Le 27 avril 1994, François Mitterrand, Alain Juppé et
Bruno Delaye, alors responsable de la cellule africaine à l’Élysée,
ont reçu à Paris une délégation
rwandaise formée de Jérôme Bicamumpaka,
ministre des Affaires étrangères du GIR (Gouvernement
Intérimaire Rwandais), et de Jean Bosco Barayagwiza,
responsable de la CDR (Coalition pour la Défense de
la République). La CDR était, avec le parti
présidentiel MRND, le noyau dur du Hutu Power qui
s’était élargi en « front
commun » contre le FPR plus d’un an plus
tôt, et appelait à la « guerre raciale » contre
les Tutsi. Au moment où eut lieu cette rencontre franco-rwandaise,
le GIR se livrait à l’extermination des Tutsi
depuis près d’un mois.
Cette hospitalité était une singularité française
: excepté la France et l’Égypte, les
gouvernements avaient alors refusé de recevoir les émissaires
du gouvernement rwandais. Les deux représentants de
ce gouvernement génocidaire ayant été reçus
non seulement à l’Élysée, mais
aussi à Matignon, la politique élyséenne
sortait du pré carré présidentiel. Comme
le génocide des Tutsi est le second que l’ONU
ait reconnu au cours du siècle, ces poignées
de main franco-rwandaises sont des moments d’Histoire.
Ils devraient figurer dans les livres d’histoire contemporaine
et les manuels scolaires. Ceux-ci ne devront pas oublier
de mentionner aussi que grâce aux militaires français
du DAMI (Détachement d’Assistance Militaire
d’Instruction), envoyés en 1990 et restés
sur place pendant le génocide, l’Élysée
pouvait suivre jour après jour ce qui se passait au
Rwanda. Si le capitaine Paul Barril, qui s’est vanté d’avoir
hissé à ce moment le drapeau français à l’Ambassade
de France, pouvait fournir pour l’illustration quelques
photos de cet acte héroïque, ce serait parfait.
Les enfants des écoles apprendront ainsi que sous
la présidence de François Mitterrand, la République
française a soutenu un État génocidaire
au point de contribuer à la réalisation d’un
génocide.
Bruno Delaye avait succédé en 1992 à Jean-Christophe
Mitterrand à la cellule africaine de l’Élysée.
Interrogé plus tard sur l’imprudence qu’il
y avait à rencontrer les représentants d’un
gouvernement engagé dans un génocide, il répondit : « J’ai
dû recevoir dans mon bureau 400 assassins et 2000 trafiquants
de drogue. On ne peut pas ne pas se salir les mains avec
l’Afrique » (1) .
La France sait aussi récompenser ses bons serviteurs.
Bruno Delaye, après avoir reçu une ambassade
au Mexique, a été nommé directeur du
secteur scientifique à la Direction générale
de la coopération internationale et du développement
(D.G.C.I.D) (2) .
Ce poste réactive le personnage dans les circuits
françafricains et lui donne une position clé de « verrouillage ».
Quant au Capitaine Paul Barril, employé de l’Akazu,
conseiller privé du gouvernement génocidaire,
responsable d’une « Opération Insecticide » menée
en plein génocide, il a été promu « commandant
de la gendarmerie dans le cadre de la réserve » en
juin 1994, de toute évidence en relation avec son
action au Rwanda. En revanche, son témoignage n’a
pas été sollicité lors de la Mission
parlementaire d’information en 1998. Il faudrait faire
l’inventaire exhaustif des promotions, récompenses,
nominations de tous ceux qui participaient aux décisions
de l’État au moment du génocide. La liste
est sans doute longue. On parle d’impunité,
c’est un euphémisme.
L’aide d’un pays démocratique comme la
France à un État en train de commettre un génocide,
ce n’est pas rien. C’est même un événement
historique majeur. Cet événement apparaît
clairement à travers les faits dans le livre rédigé par
la FIDH et Human Rights Watch sous la direction de l’historienne
africaniste Alison Des Forges : Aucun témoin ne
doit survivre. Le génocide au Rwanda. (Karthala,
1999). Cependant, si ce livre ne permet pas de douter d’une
complicité intentionnelle de l’État français,
elle reste prudemment présentée comme s’il était
malgré tout impossible d’y croire. Ce livre
est à ce jour le plus précis sur l’histoire
du génocide des Tutsi du Rwanda et des massacres de
Hutu commis en représailles en ex-Zaïre. Reprenant
les diverses déclarations faites à la Mission
parlementaire d’information, publiées un an
plus tôt, A. Des Forges commente ainsi l’incroyable
soutien diplomatique que les responsables français
ont apporté au gouvernement génocidaire dont
ils avaient reconnu la légitimité :
« La France accorda
au gouvernement intérimaire un soutien politique discret
mais vital, devant les Nations Unies, lors des échanges
diplomatiques avec d’autres gouvernements et dans certaines
déclarations publiques. [Les responsables français]
avancèrent le même argument que les autorités
de Kigali, en soutenant que les massacres étaient
une réponse pratiquement inévitable à la
progression militaire du FPR Ils refusèrent souvent
de reconnaître le rôle des autorités rwandaises
dans la direction du génocide ; même le
22 juin les officiers militaires français parlaient
toujours de la nécessité d’aider les
autorités à rétablir le contrôle
sur les tueurs.
[…] Si les responsables français choisirent
de garder le contact de manière aussi visible avec
le gouvernement génocidaire, ils le firent en ayant
pleinement conscience du message politique qu’ils
transmettaient. Cela rendait le génocide respectable à Paris,
ses partisans au Rwanda étaient encouragés
et le gouvernement intérimaire disposait ainsi d’un
levier lui donnant accès à d’autres
capitales étrangères » (3) .
C’était là la continuité logique
d’une politique. À Arusha, le représentant
de la France avait reçu « une instruction
ferme et écrite de la direction des Affaires africaines
et malgaches d’intégrer la CDR, c’est à dire
les extrémistes hutu, dans le jeu politique » (4) .
La diplomatie française affichait donc en sous-main
son soutien à la composante génocidaire du
pouvoir rwandais, dont l’objectif déclaré était
précisément de saborder les accords d’Arusha,
officiellement réclamés et soutenus par l’Élysée.
La France et l’ONU : aide militaire
et refus d’intervention
Pendant le trimestre du génocide, le représentant
du Gouvernement Intérimaire Rwandais au Conseil de
sécurité de l’ONU travaillait étroitement
avec la France. Le Secrétaire général
Boutros-Ghali lui-même « bénéficiait
[…] habituellement d’un soutien appuyé de
la France ». Ses propos « semblent
refléter le point de vue du gouvernement intérimaire
[GIR], renforcé sans nul doute par la France » (5) . « Son
représentant à Kigali, le Camerounais Roger
Booh-Booh, envoie des informations lénifiantes » (6) .
Le représentant spécial du Secrétaire
général, Jacques-Roger Booh-Booh, était
un grand ami de la famille Habyarimana. Comment, à la
suite de quel jeu diplomatique ce représentant de
l’ONU avait-il été choisi ? Toujours
est-il qu’il était suffisamment intime de l’Akazu pour
passer les fêtes de Noël 1993 avec la famille
du président Habyarimana (7) .
Peut-on imaginer qu’un criminel sans envergure comme
Jérôme Bicamumpaka, le ministre des Affaires étrangères
du GIR, qui occupait le siège du Rwanda au Conseil
de sécurité de l’ONU, ait été soutenu
par des gens parvenus en France aux plus hautes responsabilités
politiques, François Mitterrand, Édouard Balladur
(Premier ministre), Alain Juppé (ministre des Affaires étrangères)
et Hubert Védrine (Secrétaire général à la
présidence) ? Peut-on imaginer que ce criminel
ait revendiqué ce soutien devant la diplomatie mondiale ?
C’est pourtant ce qui s’est passé. Lors
de la réunion du Conseil de sécurité le
16 mai 1994, ce représentant d’un gouvernement
soutenu par la France fit un discours à l’ONU
où il niait le génocide. Il affirmait que la
radio rwandaise diffusait des messages de paix et que les
responsables gouvernementaux sillonnaient le pays pour tenir
des réunions de pacification (8) .
Il n’en reprenait pas moins les mensonges délirants
propagés par la RTLM (Radio Télévision
des Mille Collines) et la revue de propagande raciste Kangura : « Outre
les affirmations habituelles sur les centaines de milliers
de Hutu tués par le FPR simplement parce qu’ils étaient
Hutu, il ajouta que les soldats du FPR dévoraient
le cœur de leurs victimes » (9) .
Que purent bien penser les diplomates internationaux qui
l’écoutaient en silence ?
Jérôme Bicamumpaka et Jean Bosco Barayagwiza
(10) sont
aujourd’hui incarcérés à Arusha.
Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR),
instance chargée par l’ONU de juger les criminels
impliqués dans le génocide, a rendu une sentence
historique : le 4 septembre 1998, il a condamné et
puni d’emprisonnement à vie (peine maximale
prévue) Jean Kambanda, Premier ministre du GIR. Cette
condamnation d’un gouvernement composé en concertation
avec l’ambassade de France, un gouvernement que Paris
reconnut et ne cessa de soutenir durant tout le génocide, établit
la complicité française. La mission Quilès
en a refusé jusqu’à l’évocation : « La
France n’a en aucune manière incité,
encouragé, aidé ou soutenu ceux qui ont orchestré le
génocide et l’ont déclenché dans
les jours qui ont suivi l’attentat » (11) .
Paul Quilès a expliqué dans une conférence
de presse télévisuelle, le 15 décembre
1998, à l’occasion de la publication du rapport
de la mission parlementaire, que la France n’était « nullement
impliquée », et s’est félicité que
le rapport « rejette ces accusations inacceptables » (12) .
