiciables devant les juridictions gacaca si ces militaires appartiennent aux catégories 2, 3 et 4. Ceux qui parlent toujours de justice des vainqueurs devront accepter que cette vieille chanson n'a pas vraiment de place. Les vaincus et les vainqueurs coupables de crimes les classant dans les 2ème, 3ème et 4ème catégories seront justiciables devant les juridictions gacaca. C'est ainsi que j'interprète les articles 47 et 48 que je trouve d'ailleurs fondés. Le Rwanda a besoin d'une justice pour toutes les victimes et doit rompre avec la culture de l'impunité dont ont toujours joui ceux qui disposaient du pouvoir, donc de la force. Mais leur jugement dépendra du courage de la population et de l'attitude des autorités. Ce sera un des signes de l'indépendance de ces juges et de l'espoir pour le Rwanda de sortir de cette culture de l'impunité.

Les défis des juridictions gacaca sont nombreux : la recherche de la vérité, la cohabitation des souffrances (6), la cohésion sociale et la problématique des réparations. Ces défis passent par l'éveil de la population à cette responsabilité de juger, et par sa capacité d'indépendance propre à tout système judiciaire, vis-à-vis des autres pouvoirs et de ses propres liens de solidarité ! C'est à mon avis le grand défi des juridictions gacaca.

Conclusion

Ma confiance dans les juridictions gacaca ne relève pas de l'aveuglement ou de l'exaltation. Un certain nombre d'éléments contextuels risquent d'avoir un impact sur le déroulement des procès devant les juridictions gacaca. Le succès de ces jugements dépendra du degré d'indépendance des juges élus. Dans la phase préparatoire de sensibilisation, l'autorité politique et administrative a dû être active pour convaincre la population qu'elle doit s'approprier cette justice; mais elle doit être moins visible pendant les jugements, pour que les juges remplissent leur mission en toute indépendance. Or la classe politique rwandaise est toujours marquée par des tensions. Espérons qu'elle ne voudra pas régler ses comptes à travers ces jugements dont dépend en quelque sorte l'avenir du pays. La Communauté internationale devrait aider le gouvernement rwandais financièrement et matériellement car ces jugements vont demander une logistique énorme ; mais elle devra être également vigilante et être capable de réagir en cas de dérapages (7).

 

NOTES

  1. Voir www.rcn-ong.be.
  2. C'est la loi de 1996 qui a introduit la procédure d'aveu. Dans certains endroits l'aveu a accéléré les procédures mais dans d'autres non. Certaines personnes pensent que les personnes qui n'ont pas avoué huit ans après le génocide n'avoueront jamais mais qui sait ! Il faut laisser le temps au bourreau; entre temps on jugera ceux qui ont avoué et â qui la loi offre des avantages importants en terme de réduction de la peine.
  3. Le vol commis sans violence est puni par le code pénal rwandais d'une peine d'un emprisonnement de 5 ans au maximum et d'une amende qui ne dépasse pas dix mille francs ou de l'une de ces peines seulement (article 399). La destruction de biens est punie de 3 mois â un an d'emprisonnement (voir l'article 445 du Code pénal et suivants)
  4. Cet argument est véhiculé par des rescapés qui, aveuglés par leur douleur, soupçonnent tous les Hutu de complicité de génocide, et par une partie de la diaspora hutu qui a quitté le Rwanda après le génocide. Cette dernière accuse certains militaires du Front patriotique rwandais de "travailler" avec des génocidaires en liberté pour dénoncer des Hutu innocents que l'on oblige â quitter le pays et abandonner leurs biens Pour ces Rwandais qui ont quitté récemment le Rwanda, il y aurait des assassins en liberté et qui le sont par la complicité de ceux qui ont la mission de les arrêter. Mon propos, là encore, n'est pas de dire que telles ou telles critiques sont fondées ou non, mais de rappeler une fois de plus que Gacaca est le lieu idéal pour confronter toutes ces contradictions, toutes ces vérités multiples desquelles se dégagera la Vérité.
  5. Un groupement d'association dénonce, "Y aura-t-il une fin au drame rwandais ? La justice, la paix, la réconciliation, la démocratie, le développement, où en est le Rwanda en 2001?", Buzet, 4 avril 2001.
  6. La coexistence des souffrances au Rwanda après le génocide est très compliquée. Il y a des rescapés du génocide (veufs, veuves, orphelins), mais également des rescapés Hutu des massacres qui ont accompagné le génocide (des Hutu ont été tués par des extrémistes Hutu ; d'autres par des militaires du FPR), des gens dont les leurs ont été massacrés dans les camps de réfugiés dans l'ex-Zaïre, sans oublier les veuves dont les maris sont morts dans les prisons avant les jugements. Toutes ces personnes se retrouvent face â face lors des procès gacaca.
    Il serait bien qu'au sein des juridictions de la cellule, les membres de l'assemblée générale pensent â parler des "Justes", ceux qui ont sauvé les gens, qui ont refusé de participer au génocide et dont beaucoup l'ont payé de leur vie. Le Gouvernement rwandais en identifié quelques uns. Mais est-ce son travail ? Certaines associations en parlent, mais est-ce leur rôle? On a vu que dans certains procès, des rescapés ont parlé de ceux qui les ont sauvés, mais que d'autres considéraient comme des assassins. Il est exact que certains bourreaux ont sauvé des gens mais qu'ils en ont assassiné d'autres. Personnellement, je pense que la juridiction Gacaca de cellule est l'endroit légitime pour parler de ces héros qui "gênent", parce qu'ils ont montré que pendant le génocide il y avait un choix pour ceux qui n'étaient pas menacés. Tout en reconnaissant la coexistence des souffrances, tout en réclamant la réparation pour toutes les victimes, je crois que l'avenir du Rwanda doit se reconstruire sur ces actes positifs, et non sur une victimisation de toute la Communauté rwandaise â laquelle je ne prétends pas échapper.
  7. Des organisations non gouvernementales internationales et nationales se sont impliquées aux côtés du Ministère rwandais de la justice dans ce processus. Cet appui est légitime, mais il faudrait que les Organisations de défense des droits de l'homme s'impliquent également. Les enjeux des juridictions gacaca sont énormes et dépassent les frontières du Rwanda. Si les juridictions gacaca réussissent, cette expérience pourrait s'appliquer dans d'autres pays africains qui connaissent des violations graves et massives du droit international humanitaire.