Si la fable de la France « piégée » a
pu être ainsi accréditée, c’est
grâce au cynisme de ses collègues du Palais
Bourbon et à la complaisance des médias.
En revanche l’ONU, a fait son mea culpa le
14 avril 1999,en publiant un rapport où les membres
du Conseil de sécurité reconnaissent publiquement « la
responsabilité des Nations Unies pour n’avoir
pas réussi à faire cesser le génocide
de 1994 au Rwanda » (13) .
Mais cet aveu, largement diffusé à la presse,
pourrait n’être qu’un moyen de s’absoudre
du crime de « non assistance à populations
en danger ». La réalité est que
les Nations Unies, qui avaient le pouvoir de vie et de mort
sur un million et demi de Rwandais, n’ont pas voulu intervenir.
L’inaction de l’ONU est autant le résultat
du travail de la diplomatie française que de la volonté des États-Unis, échaudés
par l’épisode somalien. Le texte onusien de
1999 évite aussi très diplomatiquement le dossier « France ».
Pourtant en novembre 1998, un autre rapport de l’ONU,
quasi-confidentiel celui-là, dit « Rapport
Kassem », met en cause l’État français
et signale un réarmement inquiétant des anciennes
FAR (Forces Armées Rwandaises) et milices génocidaires.
Le ton est alarmiste : « la situation dans
la région des Grands Lacs se dirige rapidement vers
une catastrophe avec des conséquences incalculables
qui demandent des mesures urgentes globales et décisives » (14) .
Ce rapport nous apprend que cette armée du crime est
alors toujours financée.
Entre 1990 et 1993, la coopération militaire comptait
de 500 à 1100 soldats français, et jusqu’à 150
conseillers ou coopérants militaires. Pendant cette
période, l’État français a créé l’armée
rwandaise en partant pratiquement de zéro. Elle l’a
fait grandir de 5 300 hommes à près de
50 000. Cette armée financée, encadrée,
entraînée et approvisionnée en armes
et munitions par la France était pratiquement une
armée supplétive – la seule de ce type
dont disposaient les militaires français en Afrique.
En juin 1994, alors que le génocide battait son plein,
Théoneste Bagosora, un des « cerveaux » rwandais
du génocide, s’est rendu aux Seychelles avec
un marchand d’armes sud-africain, Willem Ehlers, pour
acheter 20 tonnes d’armes légères. Les
fonds utilisés, débloqués en deux virements
en date des 14 et 16 juin 1994, d’un montant total
de plus d’un million trois cent mille dollars, proviennent
de la B.N.P. à Pari (15) .
Le président de la commission d’enquête
onusienne qui a réalisé le rapport de novembre
1998, a interrogé par écrit, le 13 août
1998, le secrétaire général à la
présidence française, Hubert Védrine.
Il lui a demandé si le gouvernement français était
au courant de l’enquête menée par le ministère
de la Justice suisse concernant la Banque Nationale de Paris
et ce marchand d’armes sud-africain, Willem Ehlers.
Trois mois plus tard, l’ONU n’avait toujours
pas reçu de réponse (16) .
Le rôle de l’état-major
particulier de François Mitterrand, de 1990 à 1994
L’importance de l’armée et des lobbies
militaires dans la conduite de la politique française
au Rwanda a été d’une manière
générale très sous-estimée (17) .
Ce sont pourtant les militaires présents sur le terrain
qui ont permis cette collusion de l’État français
avec un État génocidaire. Les rapports que
les services secrets DGSE et D.R.M. fournissaient à l’Élysée
influençaient les décisions. Surtout, il y
avait concordance totale entre l’ethnisme des ethnocrates
hutu et l’idéologie instrumentalisée
par le lobby militaro-africaniste tout-puissant à l’Élysée.
Pour l’africaniste Jean-François Bayart, le
rôle des officiers supérieurs de l’état-major
particulier de François Mitterrand a été déterminant.
Ils ont contribué, dit-il,
« de manière
décisive à l’aveuglement de l’Élysée
dans la région des Grands Lacs de 1990 à 1994.
[…] Leurs vues ‘ethnicisantes’ et
leur complexe de Fachoda ont pu se donner libre cours
[…] surtout au sujet du Rwanda […]
où les officiers, généralement
issus des troupes de marine, ont eu tout le loisir
de fantasmer l’Afrique de leurs rêves
ou de leurs cauchemars » (18) . « Il
faut savoir que l’armée française
a une autonomie à peu près complète
sur le terrain en Afrique, et cela de la façon
la plus légale qui soit » (19) .
On peut s’interroger sur la nature des motivations
des responsables militaires français. Cherchant à comprendre
comment les membres d’un État démocratique
avaient pu accepter l’éventualité d’un
génocide, et comment ils avaient ensuite soutenu ceux
qui le réalisaient, et ainsi permis de le mener jusqu’à son
terme, Alison Des Forges écrit qu’ « après
la reprise des affrontements, certains militaires haut gradés
défendirent avec encore plus de fermeté l’idée
que les combattants du FPR étaient des ‘Khmers
noirs’ et certains remirent en cause, en privé,
les accords d’Arusha. »
Les deux acteurs principaux sont les généraux
Christian Quesnot et Jean-Pierre Huchon. Christian Quesnot était
le chef de l’état-major particulier du Président
de 1991 à 1995. Jean-Pierre Huchon, qui avait fait
partie de l’état-major de Mitterrand en 1991,
prit la direction du programme d’assistance militaire
française (MMC) à la mi-93 jusqu’en 1995
au ministère de la Coopération. Quesnot expliquait
encore, le 29 avril 1994, en plein génocide : « Le
FPR est le parti le plus fasciste que j’aie rencontré en
Afrique, il peut être assimilé à des
Khmers noirs » (19) .
On a parlé « d’auto-intoxication » des
responsables français (20) .
Mais à l’époque où la coopération
militaire française fonctionnait à plein régime,
on savait, à Paris et à Kigali, que les Forces
Armées Rwandaises avaient déjà réalisé entre
1990 et 1993 des massacres de très grande ampleur
(21) .
En 1992, un rapport d’une association rwandaise des
Droits de l’homme révélait l’horreur
de ces massacres supervisés par l’État
rwandais, alors que se déroulait l’opération
militaire française Noroît, destinée à assister
le gouvernement déstabilisé par l’offensive
du FPR en exil. Les auteurs y dénonçaient « un
appel au génocide, dans les régions du Nord
(Gisenyi et Ruhengeri) [qui] aboutit à un véritable
carnage » (22) .
Le père blanc Guy Theunis envoyait alors régulièrement à sa
hiérarchie des télécopies co-signées
de son supérieur le père Jef Vleugels dénonçant « les
exactions »du FPR et qui, dispatchées
dans les Agence, servaient à alimenter la presse.
Les deux compères y dissimulaient la réalité des
massacres de la population civile tutsi qui se déroulait à l’intérieur
du pays, loin de la ligne de front.
À cette époque l’État rwandais
procédait en effet à l’élimination
du groupe des Tutsi Bagogwe dans le nord-ouest du Rwanda
au titre de massacre de représailles. Habyarimana
avait dit vouloir « venger » les soldats
tués au front (23) .
Le rapport de l’ADL (24) constitue
un témoignage essentiel sur les modalités de
cette extermination, sous présence française.
Groupe marginal du Nord-Rwanda, minorité dans la minorité,
les Bagogwe étaient en majorité composé d’éleveurs
pauvres, souvent sans bétails. Marginalisés
depuis toujours, y compris du temps de l’ancien royaume
du Rwanda, ils formaient une population sans défense
et surtout sans défenseurs. Ils ont été tués
dans l’indifférence, y compris les nombreux
Bagogwe qui étaient serviteurs et bergers des riches
Hutu Bakiga (25) .
Désignée par la propagande comme « peuplades
Nilo-hamitiques de la région » (26) ,
ils ont été tués avec les Bahima (autre
sous groupe tutsi) en représailles à l’attaque
du FPR, uniquement parce qu’ils étaient Tutsi,
pour le crime d’être nés. Cela n’intéressait
apparemment pas les pères Theunis et Vleugels. L’élimination
des éleveurs Bagogwe dans le Nord était facile
et ne dérangeait apparemment pas les autorités étrangères
présentes, qu’elles soient politiques ou religieuses.
En particulier, le père belge Guy Theunis, Directeur
de la revue catholique Dialogue, ne protestait alors énergiquement
que contre « l’agression du FPR » (27) .
Tandis que les Tutsi de l’intérieur, terrorisés,
baissaient la tête, seul le FPR dénonçait
ces massacres réalisés « à l’instigation
du gouvernement » (28) .
Les militaires des camps d’entraînement de Bi(a ?)gogwe
ont participé activement à cette extermination.
Dans ces camps, les Français formaient les commandos
des Forces Armées Rwandaises, comme ceux de Gisenyi-Ville.
Ces derniers emmenèrent quelques survivants dans leurs
camps pour parfaire l’éducation de leurs enfants : « Torturés
et incapables de se traîner, une douzaine de Bagogwe
de ce secteur, encore en vie, ont été transportés
au camp militaire de Gisenyi-Ville où ils ont été achevés
par les enfants et les femmes des militaires » (29) .
Le témoignage d’un rescapé mugogwe montre
que les massacres de 1990 anticipaient bien ce que sera le
génocide :
« M. Hitimana
a vu mourir ses six enfants et sa femme. Il s’était
caché, car il pensait que comme en 1959 ou
1973, on pillerait seulement les maisons et les biens. À la
rigueur, on tuerait les hommes. Il ne se doutait
pas que la cruauté serait poussée au
point de tuer des nourrissons. Son voisin a tranché la
tête de sa femme d’un coup de machette,
devant ses enfants, tandis que la femme de ce voisin
tuait l’enfant qui était sur le dos
de la victime. D’un coup de machette, cette
femme a tué cet enfant, alors qu’elle-même
en portait un du même âge sur son propre
dos ! »(30)
Quand l’extermination n’a pas été totale
comme à Kibilira, le viol des filles Bagogwe et Bahima
par les militaires « est devenu une habitude,
tolérée et même encouragée par
les chefs » (31) .
Les méthodes d’élimination qui seront
froidement appliquées, révèlent déjà l’organisation étatique
de la machine à tuer :
« Le vieux bourgmestre M. Mathias Mpiranya, ancien
député pendant la première République,
trouva un moyen plus efficace pour liquider les indésirables.
Il invitait tous les hommes du secteur y compris les Bagogwe
dans un rassemblement politique. Arrivés à l’endroit
indiqué, les victimes étaient désignées
aux tueurs par le bourgmestre qui invitait ces derniers à exécuter
immédiatement leur besogne » (32) .
Les groupes des tutsi Bagogwe et Bahima ont toujours été historiquement
indépendants du pouvoir central. Leur élimination
s’est faite au vu et au su de tous. Sans problème.
Comme l’explique un commerçant hutu de Ruhengeri : « Il
n’y a jamais eu beaucoup de Tutsi dans ce coin et nous
les avons tués très vite, dès le début
de la guerre, sans histoire. Nous avions l’impression
d’être invulnérables » (33) .
L’extermination de ce groupe humain marginal a été le
coup d’essai du génocide : c’était,
en 1990, un « test en grandeur réelle »,
une mise au point des méthodes qui seront utilisées
en 1994. La question des dirigeants hutu était celle-ci :
Si nous recommençons ce que nous avons fait en 1959
et 1963, aurons-nous le même soutien de nos amis ?
Aux yeux des stratèges hutu, la réponse fut
claire : ni les militaires français, nouveaux
tuteurs politiques, ni les autorités religieuses,
ne protestèrent. « La solution finale au
problème tutsi » était avalisée
par le silence et l’indifférence des ecclésiastiques.
Du côté français, l’accord était
acquis : les massacres avaient lieu près du principal
camp d’entraînement français au Rwanda :
le camp de Bi(a ?)gogwe, sur la commune de Mutura (34) .
Ce test a permis d’évaluer la faisabilité et
l’acceptabilité de la solution finale. En 1990
il y avait déjà des barrières et des
fossés remplis de cadavres dans le Nord-Ouest du Rwanda
(dans les communes de Mutura, Kanama et Rwerere). Citons
encore le témoignage d’une rescapée mugogwe
(35) .
En avril 1991, elle fuit les massacres ethnistes du Nord-Est
du Rwanda dans le minibus de religieux canadiens. Le minibus
arrive à Ruhengeri, au croisement de la route de Kigali
et de la montée vers les volcans :
« Là,
il y avait une queue de véhicules qui attendait
un contrôle. La tension était à vous
couper le souffle. De loin j’ai aperçu
les autos blindées […] avec comme
chauffeurs des militaires blancs. Mes amis canadiens
ont chuchoté : ‘les Français’… Nous
avons vu les militaires qui contrôlaient,
les miliciens qui tenaient les barrières
en agitant les machettes dans tous les sens. […]
Les prières ne venaient plus en moi, je
me croyais déjà morte. On avançait
d’un ou deux mètres après
le départ d’une voiture. Je me suis
rendue compte que parmi les militaires il y avait
aussi des Français qui demandaient aussi
les cartes d’identités des Rwandais
où figurait la mention ‘hutu, tutsi,
twa’. Les tutsi se faisaient sortir de
la voiture et les militaires français
les remettaient aux mains des miliciens agacés
qui les coupaient à coups de machettes
et les jetaient […] au bord de la grande
route […].
Malgré les consignes des frères
de faire semblant de ne rien craindre, j’ai
tout de même jeté un coup d’œil
dans le rétroviseur de notre minibus pour
voir ce qui se passait dans d’autres voitures
et j’ai vu un tutsi qui se faisait sortir
d’une voiture un peu plus loin de la nôtre
et après la vérification de sa
carte d’identité, un militaire français
et un autre officier rwandais l’ont donné aux
miliciens qui ont commencé tout de suite
devant ces voitures à le frapper, de leurs
machettes et du Ntampongano (gourdins) […].
Quand j’ai vu cela j’ai regardé autour
de nous dans la rigole où j’ai aperçu
quelques corps […]. J’ai fermé mes
yeux, notre moteur a tourné longtemps
sans s’arrêter, et j’ai compris
que nous avions eu l’autorisation de partir
[…]. Personne de notre voiture n’a
commenté ce qui s’est passé,
juste le frère directeur qui a demandé une
petite prière dans nos cœurs pour
ces gens qui se faisaient tuer. »
Ni les responsables internationaux, ni les dirigeants
français ne s’en sont émus.
Ces crimes étaient organisés par
l’État : « Tous
les tueurs et organisateurs des tueries, maintenant
identifiés, ont été nommés
représentants du MRND dans leurs collines,
comme s’ils avaient été récompensés
pour leurs actes » (36) .
Militaires et autorités n’ont eu aucun compte à rendre.
L’impunité a été totale. La commission
d’enquête de la FIDH a découvert des fosses
communes en janvier-février 1993 dans la commune Kigombe-Ruhengeri,
parmi celles-ci probablement celle utilisée pour les
victimes des exécutions auxquelles Immaculée
a assisté.
Dès 1991 pourtant, l’implication militaire française
au Rwanda avait été dénoncée par
un magistrat belge : « dans un rapport publié en
Europe le 10 novembre, Me Gillet, avocat au barreau de Bruxelles
[…] affirme que ce sont des officiers français
qui conduisent les interrogatoires musclés des combattants
du Front patriotique » (37) .
En mars 1992, un officier français de gendarmerie,
coopérant militaire, qui venait d’être
témoin de ces massacres effrayants, se rendit de sa
propre initiative à Paris pour en informer ses supérieurs.
Lesquels intimèrent l’ordre de se taire à ce
colonel de gendarmerie à l’honnêteté déplacée.
Un membre de la commission d’enquête de 1993
témoigna en ces termes :
« En janvier
1993, j’ai vu dans le fameux camp de Bigogwe,
entre Gisenyi et Ruhengeri, des ‘paras commandos’ français
qui formaient les soldats, responsables des massacres
dans la région. Par camions entiers, les
civils étaient amenés, torturés
et exécutés, et c’est aussi
par camions que les corps étaient enterrés
dans une fosse commune près du cimetière »(38) .
Signalons que l’Ambassadeur de France auprès
d’Habyarimana, Georges Martres – celui-là même
qui s’employait à qualifier de « rumeurs » toutes
ces informations d’une gravité extrême
(39) – avait
déjà réfuté point par point les
accusations de Jean-François Bayart. Celui-ci avait
rédigé en octobre 1990 pour le compte du Centre
d’analyse de prévision du Quai d’Orsay
un rapport accablant sur les crimes du régime (40) .
Idéologie raciale et aide logistique
dans la Mission militaire de coopération
Analysant les ressorts de la politique africaine de François
Mitterrand, lors d’un colloque en 1996, Jean-François
Bayart a évoqué le rôle du général
Huchon dans l’instrumentalisation de l’ethnisme
par la coopération militaire française en 1990.
L’ethnisme, dit-il, était l’idéologie
dominante à l’état-major du président
de la République et au ministère de la Défense,
dans la plus pure tradition coloniale. « Ancien
responsable de l’opération Manta [au Tchad],
le général Huchon était le porte-parole
de cette vision, qui devait également jouer un rôle
crucial dans la crise concomitante du Rwanda » (41) .
Un document laissé par les FAR à Kigali, et
qui échappa aux « nettoyages » opérés
par les services français et rwandais, permet d’entrevoir
ce qu’étaient les relations de la coopération
française avec les génocidaires. Il révèle
un pan d’une réalité qui, sans cette
découverte, serait restée totalement secrète.
Il s’agit du « Rapport de la mission effectuée
auprès de la Mission militaire de coopération
française du 9 au 13 mai 1994 », rédigé le
16 mai par le lieutenant-colonel des FAR, Ephrem Rwabalinda
(42) ,
pour le Ministre de la Défense et chef d’état-major
de l’armée rwandaise. Ce rapport montre qu’au
début mai 1994, alors que la majorité des Français
ignorait tout du déroulement de l’horreur, tandis
que certains en percevaient les échos, impuissants
ou incrédules, certains acteurs s’activaient
en coulisses. L’envoyé spécial des Forces
Armées Rwandaises qui rencontra à Paris le
responsable français de la coopération militaire,
en rapporta ainsi les propos :
« Lors des entretiens
suivants au cours desquels j’ai insisté sur
les actions immédiates et à moyen terme
attendues de la France, le général
Huchon m’a clairement fait comprendre que les
militaires français ont les mains et les pieds
liés pour faire une intervention quelconque
en notre faveur à cause de l’opinion
des médias que seul le FPR semble piloter.
Si rien n’est fait pour retourner l’image
du pays à l’extérieur, les responsables
militaires et politiques du Rwanda seront tenus responsables
des massacres commis au Rwanda. Il est revenu sur
ce point plusieurs fois. Le gouvernement français,
a-t-il conclu, n’acceptera pas d’être
accusé de soutenir les gens que l’opinion
internationale condamne et qui ne se défendent
pas. Le combat des médias constitue une urgence.
Il conditionne d’autres opérations ultérieures. » (43)
À cette rencontre ponctuelle de l’envoyé des
FAR en Mission, s’ajoutent les relations soutenues
du général Huchon avec le lieutenant-colonel
rwandais Cyprien Kayumba, qui fut chargé à Paris
des achats d’armes au moins jusqu’au 18 juillet
1994 (44) .
On sait que ces contacts de la Mission Militaire de Coopération
avec Kayumba se sont poursuivis pendant le génocide.
Après le passage à Paris le 27 avril 1994 des
représentants du gouvernement génocidaire (45) ,
Kayumba passa une importante commande d’armes à la
SOFREMAS, une entreprise contrôlée par l’État
français. Résident pendant 27 jours à Paris,
Kayumba effectua des déplacements au Caire et à Tripoli
pour effectuer divers achats de matériel de guerre.
Grâce à deux sociétés, dont une
française, DYL-Invest, il acheta et livra au Rwanda
(alors sous embargo) pour quelque 28 millions de Francs d’armements.
Kayumba traitait directement avec le directeur de DYL-Invest,
Dominique Lemonnier, marchand d’armes qui disparut
peu après un litige financier avec un autre prestataire
du Hutu Power, Paul Barril (46) .
Le rapport de Mission d’Ephrem Rwabalinda en mai 1994
mentionne encore qu’un moyen de communication sécurisé « permettant
au Général Bizimungu et au Général
Huchon de converser sans être écouté (cryptophonie)
par une tierce personne a été acheminé sur
Kigali. Dix-sept petits postes à 7 fréquences
chacun ont été également envoyés
pour faciliter les communications entre les Unités
de la ville de Kigali » (47) .
Le général Huchon avait donc fourni aux FAR,
en plein génocide, des moyens de communication sophistiqués
qui permettaient au service français de renseignements
militaires et aux responsables du DAMI d’être
en contact permanent avec eux. L’état-major
de François Mitterrand avait donc les moyens de suivre
de très près, « en temps réel »,
l’action des génocidaires rwandais. De source
bien informée, Ephrem Rwabalinda a été éliminé d’une
balle dans la tête dans son camp au Zaïre en 1995.
Probablement une conséquence de cette involontaire
célébrité (48) .
Turquoise : une « neutralité » humanitaire
efficace
Édouard Balladur a brandi l’opération Turquoise pour
exprimer sa « fierté » d’être « le
seul pays a être intervenu pour sauver des vies » (49) .
Il faut pourtant savoir que l’opération Turquoise,
comme l’opération Noroît dont
elle était le prolongement, n’a été présentée
comme une « opération humanitaire » qu’à l’intention
des naïfs : Jean-Pierre Chevènement a du reste
ironisé là-dessus lors de son audition à la
Mission d’information parlementaire :
« [Mitterrand]
donne comme directive de répondre positivement à la
demande du président Habyarimana. Ensuite
on dira que c’est pour assurer la protection
de nos ressortissants, ça c’est ce qu’on
dit toujours »(50) .
Aux gens sérieux, notamment aux députés,
la cellule élyséenne expliquait qu’elle
intervenait au Rwanda pour rassurer les pays « amis
de la France » (51) .
Il fallait faire savoir aux « pays du champ » que
la France était toujours prête à intervenir
physiquement sur le continent. Telle est la version exposée à la
presse par Jaques Baumel, alors vice-président de
la Commission « Défense » à l’Assemblée
(52) .
C’est aussi celle que Marcel Debarge, ancien ministre
de la Coopération, a confirmée lors de son
audition le 11 juin 1998. Turquoise est ainsi présentée
au public « éclairé » comme
une démonstration de la crédibilité néocoloniale
de la France.
Le rapport de l’OUA (53) établit
combien tout souci d’arrêter le génocide était éloigné des
préoccupations françaises. Il cite un entretien
de Bruno Delaye, principal conseiller du Président
Mitterrand pour les affaires africaines, avec Human Rights
Watch, au cours duquel celui-ci admet que les« Hutu » avaient
commis des actes horribles au Rwanda, ce qui était
regrettable, mais « c’était ainsi
que les Africains se comportaient » (54) .
Suit ce commentaire dans le rapport :
« Le [génocide au] Rwanda
n’était donc qu’une autre ‘tuerie habituelle’ ;
tant que la situation restait sous contrôle, même si
elle devait coûter la vie à quelques douzaines ou même
quelques centaines de Rwandais, la France pouvait rester largement
détachée (55) .
Donc, à l’origine, la classe dirigeante française
choisit de ne rien faire pour empêcher le génocide qui
se déroulait dans sa ‘cour’ ».
Le rapport relate également l’exaspération
du docteur Jean-Hervé Bradol, responsable des programmes
au Rwanda de « Médecins Sans Frontières »,
après une entrevue avec les conseillers de Mitterrand
pour leur demander instamment d’user de leur influence
afin que soit mis fin aux atrocités (56) : « J’étais
complètement déprimé parce que je réalisai
[…] qu’ils n’avaient nullement envie d’arrêter
les massacres ».
L’opération Turquoise, qui a duré deux
mois (du 23 juin au 21 août 1994), a été arrachée
par la France au Conseil de sécurité de l’ONU
le 22 juin 1994. Les circonstances et la façon dont
la diplomatie française obtint l’accord du Conseil
de sécurité sont édifiantes : Boutros-Ghali « intervint
personnellement à l’appui de l’Opération Turquoise »,
appelant à « une décision rapide » (57) .
Les rédacteurs du rapport de l’OUA présentent
ainsi les choses :
« Le 22 juin, faisant fi de l’histoire,
de l’expérience et de la raison, le Conseil de sécurité donna
son accord à l’Opération Turquoise par
dix voix contre cinq, à peine deux voix de plus que la majorité requise.
La France, les États-Unis et le Rwanda, toujours représenté par
le gouvernement intérimaire des extrémistes Hutu après
deux mois et demi de génocide, étaient au nombre des
voix favorables à l’intervention ».
À la tête de Turquoise, on retrouvait
des officiers liés au Hutu Power, anciens
instructeurs des FAR, comme le colonel Thauzin, alias « Thibaut »,
officier de la DGSE et ancien conseiller militaire du général
Habyarimana. Avec 2 500 paracommandos, plus de 100 véhicules
blindés, une batterie de 120 mm de Marine, 10 hélicoptères
de combat, quatre avions d’attaque au sol et quatre
avions de reconnaissance, des chasseurs-bombardiers Mirage
et Jaguar, plus 20 avions gros-porteurs (58) pour
transporter cette incroyable armada, Turquoise peut
difficilement camoufler ses visées proprement militaires
(59) .
L’imposture de Turquoise a été dénoncée
par un groupe de prêtres tutsi qui avaient échappé aux
massacres :
« Les responsables du génocide
sont les soldats et les partis politiques du MRND et de la CDR, à tous
les échelons, mais plus particulièrement aux échelons
supérieurs, appuyés par la France qui a entraîné leurs
milices. C’est pourquoi nous considérons que l’intervention
soi-disant humanitaire de la France est une entreprise cynique. Nous
remarquons avec amertume que la France n’a jamais réagi
durant les deux mois qu’a duré le génocide, alors
qu’elle était mieux informée que quiconque. Elle
n’a jamais élevé la voix contre les massacres
des opposants politiques. Elle n’a jamais exercé la
moindre pression sur le gouvernement auto-proclamé de Kigali
[GIR], alors qu’elle avait les moyens de le faire. Pour nous,
la France est arrivée trop tard et pour rien » (60) .
Pour rien ? Le but réel et par trop évident
de l’opération était d’arrêter
l’avancée du FPR en préservant un « Hutuland » à l’intérieur
du Rwanda. Il fallait changer le sort de la guerre, retourner
la situation. Ce projet ambitieux s’avéra vite
impossible après quelques combats et une prise d’une
dizaine d’otages militaires français par l’APR
(61) .
Le FPR a fait comprendre qu’en cas d’accrochage
les pertes françaises seraient lourdes et a donc ainsi évité l’affrontement
direct. À défaut de pouvoir renouveler les
faits d’armes de l’opération Noroît en
1990 et 1993 qui stoppèrent le front patriotique,
l’opération Turquoise a néanmoins
permis de couvrir la fuite des responsables et principaux
exécutants du génocide. Elle a sauvé le
gouvernement intérimaire, les FAR et les Interahamwe d’une
défaite totale, à la fois militaire et morale.
C’était là l’essentiel, étant
donné les liens qui unissaient les forces du génocide
et l’armée française.
Revenons au rapport de l’OUA :
« Les analystes calculèrent
que l’intervention française permit de sauver
de 10 000 à 15 000 Tutsi (62) ,
et non des ‘dizaines de milliers’ comme l’a
proclamé le Président Mitterrand, un exploit
qu’on ne peut qu’applaudir; mais son autre tâche
fut de soutenir le gouvernement intérimaire. En fait,
certaines autorités sont convaincues que le volet
humanitaire de la mission n’était qu’un écran
de fumée jeté par la France pour préserver
une région du pays à l’intention de ses
clients du régime génocidaire, ‘tueurs
compris’, qui envahissaient la région en grand
nombre devant l’avance du FPR (63) .
Lorsqu’il devint évident que la progression
du FPR ne pourrait être arrêtée, la France
passa à l’étape logique suivante et facilita
la fuite de la plus grande partie des dirigeants extrémistes
Hutu vers le Zaïre. »
Dans la zone Turquoise, alors que les écoles
et les églises étaient remplies de cadavres
ou encore suintantes de sang, les militaires français
composaient avec les notables responsables de cette boucherie.
Parmi leurs interlocuteurs figurait le préfet Kayishema,
appelé dans la région le « boucher
de Kibuye ». Le violent cynisme de cette opération
apparaît dans la dénomination de « Zone
Humanitaire Sûre » (ZHS) utilisée
pour qualifier un endroit où se concentraient les
miliciens et l’appareil du génocide. En juillet
1994, les survivants Tutsi ont continué d’être
tués dans cette zone. De toute évidence, les
Français n’étaient pas là pour
stopper le génocide ni encore moins pour arrêter
les coupables. Ils avaient un autre objectif. Ni les miliciens,
ni les forces génocidaires n’ont été désarmés
et démobilisés. Pour les stratèges de Turquoise,
ils devaient continuer à combattre le Front Patriotique
Rwandais (et les prétendus « infiltrés »).
Les responsables du génocide, pourtant identifiés
et connus comme tels, ont été accueillis, nourris,
soignés et protégés comme déplacés
dans la ZHS, puis comme « réfugiés » dans
les camps du Zaïre et de Tanzanie, pendant plus de deux
ans. Cette zone était effectivement sûre pour
les génocidaires, dont elle était le refuge.
On mesure à leur langage l’impudence des protecteurs
français du Hutu Power. Quant à la presse,
elle mettra tout son zèle à reprendre cette
expression sans guillemets, cela va de soi. Les « nouveaux
chiens de garde » participèrent ainsi à l’action
française au Rwanda (64) .
Malgré des demandes pressantes (émanant de
l’ONU et de l’association Human Rights Watch,
notamment) et bien que la France ait signé en 1948
la Convention internationale sur les génocides (65) ,
qui obligeait à prévenir et réprimer
leurs auteurs, les militaires français refusèrent
d’arrêter les responsables du génocide
réfugiés dans leur « zone de sécurité » au
nom d’une « exigence de neutralité »… La
même exigence forte interdisait le désarmement
des milices, comme l’expliqua le colonel Jacques Rosier,
commandant du secteur sud du dispositif de Turquoise : « Les
miliciens font la guerre. Par souci de neutralité,
nous n’avons pas à intervenir. Sinon, demain,
s’il y a des infiltrations de rebelles, on nous fera
porter le chapeau » (66) .
La RTLM, « Radio Mille Collines »,
instrument efficace de la propagande génocidaire,
ne fut pas non plus neutralisée. « Le brouillage
des émissions de radio ou la destruction d’un émetteur
ne faisaient pas partie du mandat confié à la
France par l’ONU », expliqua sans vergogne
le Ministre de la Défense François Léotard
aux journalistes qui s’en étonnaient (67) .
De même le bon fonctionnement des structures administratives,
celles-là mêmes qui réalisèrent
le génocide, sera préservé.
Suivons encore l’analyse de l’OUA :
« Blâmée
aux Nations Unies et à d’autres tribunes pour
son refus d’incarcérer les auteurs du génocide – et
même pour avoir assuré leur protection (68) – la
France choisit de ne pas changer de position, mais de se
débarrasser du problème. Au départ des
troupes françaises en août, pas un seul responsable
du génocide n’avait été remis
entre les mains des Nations Unies ou du nouveau gouvernement
rwandais. En fait, c’est le contraire qui s’était
produit. Lorsque le nouveau gouvernement de Kigali exigea
que les génocidaires soient remis entre ses mains,
les dirigeants militaires français, selon une revue
militaire française, ‘mirent sur pied et organisèrent’ l’évacuation
en direction du Zaïre des membres du gouvernement génocidaire
présents dans la zone de sécurité. »
Les militaires auditionnés ont nié en bloc
cette exfiltration des génocidaires. Mais le journaliste
Patrick de Saint-Exupéry a retrouvé dans un
mensuel confidentiel de la Légion étrangère
un aveu qui a échappé à la vigilance
du SIRPA : « l’État-major tactique
(EMT) [de l’opération Turquoise] provoque
et organise l’évacuation du gouvernement de
transition rwandais vers le Zaïre » (69) .
Pourquoi les militaires français n’ont-ils pas
arrêté ces criminels ? La réponse
du ministère des Affaires étrangères
est donnée dans le rapport de la Mission : « notre
mandat ne nous autorise pas à les arrêter de
notre propre chef. Une telle entreprise minerait notre neutralité,
qui constitue notre meilleure garantie d’efficacité » (70) .
D’où le commentaire acerbe des rapporteurs de
l’OUA :
« Ni la décision ni ses
motifs n’avaient de sens. Premièrement, la France n’a
jamais été neutre dans ce conflit. Deuxièmement,
elle n’a jamais demandé de modification de mandat. Troisièmement,
elle aurait pu agir unilatéralement. Quatrièmement,
la Convention sur le génocide [du 12 août 1949, signée
par la France à Genève] était sûrement
le mandat exclusivement nécessaire pour procéder à l’arrestation
des personnes accusées de génocide. »
Les faits montrent simplement que la convention de Genève,
comme les accords d’Arusha, n’étaient
que des « chiffons de papiers » pour
les militaires français engagés au Rwanda.
Non seulement ils n’arrêtèrent pas les
criminels, mais ils « ravitaillèrent même
en carburant, avant leur départ pour le Zaïre,
les camions de l’armée rwandaise chargé du
butin pillé dans les maisons et les magasins. Au Zaïre,
des soldats français promenaient leurs collègues
rwandais dans des véhicules officiels » (71) .
D’où les propos acerbes de Jean-Hervé Bradol
(Médecins Sans Frontières), lors de
son audition :
« Les FAR et les milices ne menaient
pas une guerre, mais procédaient à l’extermination
d’une partie de la population rwandaise. […] La France
a su arrêter le FPR en 1990. On comprend mal pourquoi elle était
soudain désemparée quand il s’agissait d’arrêter
les génocidaires. […] Ce que l’on attendait d’une
armée, c’était de se battre contre les génocidaires.
Il n’y avait pas de position de neutralité à observer.
Il ne s’agissait pas d’un conflit classique : il
y avait génocide » (72) .
Présenter Turquoise comme une opération « humanitaire » destinée à arrêter
le génocide des Tutsi relève donc du mensonge.
Pour ceux qui sont à l’origine de cette opération,
il s’agissait d’empêcher la défaite
des alliés hutu qui était aussi la leur, et
qui risquait de mettre en évidence leur propre implication
dans le génocide. Voici comment, côté rwandais,
un intellectuel de la mouvance Hutu Power affichait
ce type de raisonnement en 1995 : « Dans
d’autres situations, ce qui a été appelé ‘génocide’ aurait
pu s’appeler ‘résistance’, et les
paysans et miliciens auraient pu être tenus pour des
héros, surtout si à la fin, il y avait eu victoire » (73) .
On croit entendre l’écho, dans ce mémoire
universitaire d’ailleurs soutenu en France, de ce qu’on
entendait un an plus tôt à la Radio des Mille
Collines, de la bouche de son rédacteur en chef :
« Nous devons continuer à lutter,
puisque si nous sommes vaincus, nous serons effectivement jugés,
tandis que si nous avons la victoire personne ne nous jugera. […]
Ce ne sera pas la première fois qu’une résolution
des Nations Unies n’est pas mise en application » (74) .
Il était alors question de mettre sur pied un tribunal
pénal international. Lors de son jugement au Tribunal
de Nuremberg, Gœring tenait le même raisonnement :
nous n’avons fait qu’une faute, celle d’avoir
perdu la guerre. Évidence cynique, mais évidence.
Que l’Élysée a faite sienne en juin 1994.
Responsabilités françaises
La décision de faire une « guerre totale » au
FPR, a-t-elle été prise sans savoir que cette
option débouchait sur un génocide ? Les
politiques et les militaires français y ont déjà répondu
lors des auditions de la Mission. Voilà ce qu’en
dit Georges Martes, ambassadeur à Kigali de 1989 à 1993 :
« Le génocide était prévisible
dès cette période [1990-1993], sans toutefois
qu’on puisse en imaginer l’ampleur et l’atrocité (sic).
Certains Hutu avaient d’ailleurs eu l’audace
d’y faire allusion. Le Colonel Serubuga, chef d’état-major
adjoint de l’armée rwandaise, s’était
réjoui de l’attaque du FPR, qui servirait de
justification aux massacres des Tutsi ».
Quant aux militaires français, ils frayaient depuis
quatre ans avec les extrémistes hutu, notamment avec
le colonel Bagosora, véritable cerveau du génocide,
formé à l’École de guerre en France. « Cette
guerre était une vraie guerre, totale et très
cruelle » a laissé échapper le Général
Christian Quesnot à l’audition de la Mission
parlementaire (75) .
Bref rappel. Un an avant le génocide, à la
fin de février 1993, le Ministre français de
la Coopération de l’époque, Marcel Debarge,
vint en visite à Kigali. Il appela alors tous les
Hutu de l’opposition à rallier le président
Habyarimana dans un « front commun » contre
le FPR Cet appel fut suivi, vingt-quatre heures après
son passage, par une réunion de principaux partis
MDR, PL, PSD ; PDC, pour rejoindre le MRND et la CDR
et constituer ce « front commun » dont
la logique était la « guerre raciale » :
le Hutu Power. C’est d’ailleurs Karamira
Froduald, ex-vice-Président du Mouvement Démocratique
Républicain qui le premier l’a lancé sur
Radio Rwanda, avec le slogan : « MDR-Power !
CDR-Power ! Hutu Power ! ». Le cri de « Power » (prononcé à la
rwandaise « paoua ») accompagnait les
coups de machette et les sifflets stridents des miliciens
pendant le génocide de 1994.
Rappelons encore que Paul Dijoud, directeur des Affaires
africaines et malgaches, décrivait le FPR comme « un
mouvement essentiellement constitué de Tutsi, peuple
intelligent, ambitieux, population nilotique installée
dans l’Afrique profonde. » (76) Robert
Galley ajoutait: « son ambition [du FPR] était
de rétablir l’ordre antérieur, c’est à dire
la domination d’une minorité tutsi sur un peuple
destiné à demeurer un peuple de travailleur.
[…] il s’agit [les Tutsi] d’un peuple
intelligent et fier, de très bons guerriers, qui n’a
rien à voir avec les hordes de pauvres bantou […] » (77) .
De telles convictions donnent la mesure des responsabilités
françaises sur le plan idéologique, et non
seulement militaire.
Il est pertinent de rapporter ici ce qui, dans ce contexte,
est beaucoup plus qu’une anecdote : « Des
chercheurs – en particulier Catharine et David Newbury,
spécialistes incontestés du Rwanda – avaient
essayé dès l’automne [1990] de sensibiliser
les ambassades occidentales de Kigali aux pratiques de l’Akazu et à la
nécessité de détruire les cartes d’identité mentionnant
l’appartenance ethnique de leurs titulaires, mais il
s’étaient fait plus ou moins éconduire
par les diplomates français » (78) .
En 1991, l’historien Jean-Pierre Chrétien fit
une mise au point claire, précise et pressante de
la situation, dénonçant les massacres organisés
par le MRND, redisant la promesse faite par François
Mitterrand de rapatrier ses parachutistes : « alors
que les paras belges avait été rappelés
sous la pression de l’opinion et du parlement de leur
pays, choqués par les exactions commises par l’armée
et la police rwandaise […] auxquelles les militaires
européens étaient amenés à assister » (79) .
En mars 1993, il réitère son appel en direction
des autorités françaises (80) .
Sans plus de résultats. Il suffisait sans doute de
presque rien pour éviter le pire. Un article anonyme
du Monde Diplomatique dénonçant le
caractère étatique de l’organisation
des massacres depuis l’intervention française
de 1990, montre à l’évidence qu’il était
encore possible en 1993 d’empêcher le génocide
(81) .
Le 13 avril 1994, à l’Assemblée nationale,
une question fut posée au ministre de la Coopération
Michel Roussin, évoquant sans ambiguïté le
caractère « programmé et annoncé » des
massacres en cours (82) .
Le ministre l’éluda. Pire encore, tout laisse
penser que, derrière les Forces Armées Rwandaises
et le gouvernement génocidaire, les stratèges
français tiraient les ficelles, puisqu’ils avaient
pleinement conscience qu’un avertissement français
avait le pouvoir d’arrêter les massacres. En
mai 1994, une simple intervention téléphonique
de Bruno Delaye suffit à empêcher les FAR de
massacrer les personnalités réfugiées à l’hôtel
des Mille Collines. La compassion du « Monsieur
Afrique » de l’Élysée, qui
crut bon de sauver les 580 occupants de cet hôtel,
essentiellement des membres de l’opposition démocratique
hutu et leurs familles (83) , était
de toute évidence stratégique : il était
utile d’en garder vivants quelques-uns. Sinon, comment
expliquer l’absence de toute autre intervention ?
L’évidence constatée de tous côtés était
que « des troupes convenablement entraînées, équipéeset
commandées, et envoyées sur le terrain au bon
moment, auraient pu endiguer la violence dans la capitale
et les alentours, empêcher qu’elle ne gagne les
campagnes et créer les conditions menant à la
cessation de la guerre civile entre le FPR et les FAR » (84) .
Tout le monde finalement en convient. Il faut donc convenir
aussi que cette intervention, les militaires français
ne la voulaient surtout pas.
Le projet géostratégique
de Mitterrand : faire du Rwanda un bastion françafricain
Impliquer la France dans un génocide n’est
pas un acte gratuit ou hasardeux, mais le fruit d’un
choix réfléchi, d’une décision
prise au plus haut niveau de l’État. L’amiral
Antoine Sanguinetti a dénoncé le racisme meurtrier
des officiers des troupes de marine (85) .
Cependant, si les qualités de l’ex-coloniale
ont permis cette implication démente, elles expliquent
le « comment » mais pas le « pourquoi ».
De même, l’instrumentalisation de l’ethnisme
dans les hautes sphères du pouvoir français
au nom de la Realpolitik, rendait ce choix possible,
sans toutefois l’expliquer. Ce choix ne peut être
attribué aux effets des minables petites affaires
qui liaient Jean-Christophe Mitterrand et Jean-Pierre Habyarimana
(86) .
Ce n’est pas non plus un caprice du Prince, en raison
d’une indéfectible amitié qui lierait
Mitterrand et Habyarimana ou leurs deux familles (87) .
Ajoutons, pour compléter le tableau, que l’enjeu économique
de ce pays pour la France était quasi nul. Comment
comprendre alors l’engagement du Prince dans une politique
aussi risquée ?
Selon nous, l’intérêt du Rwanda pour la
France relevait essentiellement d’un enjeu stratégique.
Le FPR menaçait l’ordre françafricain.
Face à cette menace, il n’était plus
question de divergences ou de concurrence mais d’union
sacrée. Mitterrand et son état-major ne pouvaient
prendre seuls ce risque. Il fallait impliquer d’autres
réseaux. D’ailleurs, la politique française
en Afrique mise en œuvre dès 1982 par François
Mitterrand était la continuation de la politique gaulliste.
Les réseaux mitterrandiens étaient repris des
anciens, ou interconnectés avec eux. La mangeoire
africaine peut nourrir tout le monde, comme en témoigne
le sourire confiant et ironique du Président Omar
Bongo, interviewé en 2001 par la chaîne de télévision Arte sur
le scandale d’Elf. L’alliance de François
Mitterrand avec Charles Pasqua se retrouve chez leurs deux
fils, Pierre-Phillipe et Jean-Christophe, tous deux pivots
de la Françafrique aux nombreux amis communs
(88) .
Cette prise de décision conjointe est symbolisée
par le déplacement de Jacques Foccart chez Mobutu,
juste après l’attentat contre Habyarimana et
le début du génocide.
Le projet était de garder un pouvoir politique assujetti
et dépendant au Rwanda et de faire de ce pays une
plate-forme française, solide et sûre, au cœur
de l’Afrique. Le Rwanda avait vocation à devenir
un « Hutuland », un bastion ethnique
francophile au cœur de l’Afrique. Une pièce
maîtresse du dispositif, face à l’Ouganda
pro-américain et non contrôlé par les
réseaux françafricains. Le « porte-avions » centrafricain,
principale base française en Afrique, prenait l’eau
de toute part : pour l’état-major, il était
urgent de le remplacer. Le Rwanda était le candidat
idéal, explique Michel Sitbon : « Ce
pays, petit, en fait homogène, était pourvu
d’une structure forte, totalitaire, dotée de
ramifications dans tout le pays, le MRND, le parti présidentiel.
Il était de plus quadrillé par l’Église » (89) .
L’Église assurait on l’a vu un bon encadrement
idéologique et fournissait la justification « morale » du
choix ethnique pour les hommes politiques français.
Retour productif de son investissement depuis 1990 dans ce
pays, l’ex-coloniale avait son armée de supplétifs
dévoués. Ce fait sera corroboré par
son utilisation en 1996 au Zaïre, puis au Congo et au
Soudan, malgré sa défaite au Rwanda.
Il suffisait donc de suivre l’extrême droite
hutu jusqu’au bout. Le prix à payer, le massacre
de la minorité tutsi, ce n’était peut-être
pas un obstacle majeur. L’histoire du Rwanda, ponctuée
de massacres, permettait ce choix stratégique. La
Belgique en avait montré trente ans plus tôt
la faisabilité et l’intérêt. Sa
tutelle post-coloniale s’était appuyée
solidement sur un soutien sans faille au régime ethniste
hutu, malgré le « petit génocide » (90) de
Gikongoro. Les Belges avaient ainsi couvert en 1963 les massacres
de dizaines de milliers de Tutsi, exterminées par
familles entières. À l’époque,
le philosophe anglais Bertrand Russell avait parlé « du
massacre humain systématique le plus horrible qui
ait eu lieu depuis l’extermination des Juifs par les
Nazis » (91) .
Mais cela n’avait guère eu d’échos.
Les meurtres de masse, les crimes, les drames, les monceaux
de cadavres… la nuit rwandaise engloutissait tout
dans son silence. Le thème des « troubles
interethniques » réussissait à s’imposer.
C’est de l’impunité consécutive à ce « petit
génocide » que s’est autorisée
l’option politique française.
Pourquoi l’assassinat d’Habyarimana ? S’interroge-t-on
alors. En attendant l’éventuelle administration
des preuves au TPIR, on peut avancer, parmi d’autres,
l’hypothèse que voici. François Mitterrand
savait que son ami Habyarimana projetait une « guerre
totale » contre le FPR, euphémisme utilisé à Paris
pour désigner le génocide. Le ministre de la
Coopération Marcel Debarge avait donné le feu
vert en février 1993, lors de sa visite à Kigali
en appelant les Hutu à constituer un front uni contre
le FPR. Les achats massifs de machettes en 1993 en annonçaient
l’imminence. Il était en revanche impossible
de laisser Habyarimana conduire cette entreprise. Un chef
d’État comme Habyarimana, lié à la
France et à son président, était trop
voyant, trop compromettant. Dans cette hypothèse,
il devait être éliminé (92) .
Les « troubles ethniques » consécutifs à son
assassinat devaient constituer un écran efficace.
Il y avait peu de risque. Car comme le dit, droit dans ses
bottes, le chef d’état-major de Mitterrand,
le Général Christian Quesnot, « la
France ne pouvait à la fois être accusée
de soutenir le Président Habyarimana et de l’avoir
tué » (93) …
L’hypothèse de l’enjeu
nucléaire
Faut-il chercher une autre « raison forte, un
mobile toujours secret et que nous ignorons » (94) qui
viendrait étayer cette hypothèse ? Le
triangle Afrique du Sud-France-Rwanda, associé au
secret nucléaire, est une piste à creuser,
qui conforte l’hypothèse du choix géostratégique.
On a vu que les trafics d’armes pendant le génocide
faisaient intervenir un intermédiaire sud-africain,
Willem Petrus Ehlers. Celui-ci était l’ancien
secrétaire de P.W. Botha, ex-Premier ministre sud-africain
et grand ami de Foccart (95) .
Cet « enjeu nucléaire » a déjà été signalé par
Jean-François Bayart en 1995. Il l’a été à nouveau
réactivé par Vincent Hugeux en 1998 :
« Mais il est
une autre piste, moins anodine : la ‘dette’ contractée
envers Kigali pour son rôle de transitaire
docile lors de livraisons secrètes d’armements
destinées à l’Afrique du Sud
de l’apartheid. D’autant que la commande
aurait porté non pas sur des missiles, comme
on le murmura alors, mais sur de l’équipement
nucléaire » (96) .
L’argument supplémentaire d’un enjeu nucléaire
est conforté par l’implication dans l’affaire
rwandaise de Robert Galley, ministre de la Coopération
de 1976 à 1981, homme pivot du lobby nucléaire
et pilier de l’ethnisme prohutu. R. Galley s’est
investi dans ce racisme politique dès les premiers
accords de coopération militaire signés en
1975, sous la présidence de Giscard d’Estaing.
Symbole du « pouvoir ethnique » et
d’une ethnocratie sans partage, Habyarimana avait toutes
les caractéristiques des meilleurs alliés africains
de la Françafrique ! Arrivé au
pouvoir deux ans plus tôt, après un coup d’État
au cours duquel une cinquantaine de notables de l’ancien
régime furent assassinés, il fit mourir en
prison son prédécesseur Kayibanda en 1976 dans
des conditions atroces – ce qui ne l’empêcha
pas d’en louer la mémoire et de se revendiquer
de sa « Révolution hutu ». En
1981, Robert Galley devint président du groupe d’amitié France-Rwanda
de l’Assemblée nationale. À partir de
1990, il s’entretint fréquemment du Rwanda avec
le président Mitterrand (97) .
Comme dans d’autres affaires sulfureuses de la politique
souterraine française, le lobby nucléaire est
présent au cœur du système (98) .
Jean-François Bayart, membre du Centre d’analyses
prévisionnelles du Quai d’Orsay, un des analystes
les mieux informés sur la question, a évoqué en
1995 les « services » rendus par le
régime Habyarimana :
« Je pense que le Rwanda d’Habyarimana a
rendu des services à l’État français
dans le domaine politique de l’ombre et que Mitterrand
s’est estimé lié […] Mon hypothèse –c’est
une hypothèse, je ne peux en donner de preuve – est
que le Rwanda a couvert des ventes, vraisemblablement d’armes,
voire d’équipements utiles à la technologie
nucléaire, à un pays qui était frappé d’embargo.
Je pense qu’il pourrait s’agir de la République
sud-africaine » (99) .
Pour ma part, il me semble qu’il n’était
pas nécessaire que Mitterrand se soit « estimé lié à Habyarimana ».
L’hypothèse la plus simple et la plus vraisemblable
est que le Rwanda a été choisi pour un investissement
géostratégique à long terme. Ce pays
avait fait ses preuves comme relais et intermédiaire
des trafics d’armes et d’équipements nucléaires
illicites.
Si cette hypothèse est exacte, il y aurait deux sortes
de complicité de génocide. Celle des initiés
au secret d’État, qui doivent être peu
nombreux, et celle d’un groupe plus important qu’on
pourrait appeler les « idiots utiles »,
pour reprendre et retourner l’expression du député Jacques
Myard en 1998 (100) .
Ces termes désignent ici ceux qui furent chargés
de bétonner la politique suivie au Rwanda selon les
thèmes (au choix) : de la démocratie ethnique
(80% de Hutu) ; de la lutte contre le complot anglo-saxon ;
de la francophonie et de la grandeur françafricaine.
A eux de brandir l’étendard de la France outragée.
Jacques Myard, membre de la Mission d’information,
accuse les universitaires auditionnés d’être
des « témoins à charge ne serait-ce
que pour vendre des livres » en pratiquant un « exercice
d’auto-flagellation » (102)
Et d’expliquer au public :
« Nous sommes dans une
région du monde où, à intervalle régulier,
malheureusement, les gens se massacrent allègrement
[…] Je rappelle que [l’opération] Noroît a été lancée
pour des raisons humanitaires. […] je pense que ce
n’était pas inintéressant, y compris
pour la France, y compris pour le développement des
Africains eux-mêmes, que la France, je dirais, intervienne
au Rwanda. Que certaines puissances en aient pris ombrage, ça
nous le savons » (103) .
La Françafrique n’a pas gagné le
Rwanda. Mais elle n’y a pas tout perdu. Son armée
de supplétifs africains, très active en Afrique
centrale, s’est battue pour les intérêts
de l’ex-coloniale dans les deux Congo (Brazzaville
et Kinshasa) et au Soudan. Composée des ex-FAR et
des milices hutu, maîtres d’œuvre du génocide
des Tutsi, elle reste d’une fidélité exemplaire.
La Françafrique l’a utilisée
au Zaïre dans sa tentative de sauver Mobutu en 1997,
puis avec plus de succès aux deux Congo pour installer
Sassou et maintenir un Kabila rallié. Cette fidélité de
l’armée néo-coloniale française
n’est pas surprenante. Les militaires français
l’ont instruite, entraînée et formée.
Cette fidélité s’est soudée dans
la complicité criminelle. Le pacte a été signé au
Rwanda avec le sang d’un million et demi d’innocents
(104) .
NOTES
1.
Millwood,
Étude 2, pages 54-55.
2.
Raymond Bonner, « French establish a base in
Rwanda to block rebels », The New York Times,
5 juillet 1994.
3.
Pour reprendre le titre du livre de Serge Halimi (Les
Nouveaux chiens de garde, Liber-Raisons d’Agir,
1997), qualifiant les médias.
4.
Convention de Genève du 12 août 1949.
5. Libération du
27 juin 1994.
6.
Cité dans Le Monde du 31 juillet 1994, « Radio
Mille Collines épargnées ? » d’Alain
Frachon et Afsané Bassir Pour.
7.
Mission parlementaire, Tome II, Annexes, 454.
8. Képi
Blanc, octobre 1994, cité par Le Figaro le
lendemain de la publication du rapport de la Mission !
10.
Mission parlementaire, Tome 1 Rapport, 325.
11.
Alison Des Forges, ouvrage cité, page 798.
12.
Mission parlementaire. Audition du 2 juin 1998.
13.
Eugène Shimamungu, Mémoire de D.E.A., Université de
Lille III, septembre 1995, pp. 131-132.
14.
RTLM, le 2 juillet 1994, Gaspard Gahigi, cité dans Rwanda,
Les médias du génocide, ouvrage cité.
15.
Mission parlementaire, Tome III, Auditions, volume 1, page
341.
17. Ibid.,
pages 278 et 283.
18.
J.-F. Bayart, « Bis repetita :
La politique africaine de François Mitterrand de
1989 à 1995 », in Mitterrand
et la sortie de la guerre froide, ouvrage cité,
page 272.
19.
J.-P. ChrÉtien, « Le régime de
Kigali et l’intervention française au Rwanda :
sortir du silence », in Bulletin
du Cridev n°105, février-mars 1992 (rédigé le
20 décembre 1991).
20.
J.-P. ChrÉtien, « Note sur l’enjeu
politique au Rwanda », document en date du 8
mas 1993, rédigé à l’occasion
de la présentation du rapport de la mission internationale
FIDH/Human Rights Watch au Rwanda.
21. « Au
Rwanda, les massacres ethniques au service de la dictature », Le
Monde Diplomatique, avril 1993.
22.
Les discours après 1990 sont consultables sur le
site de l’Assemblée nationale, avec un moteur
de recherche par mot-clés.
23. Billets
d’Afrique, n°31, février 1996.
24.
Selon le rapport de l’OUA, Un génocide évitable,
ouvrage cité.
25.
Supplément n°49 de La Ligue de l’enseignement,
mai 1997.
26. Évoquées
par l’Observatoire Nationale des Drogues, Dépêche
internationale des drogues, n° 34, août
1994.
27.
Hypothèse mise en avant par Pascal Krop dans Le
Génocide Franco-Africain. Ouvrage cité,
page 88 et, comiquement, par Bernard Debré sur les
ondes de RFI, le 18 novembre 1994.
28.
Cf. F.-X. Verschave, Noir silence, op. cit.
29.
Michel Sitbon, Un génocide sur la conscience,
ouvrage cité, pages 90-91.
30.
Comme l’appelle Jean-Claude Willame, Aux sources
de l’hécatombe rwandaise, ouvrage cité.
31.
René Lemarchand, Rwanda and Burundi, ouvrage
cité.
32.
Selon cette hypothèse, la réalisation du
programme aurait pu être assurée par les ultra
de son entourage, regroupés derrière Bagosora,
homme neuf, sûr, formé à l’École
de guerre, susceptible de devenir au Rwanda ce qu’était
Eyadéma au Togo : un pilier de la Françafrique (Cf. L’exemple
togolais Dossier Noir n°2 et La France à Biarritz,
pages 65-77, ouvrages cités). L’intervention
au Zaïre en avril 1994 de Jacques Foccart, maître
des coups tordus et de la politique secrète, conforterait
cette hypothèse. Foccart pouvait transformer ce
genre de calcul métapolitique en réalité concrète,
c’était même sa spécialité.
33.
Mission parlementaire. Tome III, Audition du Général
Quesnot, page 343.
34.
Comme je l’ai fait dans Un génocide secret
d’État, Paris, Ed. sociales, 1998, « vraies
et fausses raisons du choix français »,
page 105.
35.
Caroline Dumay et Patrick de Saint-Exupéry, « Les
armes du génocides », Le Figaro du
3 avril 1998.
36. L’Express du
12 février 1998.
37. Le Canard
enchaîné du 8 avril 1998.
38.
Voir F.-X. Verschave, Noir Chirac. Secret et impunité. Paris,
Les Arènes, 2002. Le cas de l’Irangate est
bien documenté dans Une guerre de Dominique
Laurentz, Éd. Les Arènes, 1997.
39. Les
Temps Modernes, n° 583, article cité,
entretien avec Gustave Massiah, p. 224.
40. « La
campagne de presse mettant en accusation la France, est
en réalité une grossière manipulation
organisée via quelques idiots utiles, par des intérêts étrangers[…] » citation
extraite de La Lettre de votre député Jacques
Myard, octobre 1998.
41.
Interview sur LCI du 5 avril 1998.
43.
Sur cette « estimation vraisemblable »,
voir l’argumentation de l’auteur dans La
Nuit rwandaise, op. cit., pp. 43-45. (NdE).
44.
Ce n’est pas pour rien que le Tribunal pénal
international pour le Rwanda ne prend pas en compte les
crimes commis avant janvier 1994, sous présence
française. Voir La justice internationale face
au drame rwandais, sous la direction de Jean-François
Dupaquier, Karthala, 1996.
45.
Immaculée Cattier, témoignage cité dans
le Communiqué de presse du 22 mars 2004 de la « Commission
d’enquête citoyenne sur le rôle de la
France durant le génocide des Tutsi au Rwanda en
1994 », Paris, du 22 au 26 mars 2004.
46.
Rapport sur les Droits de l’homme au Rwanda. Septembre
1991 – Septembre 1992., ouvrage cité, p. 104.
47.
Claude Kroës, L’Humanité du
22 novembre 1991.
48.
Interview de Jean Carbonare, L’Humanité Dimanche du
26 mai au 1er juin 1994, n°219, p. 15.
49.
Jean Carbonare, Le Nouvel Observateur du 4 août
1994.
50.
Vincent Hugeux, L’Express du 12 février
1998.
51.
J.-F. Bayart, « Bis repetita :
La politique africaine de François Mitterrand de
1989 à 1995 », intervention citée.
D’autres extraits de cette intervention sont citées
dans Billets d’Afrique n°48, juillet
1997.
52. Aucun
témoin ne doit survivre, op. cit.,
pp. 771-773.
53.
Ce document est reproduit dans le Dossier noir de la
politique africaine de la France n°1 : Rwanda,
La France choisit le camp du génocide, Paris,
L’Harmattan, 1995.
54.
Cf. Patrick de Saint-Exupéry, Le Figaro du
12 janvier 1998; et Aucun témoin ne doit survivre, op.cit.,
p. 770.
55.
Jérôme Bicamumpaka, ministre des Affaires étrangères
et Jean Bosco Barayagwiza, responsable de la CDR.
56. À ce
marchand d’armes, nécessairement « agréé » par
les services secrets, Paul Barril reprocha de n’avoir
pas livré toutes les armes commandées par
les génocidaires et lui réclama le trop perçu.
Pour se défendre, le patron de DYL-Invest menaça
de « mettre en cause l’État français ».
Dominique Lemonnier aurait reçu une commande de
deux missiles sol-air entre novembre 1993 et février
1994, à la demande d’un proche de Paul Barril.
Il n’aurait pas donné suite, mais aurait appris
que cette commande avait été refaite auprès
d’une autre société autorisée
d’exportation de matériel de guerre. Dominique
Lemonnier est mort peu après d’une crise cardiaque,
en sortant d’un déjeuner d’affaires à Annecy.
On ne parlera plus de lui, ni de ses dossiers et de son
chantage concernant l’État français.
Cf. pour ces informations Patrick de Saint-Exupéry, Le
Figaro du 31 mars 1998.
57.
Ephrem Rwabalinda, rapport cité.
58.
Le « droit de mort » des services
spéciaux est reconnu par l’ensemble du système
national et international, nous dit l’ex-patron de
la DGSE, Claude Silberzahn, dans Au cœur du secret,
Fayard, 1995, p. 24. L’essentiel est qu’il
reste… secret.
59.
Audition du 21 avril 1998.
60.
Mission parlementaire. Audition du 16 juin 1998.
61.
Communiqué officiel de l’Élysée
du 18 juin 1994.
62.
Au Figaro Magazine du 29 juillet 1994.
63. Rwanda,
un génocide évitable, op. cit.
64.
Human Rights Watch/FIDH, entretien, Paris, 4 juillet 1994.
65.
Cf. Gérard Prunier, « Operation Turquoise:
A Humanitarian Escape from a Political Dead End », in Adelman
et al. (éd.), Path of a Genocide.
66.
Entrevue avec le Dr Bradol dans « The Bloody
Tricolour », BBC, Panorama, 28 août 1995.
67.
Enquête indépendante des Nations Unies, décembre
1999, 47.
68.
Des Antonov 124, des Bœing 747 et des Airbus, loués
pour un coût de un milliard de Francs. Grands
Lacs Hebdo n° 216 du 12-18 octobre 20.
69.
Ce que confirme le déploiement au Nord-Ouest, secret
et non médiatisé. Voir Aucun témoin
ne doit survivre, ouvrage cité, pages 784 et
785.
70.
Dans une lettre à leurs supérieurs, cité dans
le recueil d’African Rights dirigé par
Rakya Omar, Death, Despair and Defiance, Londres,
1995, p.1142.
71.
Armée patriotique rwandaise, branche armée
du FPR.
72. Le
Figaro du 12 janvier 1998.
73. La
Lettre du Continent, 24 août 2000.
74. Aucun
témoin ne doit survivre, Karthala,
1999. Souligné par moi.
75.
Audition du 2 juillet 1998 de Jean-Christophe Belliard,
Premier secrétaire de l’ambassade de France
en Tanzanie et représentant de la France aux négociations
d’Arusha. Enquête sur la tragédie
rwandaise. Rapport de la Mission parlementaire d’information, Tome
III, Auditions, volume II, p. 280.
76. Aucun
témoin ne doit survivre, op. cit.
77.
François-Xavier Verschave, Noir Silence. Qui
arrêtera la Françafrique ? Paris,
Les Arènes, 2000.
78.
Pierre-Olivier Richard, Casques bleus, sang noir. Rwanda
1994-Zaïre 1996 : un génocide en spectacle,
Epo, 1997, page 100.
79.
Nations Unies, Conseil de Sécurité, 3377ème
réunion, lundi 16 mai 1994, S/PV/3377.
80. Aucun
témoin ne doit survivre, op. cit.,
p. 750.
81.
Le procès de Jean-Bosco Barayagwiza s’est
ouvert devant le Tribunal pénal international pour
le Rwanda le 23 octobre 2000.
82.
Mission parlementaire, page 335 de la version provisoire.
83.
Cité par François-Xavier Verschave, Noir
Silence, op. cit., p. 528.
84. « Report
of the independent inquiry into the actions of the United
Nations during the 1994 genocide in Rwanda »,
connu sous le nom de rapport Carlson, du nom du président
de la commission d’enquête de l’ONU,
Ingvar Carlson, ex-Premier ministre de Suède. Voir
le site d’information publique de l’ONU :
www.reliefweb.int, (18 juin 1999).
85.
Rapport S/1998/1096 du 18 novembre 1998 ou « Rapport
Kassem » du nom du président de la commission
d’enquête, l’Egyptien Mahmoud Kassem.
86.
Sur l’armement par la France du régime génocidaire,
voir l’étude de Mel McNulty, « French
arms, war and genocide in Rwanda », publiée
dans Crime, Law & Social Change, n°33,
2000.
87.
Rapport S/1998/63 paragraphes 16 à 27.
88.
Voir : « Rwanda : Une armée
au-dessus de tout soupçon ? », Politis,
8 octobre 1998, pp. 24-25.
89.
J.-F. Bayart, « Bis repetita :
La politique africaine de François Mitterrand de
1989 à 1995 », Colloque des 13-15 mai
1996. in : Samy Cohen dir., Mitterrand
et la sortie de la guerre froide, PUF, 1998, pp. 251-294.
90. J.-F.
Bayart, Les Temps modernes, n°583, juillet
août 1995.
91.
Propos rapportés par Pierre Favier et Michel Martin-Roland, in La
décennie Mitterrand. 4. Les déchirements,
Seuil 199, p. 478.
92.
F.-X. Verschave, Complicité de génocide ? La
politique de la France au Rwanda, Paris, La Découverte,
1994.
93.
Sur ces informations connues par les officiers militaires
et leurs responsables politiques, les agents qui diffusaient
une propagande mensongère dans les medias, et les
diplomates en poste qui couvraient ces massacres, voir
J.-P. Gouteux, Un génocide secret d’État. La
France et le Rwanda 1990-1997, Ed. sociales, 1998,
et La Nuit rwandaise, L’implication française
dans le dernier génocide du siècle,
L’Esprit frappeur, 2002.
94. Rapport
sur les Droits de l’homme au Rwanda. Septembre
1991 – septembre 1992. Association rwandaise
pour la défense des droits de la personne et des
libertés publiques (A.D.L.), Kigali, décembre
1992, 355 pages. Disponible à Liaison-Rwanda,
215, Avenue du petit train, 34000, Montpellier, France.
Les citations sont tirées de ce rapport.
95.
Déclaration faite aux obsèques de militaires
tombés au combat contre le FPR : « Je
vous vengerai ». Cité par Grands
Lacs Hebdo du 12 février 2001.
96.
Association rwandaise pour la défense des droits
de la personne et des libertés publiques. (NdE)
97.
Sous groupe hutu de la région montagneuse du Nord-Ouest
auquel appartient Habyarimana et son Akazu.
98.
Document de l’État-major des Forces Armées
Rwandaises, 21 septembre 1992, désignant « l’ennemi ».
99. Dialogue,
revue catholique proche du pouvoir publiée à Kigali
et diffusée en Europe.
100.
Cf. Jordane Bertrand, Rwanda, le piège de l’histoire.
L’opposition démocratique avant le génocide
(1990-1994), Karthala, 2000.
101.
Rapport sur les Droits de l’homme au Rwanda, Septembre
1991 – Septembre 1992, ouvrage cité.